Yémen : La chute de Ma’rib, un retentissant camouflet pour la coalition pétro monarchique et ses parrains occidentaux
Rétropédalage de l’Arabie saoudite envers la Syrie : L’Arabisme, meilleur antidote à l’extrémisme islamique. Vers une convergence entre Al Qaida…
Rétropédalage de l’Arabie saoudite envers la Syrie : L’Arabisme, meilleur antidote à l’extrémisme islamique. Vers une convergence entre Al Qaida et Taliban pour brider Daech dans la zone AF-PAK (Afghanistan-Pakistan)
1- Al Qaida au secours de l’Arabie saoudite au Yémen
Les Houthistes ont réussi à assiéger Ma’rib (Yémen), fin avril 2021, au terme de trois mois d’âpres combats, en dépit des raids incessants de l’aviation pétro monarchique, du blocus occidental des ports yéménites, des menaces des Etats Unis de faire appliquer le chapitre VII de la charte de l’ONU prévoyant des sanctions en vue de faie cesser le siège de la ville; en dépit, enfin, du renfort des djihadistes d’Al Qaida et du parti islamiste Al Islah.
La conquête de la colline rouge -«Tal’at Al Hamra»-, la plus importante fortification de défense du chef-lieu de la zone pétrolifère du Yémen par les «va nus pieds» yéménites, lundi 26 avril, a constitué un point de non retour dans le cours des combats en ce qu’elle a verrouillé les voies de ravitaillement stratégiques de la cité au profit des Houthistes.
Depuis le début de la bataille de Ma’rib, la hiérarchie militaire yéménite pro-saoudienne a payé un lourd tribut à la guerre. Près de trente officiers y ont trouvé la mort notamment cinq officiers supérieurs du commandement: le Général Abdallah al Hadiry, adjoint opérationnel du général Ali Mohsen Al Ahmar, le commandant en chef yéménite des troupes pro monarchiques, son directeur de cabinet, le général Abdallah Al Arar, son plus proche collaborateur, le général Adel Al Qamiry, ainsi que le général Abdallah Al Hadry, directeur de la justice militaire et le Colonel Abdel Ghani Salmane, responsable de l’administration du corps des officiers.
Sur les pertes de la hiérarchie militaire pro saoudienne, cf ces liens:
La chute de Ma’rib constituerait un retentissant camouflet pour la coalition pétro monarchique et ses parrains occidentaux, voire même un tournant dans la guerre en ce que Ma’rib représente le dernier bastion du président en exil Abd Rabbo Mansour Hadi, dans ce qui fut le Yémen du Nord avant l’unification du pays, en 1990.
Six ans après avoir délogé le président Hadi de sa capitale, Sana’a, en février 2015, trois ans après la destruction des installations du géant pétrolier saoudien ARAMCO, la conquête de M’arib paraît devoir porter un sérieux coup à la crédibilité militaire de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis, et, au delà, à la sagacité stratégique des deux chefs de file de la contre-révolution arabe, les deux impétueux princes héritiers, Mohamad Ben Salmane (Arabie saoudite) et Mohamad Ben Zayed (Abou Dhabi), initiateurs de cette guerre d’agression contre le plus pauvre des pays arabes en 2015.
Remporté malgré le renfort d’Al Qaida et du parti Al Islah, la branche yéménite de la confrérie des Frères Musulmans, ce fait d’armes paraît devoir propulser les Houthistes au rang d’acteur majeur au niveau de la Péninsule arabique, au même titre que le Hezbollah libanais au Moyen-Orient.
Chef lieu de la zone pétrolifère du Nord Yémen, Ma’rib produit près de 10 % du gazole et, surtout, 90 % du gaz de pétrole liquéfié consommé dans le pays. Capitale de l’ancien royaume de Saba, située à 120 km de Sana’a, elle est le point de départ de l’oléoduc Marib-Ra’s Isa. La participation d’Al Qaida et du parti Al Islah aux combats du Yémen dans le camp saoudien a été rapportée par le journal libanais Al Akhbar en date du 10 avril 2021 et 24 avril 2021.
2 – Le coup de semonce balistique syrien dans le périmètre de sécurité de Dimona et le précédent du drone du Hezbollah
En toile de fond des négociations de Vienne sur le nucléaire iranien et des pourparlers saoudo-iraniens à Bagdad, la victoire houthiste devrait élargir la marge de manœuvre des principaux protagonistes de l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone, dont le chef de file est l’Iran, la Syrie, le point focal de sa résistance, et les meneurs de sa guerre asymétrique, le Hezbollah et les Houthistes aux deux extrémités du Monde arabe, le libanais face à Israël, le yéménite face à l’Arabie saoudite, les deux points d’articulation de la stratégie américaine au Moyen-Orient.
