Tuesday, December 3, 2024
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Récit d’un collapsus : «La chute de l’Islam Politique … De Mawdudi à Erdogan» : Un ouvrage de Haytham Manna

L’islamisme politique qui se voulait le fer de lance idéologique du combat d’un bloc géopolitique visant à propulser le Monde musulman au rang de grand décideur de la planète au terme d’une longue période sujétion coloniale, aura fait l’effet d’un cataclysme dévastateur sur l’ensemble de la sphère arabo musulmane.Tel est le constat sans concession dressé par Haytham Manna dans son ouvrage «La chute de l’Islam Politique… De Mawdudi à Erdogan».

Par : René Naba - dans : Actualités Analyse - le 17 mai 2021 Étiquettes : ,

Récit d’un collapsus : «La chute de l’Islam Politique … De Mawdudi à Erdogan».
Un ouvrage de Haytham Manna

Par René Naba

L’islamisme politique qui se voulait le fer de lance idéologique du combat d’un bloc géopolitique visant à propulser le Monde musulman au rang de grand décideur de la planète au terme d’une longue période sujétion coloniale, aura fait l’effet d’un cataclysme dévastateur sur l’ensemble de la sphère arabo musulmane.Tel est le constat sans concession dressé par Haytham Manna dans son ouvrage «La chute de l’Islam Politique… De Mawdudi à Erdogan».

 

L’islamisme politique, –qui se voulait au choix, selon les besoins de sa propagande, l’équivalent de la démocratie chrétienne en Europe occidentale ou la théologie de libération en Amérique latine–, s’est finalement réduit à une équation mortifère: une abondante chair à canon financée par des pétromonarchies obscurantistes pour la destruction de pays arabes ou hostiles à l’OTAN au bénéfice exclusif d’Israël et des pays occidentaux et la survie de leurs trônes décriés.

Le jugement sans appel n’émane pas d’un universitaire verbeux ou d’un éditocrate en mission commanditée mais d’un des meilleurs connaisseurs de l’Islam politique, dont la réflexion a été nourrie de son expérience du terrain, tant des luttes politiques qu’il a menées dans son pays d’origine, la Syrie, que dans le Monde arabe, en sa qualité de président du Comité Arabe de Défense des Droits de l’homme.

Sa production en fait foi: M. Haytham Manna est l’auteur de quatre ouvrages sur ce thème:

  • Islam et Hérésies, l’obsession blasphématoire (Harmattan),
  • La trinité maligne ou l’assassinat du projet démocratique en Orient (Institut Scandinave des Droits de l’Homme – Janvier 2021),
  • L’Islam et l’Europe
  • Daech ou l’État de barbarie

Son combat et ses écrits ont valu au Président de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR) deux distinctions honorifiques en ce domaine: Medal of Human Rights – National Academy of Sciences – Washington (1996), Human Rights Watch (1992).

Pour brider tout emballement islamophobe exacerbé, l’auteur prévient toutefois que l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques n’est pas le monopole de l’islam et que ce phénomène existe aussi dans d’autres religions à l’instar du sionisme ou des évangélistes américains. Mais la spécificité de l’Islam politique réside dans le fait que son financement a été assuré quasi exclusivement par les pétromonarchies du Golfe.

Dans son ouvrage, l’auteur relate et analyse l’effondrement de l’Islam Politique au terme d’une existence quasi centenaire, de même que celle du premier parti trans-arabe, la Confrérie des Frères Musulmans, le vecteur porteur de son idéologie.

Un récit qui assène une gifle magistrale à tous les islamophilistes français «idiots utiles» du terrorisme islamique qui ont pollué le débat public depuis une décennie dont la figure de proue aura été François Burgat et ses zélés thuriféraires notamment Thomas Pierret, le qaradawiste qatarophile Nabil Ennasri, le fiché S Romain Caillet, alias colonel Salafi, et sa bande de LOL, Nicolas Hénin, Nicolas Tenzer, Bruno Tertrais et Stéphane Grimaldi.

L’opus signe «en même temps» l’acte de décès d’une idéologie forgée par un pakistanais Abou A’la Al Mawdudi, dont le principal bénéficiaire aura été un turc Recep Erdogan mais dont le Monde arabe en a grandement pâti, au point d’en être le grand perdant.

