Le Liban en voie de désertification
Un été chaud politiquement et brûlant écologiquement Paris, le 2 Août 2009 . L’été est habituellement chaud au Liban non seulement…
Un été chaud politiquement et brûlant écologiquement
Paris, le 2 Août 2009 . L’été est habituellement chaud au Liban non seulement en raison de son ensoleillement méditerranéen, mais aussi et surtout du fait de son contexte politique particulier. Il a tendance depuis peu à devenir brûlant pour la population non seulement au niveau climatique, mais également au niveau écologique.
M. Saad Hariri a été pressenti depuis six semaines pour former le nouveau gouvernement consécutif à sa victoire électorale, mais le chef de la majorité parlementaire pro-occidentale parait soucieux de prendre son temps, prenant exemple sur son prédécesseur, Fouad Siniora, qui avait mis, en 2008, 52 jours pour former son gouvernement. Si rien ne presse sur le plan politique, il n’en va pas de même sur le plan écologique.
Depuis près d’une décennie, tel un rituel, des dizaines d’incendies se déclarent au Liban avec le lancement de la saison d’été, sinistrant davantage un pays déjà affligé des stigmates de la guerre, dans l’indifférence quasi-générale des pouvoirs publics. Le légendaire pays des Cèdres tant célébré par la Bible serait frappé de désertification, aussi surprenant que cela puisse paraître. Les organisations écologiques libanaises (1) estiment même que la côte d’alerte a d’ores et déjà été atteinte et si la situation venait à persister, le Liban aura entièrement perdu ses forêts d’ici 15 à 20 ans. Selon leurs estimations, 35 pour cent du territoire national était couvert de forêts en 1965, contre 13 pour cent en 2007, soit une perte de près des deux tiers de la zone forestière en 42 ans
Les forêts du Liban sont essentiellement des forêts de chêne et de pin. Et l’on y recense d’autres conifères notamment le cèdre. La carte des modes d’occupation des sols du Liban réalisée en 2001 indique que le chêne représente 55% du couvert forestier, suivi du pin (12%), du genévrier (9%) et du cèdre (1%). Souvent mentionné dans la Bible et dans d’autres textes anciens, le Cèdre a joué un rôle important dans la culture, le commerce et les rites de l’Orient ancien. Son exploitation intensive débuta au 3ème millénaire av. J.C., lorsque des cités de la côte, comme Byblos, ont commencé à en faire le commerce avec l’Egypte.
Au cours des siècles, son bois faisait partie du tribut imposé aux cités cananéo phéniciennes par les Assyriens, les Babyloniens ou les Perses. Les Phéniciens eux mêmes s’en servaient largement pour la construction de leurs flottes. Salomon en commanda en grande quantité au roi Hiram de Tyr pour la construction de son temple. Sennachérib, roi d’Assyrie, déclarait même être monté jusqu’aux recoins les plus lointains du Liban et d’y avoir coupé ses plus grands cèdres et ses plus beaux cyprès.
Elles sont aujourd’hui menacées par des incendies dévastateurs, provoqués notamment mais non exclusivement par le changement climatique, qui accélèrent à leur tour le rythme du réchauffement climatique. L’augmentation des températures provoque l’assèchement des sols forestiers et pousse vers une désertification. En moyenne, environ 1 500 hectares de zone boisée sont touchés par des incendies, chaque année, mais en 2007, plus de 4 000 hectares de forêt ont été décimés par les incendies les plus destructeurs survenus au Liban depuis plusieurs décennies.
En plus des menaces courantes qui planent sur les forêts, notamment l’extension urbaine et la pollution, la hausse mondiale du prix des carburants se fait également sentir. Le Liban connaît des hivers particulièrement rigoureux et la plupart de sa population vit à 500 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Certains vivent à 1 800 ou 2 000 mètres d’altitude. Faute de moyens financiers, de nombreuses familles pauvres recourent au bois de chauffage pour se prémunir des rigueurs de l’hiver.
Ces incendies ravageurs répondent aussi à d’autres motivations inavouables. Besoin de récupérer du charbon pour le chauffage hivernal, certes, mais aussi, mise à profit du sinistre pour modifier le cadastre en agrandissant ses terres, voire en s’appropriant des étendues appartenant à l’État. Du vol légalisé en somme avec la passivité des pouvoirs publics.