En superposition, le coup de semonce balistique syrien, nullement fortuit, dans le périmètre de sécurité du site nucléaire israélien de Dimona, dans le désert du Néguev (Al Naqab) et la fourniture de six tankers iraniens à la Syrie, –un convoi sous escorte navale russe, à la veille du Ramadan 2021, brisant ainsi le double embargo américain contre la Syrie et l’Iran– témoignent du degré de mobilisation des contestataires au camp atlantiste et de leur détermination à s’opposer à leurs menées, tant en Ukraine qu’au Moyen orient.
Pour mémoire, l’annexion de la Crimée par la Russie, le 16 mars 2014, est intervenue le jour même de la chute du bastion djihadiste d’Al Qoussayr, en Syrie, aux mains du Hezbollah libanais.
Pour rappel, le lancement le 2 octobre 2012 d’un avion sans pilote du Hezbollah en direction d’Israël a constitué la première incursion aérienne réussie de l’aviation arabe depuis la guerre d’octobre 1973, il y a 47 ans. Son survol du site nucléaire de…Dimona, déjà, avait démontré à l’époque l’absence d’étanchéité du «dôme d’acier» israélien, édifié avec de coûteux moyens avec l’aide américaine en vue d’immuniser le ciel israélien de toute attaque hostile.
Cet exploit militaire du Hezbollah, et par voie de conséquence de l’Iran, était apparu comme une spectaculaire démonstration de leur capacité technologique à forte portée psychologique tant à l’égard d’Israël que des États-Unis, qu’à l’encontre du groupement des pays sunnites gravitant dans l’orbite atlantiste.
L’avion sans pilote du Hezbollah qui a réussi son incursion aérienne dans l’espace israélien portait le nom d’AYOUB (JOB), symbole de la patience dans la civilisation arabe et musulmane. Sabr Ayoub… patience….tout un programme.
Pour le locuteur arabophone cf ces deux liens:
Rétrospectivement, la reptation collective arabe face à Israël, à l’automne 2020, s’explique par la débandade pétro monarchique au Yémen, le plus pauvre des pays arabes, et la volonté des anciens flibustiers de la Côte des Pirates de se placer sous le parapluie israélien, alors que pointe la possibilité d’une faillite financière des pétro-monarchies à l’horizon de l’an 2035, selon les prévisions du FMI et que la constitution d’un bloc eurasien hors de la zone d’influence américaine se profile tel un cauchemar stratégique pour l’OTAN.
- Les perspectives du FMI sur ce lien : https://www.madaniya.info/2021/04/22/les-perspectives-economiques-du-fmi-a-lhorizon-2035/
3 -Le retropédalage de l’Arabie saoudite envers la Syrie: L’Arabisme, meilleur antidote à l’extrémisme islamique.
Face à ces perspectives alarmistes, -les prévisions du FMI et les revers militaires pétro monarchiques au Yémen-, l’Arabie saoudite a entrepris un rétropédalage de sa politique. Outre la fermeture du bureau de représentation de l’opposition syrienne off shore pétro monarchique en Arabie saoudite, le Chef des services de renseignements saoudien, le général Khaled Al Houmeydane a effectué, fin avril 2021, une visite à Damas pour des entretiens avec le président Bachar Al Assad et son conseiller pour les affaires de sécurité, le général Ali Mamlouk, visant à la normalisation des relations entre Damas et Ryad.
La réouverture de l’ambassade saoudienne à Damas pourrait intervenir après la fête du Fitr, qui marque traditionnellement la fin du mois sacré du jeûne, le Ramadan.
Selon des indiscrétions rapportées par le site en ligne «Ar Rai Al Yom», les Saoudiens ont fait valoir à leurs interlocuteurs syriens que «l’Arabisme (le sentiment d’appartenance à la nation arabe) est le meilleur anti-dote à l’extrémisme islamique».
Pour le locuteur arabophone, les détails de cette visite sur ce lien : https://www.raialyoum.com/
4- L’intoxication du journal Libération à propos du général Ali Mamlouk
Pour rappel: La mort d’Ali Mamlouk avait été annoncée au printemps 2015, soit il y a six ans, par la presse britannique dans une opération d’intoxication destinée à démoraliser les troupes gouvernementales syriennes à la veille d’une offensive combinée des djihadistes depuis le Golan et le Front sud, le secteur Deraa, région frontière syro jordanienne.
Des journalistes français généralement présentés comme étant de grands connaisseurs des affaires du Moyen-Orient ont repris l’information concernant Ali Mamlouk en mentionnant sa destitution et brodant abondamment sur les raisons de son éviction. Six ans après, le général Mamlouk est toujours à son poste. De telles élucubrations, sur fond de présupposés idéologiques post coloniaux, expliquent pour une large part le désastre stratégique de la France en Syrie.