Pour aller plus loin sur ce thème, cf ce lien : https://www.madaniya.info/2017/01/06/les-islamophilistes-francais-idiots-utiles-du-terrorisme-islamiste/

Ce faisant, l’auteur nourrit l’ambition d’œuvrer à «l’affranchissement de l’homme d’une abdication catastrophique à la fatalité; de désacraliser le débat public en vue de mettre en mesure les citoyens de contester les pouvoirs en place; de contraindre les gouvernants à considérer le débat public comme relevant de l’ordre naturel des choses en vue de sauver les générations futures de cette course éperdue vers le ciel……pour fuir les difficiles réalités terrestres».

L’ouvrage, en langue arabe est paru fin mars 2021 à Beyrouth, à la maison d’édition «Naufal – Hachette», une maison d’édition franco libanaise propriété conjointe d’Antoine Naufal, propriétaire de la mythique Librairie Antoine et de la firme Hachette.

Haytham Manna explique sa démarche en ces termes:

«Après la chute du califat ottoman et l’établissement de la République turque, et depuis 1928, les termes «mouvements politiques islamiques» et «islam politique» sont entrés dans le dictionnaire de la vie politique de Lahore au Caire. En l’espace de deux décennies, il est devenu possible de parler d’une «idéologie politique» plutôt que d’un projet religieux.

En ce sens, Haytham Manna tente de retracer et de suivre le processus de construction d’une idéologie totalitaire, mené par les pionniers d’Al-Maududi, Hassan Al-Banna et Sayyid Qutb jusqu’à nos jours, notamment la défaite de la guerre de 1967, qui sonna le glas du nationalisme arabe, enfin l’arrivée de l’Imam Khomeiny au pouvoir en 1979 avec l’instauration de la République Islamique d’Iran.

«La construction des stratégies de pouvoir dans un environnement dominé par des régimes autoritaires a préparé le terrain pour la désertification culturelle, les idéologies d’urgence et la «religiosité publique», écrit-il.

«Le parti «d’Allah» est en fin de compte constitué d’humains; un «parti humain» en somme mais qui s’est emparé de la représentation divine pour s’introniser comme son gardien afin d’y exercer sa tutelle au nom de cette religion», ajoute-t-il.

En ce sens, cette chute n’a rien à voir avec l’avenir de l’islam en tant que religion, et la question que se pose l’auteur est la suivante: que restera a-t-il de «l’islam politique» à l’approche du centenaire de sa naissance, de manière plus claire? Autrement dit: «Que se passera-t-il après la chute de «l’idéologie islamiste totalitaire»?

Au passage, Haytham Manna pointe «l’argent politique du Golfe, et ses effets dévastateurs sur la citoyenneté et la pensée libre». Avec, en corollaire, l’absence de transparence et la pratique d’une nouvelle forme de batinyyia (ésotérisme), ainsi que l’usage de la religion en tant que levier de pouvoir comme fin et moyen.

«Le pouvoir en soi et pour soi a eu pour conséquence le fait que l’idéologie se dilue dans les principaux traits du populisme vulgaire: culte de la personnalité du Calife». L’auteur cite à ce propos le cas du turc Erdogan, après vingt ans de montée en puissance.

Opposant syrien de la première heure, bien avant la lubrification pétro monarchique de la contestation anti-syrienne, Haytham Manna demeurera stoïque dans l’adversité face à la trahison de ses anciens compagnons de route, notamment le tunisien Mouncef Marzouki, les communistes syriens Riad Turk et Michel Kilo et l’ostracisme de son pays d’accueil, la France, qui s’acharnera sur lui pour le discréditer en le rendant inaudible et invisible des lucarnes françaises pour son opposition résolue à la violence armée en vue de la chute du régime.

Même le journal le Monde, surtout le Monde, fera, à son égard, preuve de graves manquements à la déontologie dont le quotidien jadis de référence se drape pour toiser de sa supériorité morale ses interlocuteurs.

