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Le message subliminal de l’Iran au Monde arabo-musulman

Publié en partenariat avec le site madaniya.info L’Iran, un cas d’école ou une menace pour le Monde arabe ? L’Iran,…

Par : René Naba - dans : Diplomatie Iran - le 17 juillet 2015

Publié en partenariat avec le site madaniya.info

L’Iran, un cas d’école ou une menace pour le Monde arabe ?

L’Iran, un cas d’école.

L’Iran a d’ores et déjà accédé au rang de « puissance du seuil nucléaire » contre la volonté des Occidentaux et hors leur technologie, indépendamment des péripéties des négociations internationales sur le nucléaire iranien.

Ce fait a constitué, en soi, un exploit technologique, en ce que cet objectif hautement stratégique a été atteint en dépit d’un embargo de trente ans doublé d’une guerre de près de dix ans imposée à l’Iran par Irak interposé, et d’une « guerre de substitution » à la Syrie, le maillon intermédiaire de l’axe de résistance à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone.

Il a de ce fait suscité l’admiration de larges fractions de l’opinion de l’hémisphère sud en ce qu’il apporte la preuve éclatante que la technologie de pointe n’est pas incompatible avec l’Islam dès lors qu’elle est soutenue par une volonté d’indépendance, débouchant, de surcroît, sur la possibilité pour l’Iran de se doter d’une dissuasion militaire tout en préservant son rôle de fer de lance de la révolution islamique

Dans une zone de soumission à l’ordre israélo américain, le cas iranien est devenu de ce fait un cas d’école, une référence en la matière, et, l’Iran, depuis lors, est devenu le point de mire d’Israël, sa bête noire, dans la foulée de la destruction de l’Irak, en 2003 et du quasi démantèlement de la Syrie du fait d’une connivence souterraine tacite entre Israël et les pétromonarchies arabes avec la caution du bloc atlantiste.

John Kerry, secrétaire d’État américain, désireux de mettre la pression sur son homologue iranien Mohamad Javad Zarif, dans la dernière phase des négociations sur le nucléaire iranien, a fait mine de se lever, menaçant de quitter la salle de conférence pour retraverser l’Océan Atlantique et retourner aux États-Unis.

Un geste doublé d’une démonstration de force sur le terrain, avec le test d’une version « sûre » de la bombe nucléaire B61-12 sans ogive, sur le site de Tonopah au Nevada ; Un test ordonné délibérément par les États-Unis, en toile de fond des négociations de Vienne, comme pour forcer la main des Iraniens.
Mohamad Javad Zarif, qui signifie le cavalier magnifique, diplômé des universités de San Francisco (Californie) et de Denver (Colorado) se leva, alors, lentement et fixant son interlocuteur américain, lui dit : « Nul ne saurait contraindre l’Iran ».
Sergueï Lavrof, ministre russe des Affaires étrangères, opina dans le même sens que son allié iranien : « Nul ne saurait contraindre la Russie non plus », a-t-il surenchéri, songeant notamment aux sanctions occidentales dont la Russie en est l’objet du fait de l’Ukraine.
Répliquant à la démonstration de force américaine, la Russie et l’Iran ont alors avancé depuis Moscou une proposition pour contrer l’expansion de l’Otan à l’EST : Un contre projet de bouclier anti-missile de l’Otan, commun à la Chine, l’Inde, la Russie et l’Iran.

John Kerry, dont la fille a épousé un iranien, aurait dû se souvenir que l’Iran, qui a inventé le jeu d’échec, -un jeu de patience, de calcul et de riposte oblique- ne se laisse pas facilement impressionner.

Au delà des études comparatives sur les avantages et les inconvénients de l’accord sur le nucléaire iranien, un délice du jeu habituel des experts, l’Iran a voulu adresser un message subliminal au reste du Monde, particulièrement le Monde arabo-musulman, en plein ébullition sectaire en ce que l’Iran a voulu se poser en cas d’école et non en menace du Monde arabe, majoritairement sunnite.

Le jeu de la France

Dès l’enlisement américain en Irak, en 2003, M. Dominique Strauss-Kahn, futur directeur du Fonds Monétaire International et pro israélien avéré, sonnait l’alarme en invitant les pays occidentaux à rectifier le tir et à cibler non plus l’Irak mais l’Iran. Il a été aussitôt relayé par le transfuge socialiste Bernard Kouchner, à sa nomination à la tête du ministère français des affaires étrangères, dans la foulée de son ralliement atlantiste, ainsi que par leur parrain conjoint, Nicolas Sarkozy.

Le président français de « sang mêlé » de l’époque avait résumé la nouvelle position française par une formule qui se voulait lapidaire mais qui s’est révélée être d’une démagogie rudimentaire : « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran ».

Dans ce contexte, la « fermeté constructive » de Laurent Fabius apparaît comme une fanfaronnade digne de Tartarin de Tarascon en ce que le « somnolent des forums internationaux » est de surcroît amnésique : Un des grands pollueurs nucléaire de la planète, l’équipementier du régime d’apartheid d’Afrique du Sud et d’Israël, l’associé de l’Iran impérial dans le consortium Eurodif, la France a été constamment en pointe dans le combat pour la dénucléarisation de l’Iran.

En sa qualité d’état musulman ? De pays révolutionnaire ? De pays chiite ? Ou plus simplement de mercenaires des pétromonarchies du Golfe dans la contre-révolution arabe, qui a abouti, paradoxalement, à maintenir les roitelets du Golfe en état de sujétion technologique vis à vis de l’Occident dans la pure tradition du paternalisme post colonial résultant du « fardeau de l’homme blanc » et la France, par contrecoup, dépendante des marchés de monarchies obscurantistes.

La duplicité française explique sa passivité face aux raids destructeurs israéliens contre les installations nucléaires arabes d’Osirak (Irak), en 1981, un réacteur fourni par la France, d’Al Kibar, en Syrie, en 2008, en passant par les réacteurs de Cadarache, également fournis par la France, avec l’aide des Sayanim dans le sud de la France.

S’éclaire ainsi la méfiance nourrie à l’égard des Français par les Américains, du fait, semble-t-il, de la présence d’une taupe israélienne au Quai d’Orsay, qui explique les négociations secrètes irano-américaines à Mascate (Sultanat d’Oman), hors des oreilles françaises, et le partage des informations glanées par le réseau ECHELON via NSA, exclusivement entre les Five Eyes (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle Zélande), c’est à dire les pays WASP (White Anglo Saxon protestant), la seule civilisation qui vaille pour les tenants de l’Anglo-sphère.

Si la « fermeté constructive » de Laurent Fabius a permis à la France de glaner près de 16 milliards d’euros de contrat civils et militaires, elle a, par contrecoup, provoqué la perte du vaste marché iranien de 80 millions de consommateurs aux besoins considérables (400 avions de transports) et la fermeture subséquente de l’Usine d’Aulnay du Groupe PSA (8.000 emplois), l’un des grands fournisseurs mondiaux du parc automobile iranien, entraînant son remplacement par des produits américains en sous traitance de firmes asiatiques. De la même manière que la crise d’Ukraine a permis aux Américains de supplanter les Européens sur le marché russe.
(À la suite des sanctions anti-russes, l’Europe a perdu 33% de son volume d’échange avec la Russie, quand les États-Unis n’en perdaient que 6%. À Moscou travaillent 1200 ingénieurs pour la construction du Boeing 777X, un appareil concurrent de l’Airbus A 350, avec, en complément, la signature d’un contrat entre la société russe Energomash et les Américains d’Orbital pour 60 moteurs de fusée Atares).

Sur le plan interne américain, les pourparlers irano-américains marquent, en effet, la victoire de la « Rockefeller Foundation », favorable à une ouverture envers l’Iran, sur le très néoconservateur lobby « American Entreprise Institute », partisan, lui, d’un changement du régime iranien par la force.

La fable du nucléaire israélien

Passons sur cette fable : « Israël unique démocratie du Moyen orient, sentinelle du Monde libre face à la barbarie arabo musulmane » ne saurait, en premier, introduire l’arme atomique dans la zone, qui tient lieu de viatique en dépit des supplices de Mordechai Vanunu, qui a eu l’audace de briser le tabou, en dépit des fuites répétées dans la presse spécialisée occidentale. Le motus est complet. Jalousement gardé par les cornacs d’Israël en Europe, particulièrement la France.

Le primat d’Israël conditionne le récit médiatique occidental et obère la crédibilité de sa démarche, en ce qu’elle révèle une distorsion de comportement des pays occidentaux face aux puissances nucléaires. Les États-Unis et l´Union européenne contrôlent 90% de l´information de la planète et sur les 300 principales agences de presse, 144 ont leur siège aux États-Unis, 80 en Europe et 49 au Japon. Les pays pauvres, où vit 75% de l´humanité, possèdent 30% des médias du monde.

Israël, unique puissance nucléaire du Moyen-Orient, a ainsi constamment bénéficié de la coopération active des États occidentaux membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, France, Grande-Bretagne) pour se doter de l‘arme atomique, bien que non adhérent au Traité de non-prolifération. Il en est de même de l’Inde et du Pakistan, deux puissances nucléaires asiatiques antagonistes, qui bénéficient néanmoins d’une forte coopération nucléaire de la part des États-Unis et de la France en dépit de leur non ratification du traité de non-prolifération nucléaire.

L’argumentaire occidental gagnerait donc en crédit si la même rigueur juridique était observée à l’égard de tous les autres protagonistes du dossier nucléaire, au point que la Chine et la Russie, les principaux alliés de l’Iran, se sont dotées d’une structure de contestation du leadership occidental à travers l’organisation de coopération dite « le groupe de Shanghai », pour en faire une OPEP nucléaire regroupant les anciens chefs de file du camp marxiste (Chine et Russie), ainsi que les Républiques musulmanes d’Asie centrale, avec l’Iran en tant qu’observateur.

Le différentiel de comportement entre l’Iran et le Monde arabe

Au delà du conflit politique entre l’Iran, chef de file de l’Islam chiite et l’Arabie saoudite, chef de file l’Islam sunnite, pour le leadership régional, et, au delà vers le Monde musulman, au delà des résultats des négociations sur le nucléaire iranien, se pose d’une manière sous-jacente le problème du différentiel de comportement face aux Occidentaux entre l’Iran et les pays arabes, principalement les pétromonarchies et les pays gravitant dans leur orbite.

Face au bloc atlantiste, l’Iran s’est présentée à la table des négociations accoudée sur deux alliés solides, la Chine et la Russie, le chefs de file du BRICS, l’un des vecteurs du nouveau monde en gestation, quand l’Arabie saoudite, engage une guerre contre le Yémen à l’aide d’une coalition de 7 pays et à l’aide de mercenaires pilotes américains et français à 7.500 dollars la sortie aérienne sans le moindre résultat quatre mois après offensive contre le pays le plus pauvre du Monde arabe et que les pétromonarchies arabes, majoritaires au sein de la Ligue Arabe, se prosternent devant les Occidentaux pour solliciter leur intervention militaire contre des pays arabes, dans la pure tradition du néo colonialisme, accentuant durablement la sujétion arabe.

Les suppliques de Youssef Qaradawi implorant l’Otan de bombarder un pays, la Syrie, qui a livré quatre guerres contre Israël, la connivence de Jabhat An Nosra, la franchise d’Al Qaida en Syrie, avec Israël sur le Golan, un territoire syrien occupé, -non pour le libérer, mais pour faire tomber le régime de Damas-, la défection Mous’ab Youssef, fils d’un fondateur du Hamas, la branche palestinienne de la confrérie des Frères Musulmans, au profit d’Israël et sa délation de Marwane Barghouti, un des chefs du combat national palestinien en Cisjordanie, constituent autant d’illustrations pathologiques de la défragmentation mentale arabe et les ravages du sectarisme wahhabite impulsé par la dynastie saoudienne.

Face à une cohorte de supplétifs :

  • Ahmad Chalabi, office boy irakien de l’administration américaine lors de l’invasion de l’Irak ; -Moussa’b Youssef, fils d’un des fondateurs du Hamas, indicateurs pour le compte des services israéliens et délateur du dirigeant palestinien Marwane Barghouti ;
  • Khaled Mecha’al, le chef politique de ce mouvement, branche palestinienne de la confrérie des Frères Musulmans, à l’abri dans sa luxueuse résidence climatisée au Qatar alors que la bande de Gaza demeure à l’état de ruine, un an après sa destruction par Israël, l’allié souterrain des pétromonarchies du Golfe ;
  • Lokmane Slim, le chiite de service anti-Hezbollah pour le compte de l’ambassade américaine de Beyrouth ;
  • Bourhane Ghalioune et les Kodmani’s Sisters, Basma et Hala Kodmani, supplétifs syriens de l’administration française lors de la guerre islamo-atltantiste contre la Syrie ;
  • Mounzer Safadi, agent de liaison syro-druze d’Israël auprès des groupements djihadistes de Syrie -Jabhat An Nosra, Da’ech et l’Armée Syrienne Libre ;
  • Nadia Fani, fille d’un grand syndicaliste tunisien dont la cinéaste a dilapidé le capital de sympathie par sa quête d’un rebond professionnel auprès des élites mondialisées représentées par l’ultra féministe islamophobe française Caroline Fourest, actant sa soumission à la pensée dominante par son voyage à Canossa-Israël, tout comme son compatriote tunisien Hassan Chalghoumi (guide de la Mosquée de Drancy France);
  • Walid Farès, un des plus grands sanguinaires parmi les dirigeants des milices chrétiennes de la guerre du Liban reconverti dans l’expertise contre-terroriste à Washington…

L’Iran offre, en contrepoint de cette engeance, une brochette de dirigeants de premier plan tous formés dans les universités occidentales mais sans la moindre ambiguïté quant à leur allégeance nationale iranienne. À l’exemple de l’équipe des négociateurs du contentieux nucléaire avec le groupe des pays occidentaux, dont voici la liste à titre d’illustration :

  • Mohammad Nahavandian. Chef du cabinet du président Hassan Rouhani, (Ph.D. Economie- George Washington University).
  • Mohamad Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères et négociateur en chef aux négociations nucléaires. Diplômé de l’Université de San Francisco (Californie) et titulaire d’un doctorat de l’Université de Denver (Colorado).
  • Ali Akbar Salehi, chef de la délégation iranienne à la Commission de l’Énergie Atomique de Vienne (Ph.D. – Nuclear engineering Massachusetts Institute of Technlogy-MIT).
  • Mahmoud Vaezi, ministre des télécommunications, titulaire d’un diplôme d’ingénieur électrique de Sacramento et de San Jose State University (Californie), d’un doctorat de l’Université de Louisiane ainsi que d’un diplôme de relations internationales de l’Université de Varsovie.
  • Abbas Ahmad Akhoundi, ministre des transports, titulaire d’un doctorat (Ph.D. de l’Université de Londres.

La mise en concurrence de la France et de la Russie pour la construction de 16 centrales atomiques en Arabie saoudite pour la gestion énergétique de l’ère post pétrolière, ne saurait remédier au handicap congénital fondamental de la dynastie wahhabite à son accession au savoir scientifique et à la maîtrise de la technologie en ce que la pyscho-rigidité dogmatique saoudienne en constitue son plus puissant frein.

L’Iran apparaît ainsi comme contre un parfait contre-exemple de l’Arabe saoudite et constitue à ce titre une menace existentielle pour la dynastie wahhabite et de tous les cloportes gravitant dans son orbite. Le clivage n’est pas donc pas entre sunnites et chiites, mais entre reptiles et vertébrés.

Pour aller plus loin
Illustration

AP : Iranian Foreign Minister Javad Zarif, left, talks with the head of the Iranian Atomic Energy Organization, Ali Akbar Salehi, after an afternoon meeting with U.S. officials in Lausanne, Switzerland, March 27, 2015.