L’éviction du général Ali Mamlouk a été annoncée par des journalistes français prétendument spécialistes du Monde arabe: Jean Pierre Perrin et Hala Kodmani
- http://www.liberation.fr/monde/2015/05/11/damas-la-chute-de-mamlouk-patron-des-services-secrets_1307029
- https://www.madaniya.info/2016/04/01/syrie-riad-hijab-bouffon-roi/
5- Une légion islamique mercenaire
Il n’est pas indifférent de noter à ce propos qu’Al Qaida et le parti Islah sont deux groupements islamistes inscrits sur la liste noire des organisations terroristes, mais dont le concours militaire a été sollicité par l’Arabie saoudite, au nom du primat sunnite, avec l’accord des trois occidentaux.
L’engagement d’Al Qaida à la guerre du Yémen, aux côtés des forces saoudiennes, -sans objection des pays occidentaux alliés de la pétro monarchie (États Unis, Royaume Uni et France)-, scelle, dans l’ordre subliminal, la connivence, à tout le moins la tolérance, des trois pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU avec le terrorisme islamique international.
Le Congrès américain a certes fustigé dans un rapport les Frères Musulmans, mais l’administration américaine -qu’elle soit républicaine ou démocrate- cautionne la coopération avec cette confrérie pour autant qu’elle sert les intérêts impériaux des États -Unis et de ses alliés régionaux.
Ci joint le rapport du congrès américain destiné surtout à la consommation intérieure américaine.
The Muslim Brotherhood Global Threat Us Congres Report
https://docs.house.gov/meetings/GO/GO06/20180711/108532/HHRG-115-GO06-Transcript-20180711.pdf
Symétrique à l’engagement des groupes terroristes de Syrie en Libye et au Haut Karabagh, pour le compte de la Turquie, la participation d’Al Qaida à la guerre du Yémen dans le camp saoudien tend à accréditer l’image d’une légion islamique mercenaire fonctionnant sur le mode de forces supplétives aux puissances régionales musulmanes.
Sur les enjeux de la guerre du Yémen déclenchée par la coalition pétro-monarchique, cf ces liens:
- https://www.madaniya.info/2015/05/01/yemen-arabie-saoudite-arabie-saoudite-versus-al-qaida-1-2/
- https://www.madaniya.info/2015/05/04/yemen-arabie-saoudite-arabie-saoudite-versus-houthistes-2-2/
Au-delà de ces deux mouvements islamistes, la coalition pétro monarchique est soutenue par les Occidentaux qui assurent le blocus maritime des ports yéménites, ainsi que par Israël qui se livre à des actions de harcèlement contre la flotte pétrolière iranienne dans la zone.
Alliés des groupements terroristes dans la guerre de Syrie, les Occidentaux avaient déjà prêté main forte à Al Qaida pour prendre pied au Hadramaout, dont elle a fait de cette province du Sud Yémen sa plate-forme opérationnelle.
A propos d’Al Qaida au Hadramaout, cf, ce lien: https://www.renenaba.com/le-yemen-entre-unite-et-partition/
6- Vers une consolidation des rapports entre Al Qaida-Taliban dans la zone AFPAK (Afghanistan Pakistan).
Al Qaida pourrait prolonger sa coopération en Asie avec le mouvement taliban, particulièrement dans la zone AFPAK (Afghanistan-Pakistan), en raison du rôle assumé par son fondateur, Oussama Ben Laden, dans la création de l’Émirat Islamique d’Afghanistan, soutient pour sa part, M. Abdel Bari Atwane, directeur du site en ligne «Ar Rai al Yom».
Une telle coopération pourrait se nouer dans la perspective du prochain retrait américain d’Afghanistan, le 11 septembre 2021, alors que l’administration démocrate s’emploie à consolider le pouvoir du président Ashraf Ghani en mettant une armée de 300.000 soldats dotés d’un armement sophistiqué, encadrés par des instructeurs des compagnies militaires privées, la forme moderne du mercenariat occidental.
Ce rapprochement entre les deux anciens alliés de la guerre anti soviétique d’Afghanistan pourrait être facilité par la disparition de Djalal Eddine Haqqani, redoutable chef de guerre afghan, décédé le 3 septembre 2018, un des artisans de la défaite soviétique en Afghanistan et de la prise du pouvoir à Kaboul par les Talibans.
«Depuis la mort de son chef fondateur, le Mollah Ahmad Omar, le mouvement a procédé à une réorganisation en profondeur de ses structures, sous l’impulsion de Siraj Eddine Haqqani, fils de Djalal Eddine Haqqani.
«Les Talibans ont depuis lors refusé toutes les offres de négociations alléchantes du président en exercice Achraf Ghani, notamment celle de présider un gouvernement afghan, dont plusieurs principaux ministères seraient détenus par les partisans du président.