Pour aller plus loin sur ce thème :

Initiateur des trois NON (Non à la Violence, Non au confessionnalisme et Non aux interventions militaires étrangères), Haytham Manna, fondateur du Courant Qamh (Valeurs, Citoyenneté, Droits), a été le premier citoyen syrien à défendre le Communiqué de Genève plaidant en faveur d’une solution politique en Syrie. Une position qui lui a valu d’être l’objet de la vindicte publique de tous les détracteurs d’un règlement politique.

Témoin de premier plan de la séquence dite du «printemps arabe», il apparaîtra rétrospectivement comme une parfaite incarnation de la rectitude en politique, un personnage qui surplombe de sa dimension la cohorte des opposants syriens agglutinés dans une conjuration de cloportes autour des pétromonarchies et leurs supplétifs islamistes.

Son dernier ouvrage retentit comme un constat consternant. Le terme d’une séquence centenaire désastreuse pour le Monde arabe, le monde musulman et l’image des musulmans dans le Monde avec son cortège d’islamophobie.

1- Abou A’Ala al Mawdudi ou le parrain absolu de l’inclination vers le totalitarisme de l’Islam.

Le choix de Mawdudi n’est pas anodin: L’inclination au totalitarisme au sein des mouvements relevant de l’Islam politique revient, en premier lieu, à ce penseur pakistanais, Abu Al Ala’ Al Maududi, premier islamiste du XX me siècle à prôner le retour au Jihad.
Ce théologien fondamentaliste nourrissait un objectif masqué, repris d’ailleurs des Anglais, qui se résumait par ce mot d’ordre: diviser pour régner.
Fondateur du parti pakistanais Jamaat-e-islami, il a envisagé la création d’un État Islamique Uni, fondé sur l’application rigoureuse de la loi religieuse (Charia).

Dans sa conception, un tel état devait être hégémonique, totalitaire sur les divers aspects de la vie. La Gouvernance d’Allah (Al Hakimiya) au Pakistan relevait de Dieu, le gouvernement se devait d’être fidèle à la Charia.

Une transposition du schéma soviétique à l’Islam.

S’inspirant du modèle stalinien en vigueur en Union Soviétique, Maududi a substitué l’idéologie islamique à l’idéologie marxiste, érigeant, le premier, un «parti de Dieu» (Hezbollah) équivalent au parti communiste, de même que le Califat en guise de substitut au Secrétaire général du PC. Les Frères Musulmans lui emboîteront le pas, adoptant la conception totalitaire du stalinisme pour l’appliquer à la religion musulmane. Un pure clonage.

Les racines confrériques de l’extrémisme trouvent d’ailleurs leur origine dans la transposition du schéma soviétique à l’Islam, sur le modèle pakistanais. Terme général, jamais utilisé par le prophète ni par ses premiers successeurs, le concept de la Charia fera son apparition au début du II me siècle de l’hégire. Il ne saurait être comparé au Talmud des Juifs, ni à la Constitution de l’époque contemporaine. Il reste sujet à débat.

Première République islamique au Monde, l’accession du Pakistan à l’indépendance a été vécue par les Pakistanais et de nombreux musulmans de par le Monde comme la fin d’une longue période de sujétion tant vis à vis du Royaume Uni que de l’Inde.

Une victoire sur le colonialisme britannique, leur bourreau pluriséculaire, l’artisan de la promesse Balfour, portant démembrement de la Palestine. Une victoire sur l’Inde et la fin du joug indien et de l’hindouisme sur la minorité musulmane de l’Union Indienne.

Produit de la dislocation de l’Empire colonial britannique en Inde et sa partition en deux états, en 1947, le Pakistan se vivait alors comme le plus important pays musulman de l’époque, avant d’être supplanté par l’Indonésie après l’indépendance des anciennes Indes néerlandaises.

Un tel absolutisme a débouché sur un sectarisme contre productif pour la réputation du pays: La décapitation de la dynastie Bhutto du fait de leur appartenance au chiisme.

Zulficar Ali Bhutto, issu de la grande bourgeoise terrienne du Sind, au nationalisme fougueux, a été pendu par les militaires, en 1979. Sa fille, première femme musulmane à diriger une puissance atomique au Monde, tuée par un attentat en 2007.

Leur grand tort: Les Bhutto relevait du courant chiite de l’Islam, la branche rivale du sunnisme, et, circonstance aggravante pour Zulficar, il avait épousé une iranienne, un pays qui constitue la bête noire de l’Arabie saoudite, l’allié privilégié du Pakistan.

Accessoirement l’Islamisme politique a permis à la junte militaire d’Islamabad de faire diversion sur le douloureux cas du Cachemire, la province que les Pakistanais estiment en avoir été spoliés.

Comme base arrière du djihadisme, le Pakistan a joué un rôle majeur dans l’implosion de l’Union soviétique, et partant, dans la propulsion du terrorisme islamique à l‘échelle planétaire en tandem avec l’Arabie saoudite.

A propos de l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques
https://www.madaniya.info/2019/12/03/le-pakistan-ou-linstrumentalisation-de-lislam-a-des-fins-politiques/

Contribution à une métapolitique de l’Asie occidentale
https://www.madaniya.info/2020/02/10/contribution-a-la-metapolitique-de-lasie-occidentale/

2 – Apogée et périgée de la confrérie des Frères Musulmans

Le vecteur absolu de l’Islamisme politique aura été la Confrérie des Frères Musulmans, le plus ancien parti trans arabe, dont le déni de réalité a constitué son danger mortel.

Le «printemps arabe» de la décennie 2010 avait propulsé la confrérie à son apogée avec un président élu dans le plus grand pays arabe, l’Égypte, un pays charnière du Machreq et du Maghreb; la Tunisie, habituelle plaque tournante de l’espionnage franco israélo américain était tombée dans leur escarcelle, sous la couverture d’un ancien opposant Mouncef Marzouki, disposant de surcroît d’un allié de taille en Turquie avec le néo islamiste et sa diplomatie néo-ottomane, Recep Tayyip Erdoğan, et un crésus à la clé, l’Émir du Qatar.

Dans une conjoncture extrêmement favorable à ses desseins, la confrérie des «Frères Musulmans» s’est trouvée au pouvoir dans un contexte radicalement bouleversé.

Un an plus tard, elle retombait à son périgée, avec l’éviction de Mohamad Morsi en Égypte, le discrédit qui frappa les groupements terroristes en Syrie, suivi de l’échec de Daech en Irak; la défaite électorale du président néo nahdawiste en Tunisie Mouncef Marzouki; la mise en quarantaine du Qatar, parrain des Frères Musulmans et chef de file, de la première phase de la destruction des régimes arabe à structure républicaine (Égypte, Libye, Syrie) par les pétromonarchies et l’Égypte post Morsi; enfin le retour au bercail du mouvement Hamas et son ralliement au camp de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine, sous l’égide de l’Iran.

Un an de pouvoir aura suffi pour fracasser le rêve longtemps caressé d’un 4eme Califat, qui aurait eu pour siège l’Égypte, le berceau des «Frères Musulmans», devenue de par l’éviction brutale du premier président membre de la confrérie, la tombe de l’islamisme politique.

Le Califat constituait en fait une supercherie lorsque l’on songe à toutes les bases occidentales disséminées dans les monarchies arabes, faisant du Monde arabe la plus importante concentration militaire atlantiste hors des États Unis. Dans un contexte de soumission à l’ordre hégémonique israélo-américain, le combat contre la présence militaire atlantiste se devait d’être prioritaire à l’instauration d’un califat.

Et le califat dans sa version moderne devait prendre la forme d’une vaste confédération des pays de la ligue arabe avec en additif l’Iran et la Turquie soit 500 millions de personnes, des réserves énergétiques bon marché, une main d’œuvre abondante.

En un mot un seuil critique à l’effet de peser sur les relations internationales. Faute d’un tel projet, en présence des bases de l’Otan, le projet de restauration du califat relève d’une supercherie et d’un trafic de religions.

3- Les sept fautes majeures des «Frères Musulmans»

En un invraisemblable égarement, les Frères Musulmans se sont distingués lors de la séquence dite du «printemps arabe» par sept fautes majeures qui ont favorisé sa répression par l’Égypte, sa criminalisation par l’Arabie Saoudite et la désaffection de bon nombre de ses sympathisants à travers le monde et, partant, son tragique isolement.

Parmi les principales fautes, il convient d’en retenir cinq :

  1. La tenue à Paris, en juillet 2011, d’un congrès de l’opposition syrienne, sous l’égide des Frères musulmans et de Bernard Henry Lévy, le fer de lance de la stratégie médiatique israélienne sur le théâtre européen, dont le parrainage fut désastreux pour la crédibilité de l’opposition syrienne, avec, en corollaire, la militarisation du conflit syrien, plongeant la Syrie, voie de ravitaillement stratégique du Hezbollah libanais face à Israël, dans une guerre sans fin, faisant le jeu des pétromonarchies du Golfe, en détournant quelque peu le groupe contestataire à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone, écartant durablement toute transition démocratique dans ce pays, en lui substituant un conflit inter-étatique visant à déterminer la hiérarchie des puissances dans l’ordre régional.
  2. La Fatwa du djihad contre la Syrie décrétée par Mohamad Morsi, avec la caution de 107 oulémas salafistes wahhabites, contre un pays qui a livré en alliance avec l’Égypte quatre guerres contre Israël, gravissime cas de déconnexion mentale jamais égalée dans le monde.
  3. La supplique de Youssef Al-Qaradawi, le milliardaire mufti du Qatar, demandant à l’OTAN de bombarder la Syrie, seul pays du champ de bataille avec le Liban à n’avoir pas signé un traité de paix avec Israël.
  4. La trahison de Khaled Mecha’al, chef du bureau politique du Hamas, en 2011, et son ralliement sur une base sectaire à la coalition islamo-atlantiste dans sa guerre contre la Syrie, un pays qui lui avait offert l’asile politique pendant quatorze ans après avoir échappé à une tentative d’empoisonnement en Jordanie de la part des services israéliens. Une faute impardonnable, s’il en est, qui lui vaudra son exfiltration du commandement de son mouvement et son exil au Qatar.
  5. Enfin dernier, et non le moindre, la caution donnée par le chef du Parti de la justice et du développement du Maroc, Abdel Ilah Benkirane, à une normalisation des relations entre Israël et le Maroc. Une normalisation qui officialisait, enfin, au grand jour la connivence souterraine de la monarchie chérifienne et Israël d’un demi-siècle marqué, notamment, par l’assassinat de Mehdi Ben Barka, le chef charismatique de l’opposition marocaine et l’espionnage au profit de l’État hébreu du Sommet arabe de Casablanca (1964).

Avanie suprême: l’intégration d’Israël dans le dispositif militaire régional américain du Centcom, basé au Qatar, a projeté la confrérie dans une impasse idéologique absolue en ce qu’il signe, dans l’ordre symbolique, l’alignement des parrains des frérots à la stratégique israélo-américaine.
Son intégration au Centcom (Moyen-Orient) est une conséquence directe de la normalisation collective arabe avec Israël à l’automne 2020, dans une alliance contre l’Iran.
Au total, six pays arabes, l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, ont reconnu l’État hébreu.

4- La Turquie: De l’islamisme comme tremplin à la restauration de la prééminence ottomane au Moyen Orient.

Recep Tayyip Erdogan aura personnifié à l’extrême l’opportunisme politique en instrumentalisant l’Islam comme tremplin pour son accession au pouvoir et l’Islamisme pour la restauration de la prééminence ottomane au Moyen orient.

Le président néo-islamiste de Turquie a maintenu son pays au sein de l’OTAN, signe indiscutable de sa connivence avec l’alliance atlantique dont il fut le partenaire de premier plan dans la destruction de la Syrie. Le co-parrain avec le Qatar des Frères Musulmans notamment du Hamas, la branche palestinienne de la confrérie, aura été l’allié stratégique d’Israël dans le conflit du haut Karabagh, à l’automne 2021, en soutien à l’Azerbaïdjan.

Sa diplomatie néo ottomane lui a permis d’implanter une base militaire au Qatar, une autre en Libye, d’accentuer sa répression des Kurdes, de brider les libertés fondamentales dans son pays, et d’exercer un chantage permanent sur l’Union Européenne en menaçant d’actionner le flux migratoire à destination de l’Europe occidentale, après avoir été le principal lieu de passage des terroristes islamiques à destination de la Syrie.

A propos du jeu trouble de la Turquie

Épilogue honteux d’une décennie de furie islamiste, la reptation collective arabe en direction d’Israël a scellé de manière ignominieuse la désertion du leadership sunnite arabe du combat pour la restauration des droits nationaux palestiniens. Le combat pour la libération de la Palestine.

En 86 ans d’existence, malgré revers et déboires, souvent de son fait et du fait de ses alliés, la plus importante et la plus ancienne formation trans-arabe, fondée en 1928, paraît laminée en ce qu’elle n’a jamais conçu un projet de société autre que la propulsion de l’interdit comme mode de gouvernement, corrélativement à l’enfouissement du corps et surtout de l’esprit.

Et si le Hamas a été miraculeusement rescapé de l’enfer israélien il le doit certes à la bravoure des défenseurs de Gaza, mais aussi et surtout au soutien exclusif des «renégats de l’Islam» – l’Iran la Syrie et le Hezbollah – le plus important camouflet infligé à la sphère sunnite.
Principal vecteur d’accompagnement de la stratégie américaine en vue de la soumission du Monde arabe à l’ordre atlantiste, la confrérie, aura été, de surcroît, la matrice de la totalité des déclinaisons dégénératives du djihadisme planétaire d’Al Qaida à Da’ech.

Fonctionnant selon un mode opératoire unique fondé sur l’articulation de l’international sur le local, la source exclusive de son impulsion, ainsi que sur une propagande outrancièrement fantaisiste, à l’origine de leur discrédit durable, sa connivence souterraine sur le plan opérationnel avec les groupements takfiristes, lors de la bataille de Syrie (2011-2014), a frappé de caducité le discours novateur de son programme politique en ce que sa duplicité en le dévoilant, l’a dévoyé, le fourvoyant face à son ultime excroissance pathologique: Daech.

Par leurs errances et leurs déviances, sur fond de démagogie inépuisable, les Frères Musulmans auront affligé le Monde arabe d’un handicap aussi lourd que les adversaires dont ils se voulaient le substitut.

L’histoire retiendra, en finale, que les Frères Musulmans auront été poignardés par un état se réclamant de la même religiosité rigoriste qu’eux, et non par des nationalistes républicains qu’ils ont éperdument combattu.

L’histoire retiendra aussi que les Frères Musulmans auront été les plus parfaits idiots utiles de la stratégie atlantiste dans l’espace arabe, au détriment de leur propre cause et de la cause de l’Islam qu’ils sont supposés promouvoir.

La déclamation verbeuse ne saurait tenir lieu de substitut à l’impérieuse nécessité d’une maîtrise de la complexité de la modernité. Ce qui implique une nécessaire mais salutaire remise en cause de la «culture de gouvernement» dans les pays arabes. Ce qui présuppose pour le Monde arabe, la prise en compte de ses diverses composantes, notamment ses minorités culturelles et religieuses, et, surtout, dernière et non la moindre des conditions, le dépassement de ses divisions. En un mot, une rupture avec la fatalité du déclin

Sauf à se résoudre à un déclin irrémédiable, les pays arabes ne sauraient faire l’économie d’une réflexion approfondie de leur approche stratégique des défis du monde contemporain, car le plus grand danger qui guette le Monde arabe au XXI me siècle sera, non la modernité, mais l’artifice de la modernité, l’amalgame entre modernité et archaïsme, et, sous couvert de synthèse, de mettre la modernité au service de l’archaïsme, mettre une technologie du XXI me siècle au service d’une idéologie passéiste pour le plus grand bénéfice des équipes dirigeantes, avec en prime le risque probable d’une plus grande régression arabe.

Sauf à entraîner le Monde arabe dans un déclin irrémédiable, une claire rupture avec la logique de la vassalité s’impose, alors que la scène internationale s’achemine vers un choc entre le leader en devenir (la Chine) et la puissance déclinante (les États-Unis), impliquant une vaste redistribution des cartes géopolitiques à l’échelle planétaire.

Il est des blessures qui s’ulcèrent avec le temps au lieu de se cicatriser. L’histoire est comptable des comportements désinvoltes lourds toutefois de servitudes futures.

5 – La France: Grand perdant de la mondialisation, de l’européanisation du continent, de la pandémie du Covid, de la Syrie, de la Libye et de l’Afrique

Partenaire majeure des parrains des Frères Musulmans dans la séquence dite du «Printemps arabe», le Qatar en Libye, la Turquie en Syrie, la France paiera au prix fort cette alliance contre nature.

Ah la prosternation de Laurent Fabius, le somnolent des forums internationaux, devant «Jabhat An Nosra qui fait du bon travail en Syrie», qui demeure dans les mémoires.

En première ligne dans la guerre de prédation économique du versant sud de la Méditerranée, -avec le ciblage de la Libye et de la Syrie, deux pays sans endettement extérieur et disposant de réserves énergétiques-, la France se retrouvera de plein fouet sur la ligne de front en Afrique, en confrontation directe avec ses anciens frères d’armes djihadistes du Monde arabe, qu’elle cherche à terrasser. Qu’il est douloureux le venin inoculé par la morsure d’un serpent nourri en son sein.

Tant en Libye qu’au Mali, qu’en Syrie, qu’en Ukraine, le pouvoir français dans ses variantes post gauliste (Nicolas Sarkozy) et (poist socialiste (François Hollande) est apparu comme un pays de hâbleurs et de bonimenteurs de foire…. tout comme d’ailleurs à un degré moindre de gesticulation, l’hybride socialo libéral balnéaire du Touquet.

Déclencheur du feu initial dans la guerre de prédation économique des pays arabes, Nicolas Sarkozy, le «premier président de sang mêlé» de France, sera rattrapé par la justice de son pays, condamné à une peine de prison pour un délit de droit commun. Tel un malfrat de bas de gamme.

Au terme de cette séquence, le pays de la laïcité et de la loi sur le séparatisme apparaît ainsi comme le grand perdant de la mondialisation, le grand perdant de l’européanisation du continent sous l’égide de l’Allemagne, le grand perdant de la bataille de Syrie, de Libye et de Crimée, le grand perdant de la pandémie du Covid et de l’Afrique.

Un bilan consternant: La France est ainsi le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité à n’avoir pas réussi à produire un vaccin contre le Covid, alors qu’un petit pays de l’importance de Cuba a pu réaliser cet exploit. C’est dire l’ampleur de la déconfiture.

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui ruse avec ces principes est une civilisation moribonde (Aimé Césaire).

 

Table des matières
  • Sommaire
  • L’effondrement des islamistes… pourquoi ?
  • Les islamistes : la fin d’une époque
  • Idéologie islamique et droits de l’homme
  • Les islamistes et le conflit politico-social
  • Khomeiny et Wilayat al-Faqih
  • Al-Qaradawi : du mouvement des Frères musulmans au serment d’allégeance à Erdogan
  • De l’idéologie islamique au populisme : Erdogan comme modèle

A propos de Haytham Manna.
https://www.madaniya.info/2017/09/01/haytham-manna-le-paria-de-damas-ou-la-rectitude-en-politique/

Haytham Manna est contributeur du site https://www.madaniya.info/
Ses articles sont consultables sur ce lien https://www.madaniya.info/author/haytham-manna/

Pour aller plus loin sur ce thème :

Les Frères Musulmans et les organisations takfiristes
https://www.madaniya.info/2014/09/01/freres-musulmans-syrie-et-organisations-takfiristes/

La mondialisation à l’épreuve de la pandémie du coronavirus
https://www.madaniya.info/2020/05/04/la-mondialisation-a-lepreuve-de-la-pandemie-du-coronavirus-de-quoi-la-mondialisation-etait-elle-le-nom/

La confrérie des Frères musulmans à l’épreuve de la normalisation israélo-arabe

1 er volet: Le Hamas se démarque de la Confrérie
https://www.madaniya.info/2021/02/02/la-confrerie-des-freres-musulmans-a-lepreuve-de-la-normalisation-israelo-arabe-1-2/

2me volet: Vers une possible réactivation des relations entre la Turquie et Israël
https://www.madaniya.info/2021/02/09/la-confrerie-des-freres-musulmans-a-lepreuve-de-la-normalisation-israelo-arabe-2-2/