Comme chaque année en période d’étiage, des incendies à répétition font rage dans l’ensemble du pays, alimentés par des vents chauds et secs d’une rare violence. Du nord au sud, en passant par le Mont Liban, des centaines d’hectares de forêts partent ainsi en fumée, détruits par des sinistres aux multiples foyers.
Le Mont Liban est la région la plus sinistrée habituellement en raison de la densité des forêts, avec plus de 40% des sinistres, suivi par le nord et le sud du Liban. Depuis 2001, une trentaine de localités libanaises englobant la grande majorité des provinces libanaises ont été la proie des flammes. Outre le Mont Liban, une des régions les plus sinistrées est le Akkar, dans le Nord du Liban, où, depuis 2001, près de 500 mille mètres carrés de surfaces boisées ont été ravagés, .près de la localité de Biré. Fâcheuse coïncidence: La municipalité de Biré avait établi un plan pour reboiser une partie de la forêt et voulait faire de ce secteur une réserve naturelle de chênes dans la mesure où certains arbres avaient plus de 500 ans d’âge. Toujours dans le Akkar dans le nord du Liban, deux ans plus tard, en 2003, plus de 600 hectares de pinèdes seront détruits par le feu, selon les estimations fournies à l’époque par la Défense civile. Parmi les localités sinistrées figurent des lieux de villégiature réputés (Aley, Beit-Méry, Deir al Qamar et Souk al Gharb), des sites industriels (Mkallès) des lieux résidentiels (Fanar, Jamhour, Saadyate). La liste n’est pas limitative.
L’origine criminelle de ces sinistres n’est un secret pour personne, mais, paradoxalement, les coupables continuent de sévir dans l’impunité la plus totale et le gouvernement rechigne à acquérir des canadairs, avions équipés de réservoirs d’eau pour éteindre les incendies de forêt, alors que la classe politique, plus préoccupée par sa guerre picrocholine, s’abstient d’en faire jusqu’à présent une priorité nationale.
Le financement du reboisement du Liban est estimé à près de six cent millions de dollars sur dix ans en vue de l’implantation de 36 millions d’arbres. De nouvelles forêts ont d’ores et déjà été plantées, à l’initiative de personnes privées notamment dans la région de Bécharreh (Nord du Liban), mais il faudra attendre plusieurs dizaines d’années pour qu’elles atteignent le stade majestueux du déploiement d’un cèdre centenaire.
Cette dévastation est aggravée par l’urbanisation intensive du littoral et l’usage abusif des pesticides. Tous les cours d’eau autour des villes sont pratiquement pollués offrant le spectacle de cloaques nauséabonds. Le fleuve de Beyrouth en constitue la preuve la plus affligeante.
Cette dévastation survient, paradoxalement, au moment où le monde s’active contre la dégradation de l’environnement et le réchauffement climatique, particulièrement depuis la grande dépression économique de l’automne 2008 et l’arrivée au pouvoir du président démocrate américain Barack Obama. Elle se place, curieusement, à contre-courant des efforts déployés par la société civile libanaise en vue de promouvoir un écotourisme au Liban, dont le projet phare est représenté par Lebanon Mountain Trail (ou Sentier de la montagne Libanaise). Longtemps dépotoir de déchets toxiques, du fait de la cupidité des chefs de guerre, le Liban se place ainsi, une fois de plus, à contre-courant d’un mouvement visant à promouvoir la qualité de la vie.
Les pouvoirs publics Libanais devraient pourtant prendre conscience que les incendiaires libanais sont en passe de devenir des incendiaires du Liban et que leur passivité pousse le Liban vers sa désertification.
Références
1. Communication faite à Doubaï le 25 septembre 2008 par l’Association pour les forêts, le développement et la préservation. L’AFDC est une organisation non gouvernementale libanaise (ONG), basée à Beyrouth.
Elle est dirigée par Mme Sawsan Bou Fakhreddine. Cette communication a été rapportée par l’IRIN (Integrated Regional Information Networks). Fondée en 1995 et basée à Nairobi (Kenya). L’IRIN est une agence des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Sa zone de compétence s’étend à l’Afrique et au Moyen Orient