«Les États Unis ont ainsi supprimé, en 2019, une aide financière de 300 millions de dollars destinée au Pakistan reprochant à ce pays sa passivité dans sa «lutte contre le terrorisme». Dans le langage codé américain, cela signifie, l’absence de pression du Pakistan sur les Talibans pour favoriser un arrangement permettant le retrait des troupes américaine d’Afghanistan, dans la perspective de la campagne pour la réélection du républicain Donald Trump.
Au terme de 18 mois de négociations à Doha (Qatar), les États Unis et les Talibans ont conclu, début 2020, un accord prévoyant un retrait militaire américain sous conditions dans un délai de quatorze mois. Un arrangement généralement perçu comme une reddition américaine aux desiderata des Talibans.
Point marquant de l’histoire afghane par sa forte personnalité, la disparition de Haqqani va favoriser une consolidation des rapports entre les Talibans et Al Qaida, via son propre fils, Siraj Eddine, N° 2 du mouvement taliban, en vue de contrer l’influence grandissante de Daech dans les zones montagneuses afghanes qui abritent de nombreux jeunes salafistes, tentés par le jihad, soutient M. Atwane.
Le seul grand regret de la vie de Haqqani aura été de n’avoir pu assister au dégagement militaire américain de la manière qu’il avait été le témoin du retrait soviétique d’Afghanistan. Une tâche désormais dévolue à son fils Siraj Eddine.
M. Atwane, unique journaliste au monde à avoir rencontré, en 1996, Oussama Ben Laden, dans son refuge de Tora Bora, révèle le rôle du chef d’Al Qaida dans le rapprochement entre Haqqani et les Talibans et à la proclamation de «l’Émirat Islamique d’Afghanistan».
7 – Le rôle d’Oussama Ben Laden dans la création de l’Émirat Islamique d’Afghanistan
Ci joint le récit d’Abdel Bari Atwane
«Oussama Ben Laden a été le véritable artisan du rapprochement entre Haqqani et les Talibans, une alliance qui a propulsé les Talibans au pouvoir avec la proclamation de l’État Islamique d’Afghanistan», premier mouvement islamiste à gouverner un état.
Membre de la tribu pachtoune des Zadran, Haqqani est diplômé de la Madrasa de Dar el Ulm Haqqaniya. Sa parfaite maîtrise de la langue arabe et ses liens avec l’ISI, les service secrets pakistanais, lui ont valu le soutien de l’Arabie saoudite, et par ricochet d’Oussama Ben Laden, le préposé saoudien en Afghanistan.
En 1991, il commande la première force alliée de moudjahiddines qui parvient à s’emparer d’une grande ville, Khost. Cette victoire lui confère un immense prestige accentué par le fait qu’il ne participe pas à la guerre de pouvoir entre certains seigneurs de la guerre (1992-1996).
«Floué pourtant par les Américains et déçu par leur comportement à son égard, Haqqani a emprunté le même chemin qu’Oussama Ben Laden, s’engageant dans une guerre de harcèlement anti-américaine en Afghanistan.
Il occupera la zone de Mir Inchah, grande ville du Waziristan, pour en faire sa base de lancement de sa guérilla contre les troupes de l’OTAN, allant même jusqu’ à se livrer à une tentative d’assassinat contre le président Hamid Karzaï, premier président post invasion américaine.
L’administration républicaine du président Donald Trump nourrissait des inquiétudes d’autant plus vives face à l’extension de l’influence des Talibans en Afghanistan que le propre fils de Haqqani, Siraj Eddine Haqqani, assume les fonctions de vice président du mouvement islamiste.
Au terme d’une guérilla anti-américaine de près de 20 ans et contre les deux présidents pro américains successifs, Hamid Karzai et Achraf Ghani, les Talibans contrôlent désormais près de 70 pour cent du territoire afghan.
Point marquant de l’histoire afghane par sa forte personnalité, la disparition de Haqqani va favoriser une consolidation des rapports entre les Talibans et Al Qaida, via son propre fils, Siraj Eddine, N° 2 du mouvement taliban, en vue de contrer l’influence grandissante de Daech dans les zones montagneuses afghanes qui abritent de nombreux jeunes salafistes, tentés par le jihad.
Le seul grand regret de la vie de Haqqani aura été de n’avoir pu assister au dégagement militaire américain de la manière qu’il avait été le témoin du retrait soviétique d’Afghanistan. Une tâche désormais dévolue à son fils Siraj Eddine.
Le mollah Omar refusera catégoriquement toutes les offres de l’Arabie saoudite en vue de récupérer Oussama Ben Laden.
Pour le locuteur arabophone, le récit paru sur le site en ligne «Ar Rai Al Yom»: