La stratégie à double détente d’Abou Dhabi: diplomatie du coronavirus et promotion du soufisme pour masquer sa normalisation avec Israël.
In Mémoriam Lama Al Ghamdi. L’auteur dédie ce dossier en deux volets à Lama Al Ghamdi (5 ans), victime innocente…
In Mémoriam Lama Al Ghamdi. L’auteur dédie ce dossier en deux volets à Lama Al Ghamdi (5 ans), victime innocente de la concupiscence lubrique de son géniteur, le prédicateur Fayhane Al-Ghamdi. Violentée et carbonisée le 25 décembre 2011, elle décédera le 2 octobre 2012, soit neuf mois plus tard, dans l’indifférence de la presse internationale, alors que son paternel prédateur écopait d’une amende dérisoire eu égard à la monstruosité du crime.
1 – Du bon usage de la diplomatie du coronavirus et du soufisme.
Le prince héritier d’Abou Dhabi, Cheikh Mohamad Ben Zayed, a fait usage de la diplomatie du coronavirus pour neutraliser toute éventuelle critique de la Syrie à l’égard de la normalisation d’Abou Dhabi avec Israël.
Dans une diplomatie à double détente, MBZ s’est appliqué à promouvoir le soufisme comme anti dote au salafisme en vue de contrecarrer l’islamisme politique dans le débat inter-islamique, donnant de la voix ses prédicateurs pour charger ses rivaux -la Turquie et le Qatar- dans la responsabilité de l’engagement des pétro moarchies du Golfe dans la guerre de Syrie
Telle est la stratégie menée par les Émirats Arabes Unis depuis l’apparition de la pandémie, début 2020, dans le prolongement des vives critiques formulées par l’Imam de la grande mosquée Cheikh Zayed d’Abou Dhabi à l’encontre de la Turquie et du Qatar, les deux parrains de la confrérie des Frères Musulmans.
NDLR
Le salafisme: littéralement le prédécesseur. Le salafisme est un mouvement religieux de l’islam sunnite, revendiquant un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane à l’époque du prophète Mohamad et de ses premiers disciples – connus comme les «pieux ancêtres» (al-Salaf al-Ṣāliḥ) – et la «rééducation morale» de la communauté musulmane. Les salafistes ont une lecture littérale des textes fondateurs de l’islam, le Coran et la Sunna, et postulent que leur interprétation est la seule légitime; ils rejettent la jurisprudence islamique (fiqh) et les madhhab ainsi que les innovations dites «blâmables» (Bida’h)
Le Soufisme: Le soufisme est la vision ésotérique et mystique de l’islam. Il s’agit d’une voie d’élévation spirituelle par le biais d’une initiation, qui par extension désigne les confréries rassemblant les fidèles autour d’une figure sainte. Le soufisme trouve ses fondements dans la révélation coranique. Il est présent depuis les origines de la révélation prophétique de l’islam, dans les branches sunnite et chiite bien qu’il ait pris des formes différentes dans les deux cas.
Dès les débuts de l’islam, des savants se sont élevés contre ce qu’ils qualifiaient de «dérives» du soufisme, et ils ont émis des critiques que ce soit sur la pratique religieuse ou sur le dogme. De nos jours, le wahhabisme est totalement opposé aux pratiques soufies.
1- La diplomatie du Coronavirus
Mohamad Ben Zayed a mis à profit la pandémie du coronavirus pour prendre contact avec le Président syrien Bachar Al Assad, vendredi 27 mars 2020, en vue de l’assurer du soutien des Émirats Arabes Unis, lui affirmant que «la Syrie, un pays arabe frère, n’est pas seule dans l’épreuve».
Le dirigeant d’Abou Dhabi a certes pris prétexte de la pandémie, mais son coup de fils intervient, alors que la Syrie se lançait à la reconquête du nord de la Syrie face aux groupements terroristes protégés de la Turquie, apparaissant désormais comme le principal rempart à l’expansionnisme ottoman dans le Monde arabe.
Dans un exercice d’équilibrisme coïncidant avec une importante transaction militaire avec les États Unis, MBZ a tiré prétexte de la pandémie pour se livrer à un acte de normalisation avec l’État Hébreu autorisant la première liaison aérienne directe entre Abou Dhabi et Tel Aviv en vue livrer du matériel sanitaire aux Palestiniens. L’aide humanitaire des Émirats survenue alors qu’Israël s’apprêtait à annexer la Cisjordanie a été refusée par les Palestiniens. Mais le vol Abou Dhabi Tel Aviv a fait date dans les annales de la normalisation d’Israël avec les pétro monarchies du Golfe.
Rétrospectivement, l’ouverture d’Abou Dhabi vers Damas est apparue comme une manœuvre de diversion destinée à neutraliser toute critique de la Syrie envers la normalisation entre les Émirats et Israël, annoncée quelques mois plus tard; Tout comme les critiques contre la Turquie comme une attaque préventive envers le rapprochement israélo-abou dhabien dont l’objectif sous-jacent est de faire pièce tant à l’Iran, dans le Golfe, que la Turquie, en Libye.
((( La normalisation avec Israël a été officiellement scellée le 13 Août 2020 au lendemain de la constitution du ticket démocrate Joe Biden Kamala Harris dans une démarche qui s’est apparentée à un grenouillage diplomatique destiné à donner un coup de pouce à Donald Trump en baisse dans les sondages à moins de trois des élections présidentielles américaines)) .
2 – Le contorsionnement des prédicateurs pétro monarchiques à propos de la guerre de Syrie
Peu de temps auparavant, le 2 Février 2020, Cheikh Wassim Youssef, prédicateur de la grande mosquée d’Abou Dhabi, avait rejeté, sur la chaîne transfrontière du Qatar «Al Jazeera», sur la Turquie la responsabilité des égarements des pétro monarchies du Golfe dans la fournaise de la guerre de Syrie.
Retour sur ce mic-mac.
Ci joint la teneur de la conversation MBZ Bachar Al Assad
3- Wassin Youssef et A’aed Al Qarni:
La faute à Al Jazeera et à la Turquie
« Jabhat An Nosra et Ahrar As Sham, qui sont tous des mercenaires qui brandissent l’étendard de la religion pour détruire la Syrie. »
« La souveraineté relève de la responsabilité de l’État, non d’une fatwa »
Les prédicateurs pétro monarchiques, c’est bien connu, sont d’une candeur confondante, victimes d’un lavage de cerveau de la part de la chaîne transfrontière du Qatar «Al Jazeera» et de la Turquie, deux mauvais génies qui ont abusé de l’innocence et de la crédulité des hommes de religion du Golfe, pour les précipiter, à leurs corps défendant, dans la fournaise de la guerre de Syrie.
Telle est du moins la thématique majeure développée par l’un d’eux, Wassim Youssef, prédicateur de la Mosquée Cheikh Zayed, un jordanien porteur de la nationalité des Émirats Arabes Unis.
Le second, Cheikh A’ed al-Qarni, est un universitaire, auteur et activiste musulman islamique saoudien. Al-Qarni est surtout connu pour son livre d’entraide «La Tahzan» (Ne sois pas triste) qui s’adresse aussi bien aux musulmans qu’aux non-musulmans.
L’un office à Abou Dhabi, l’autre en Arabie saoudite. Leur repentance, ou voulu comme telle, est intervenue alors que l’armée syrienne se lançait à l’assaut d’Idlib, le dernier sanctuaire du terrorisme islamique, dans le nord est de la Syrie, frontalier de la Turquie. Et que Damas apparaît désormais comme un rempart arabe face à l’expansionnisme ottoman.
Unique pays musulman membre de l’OTAN, la Turquie du fait du conflit entre les frères ennemis du wahhabisme -l’Arabie Saoudite et le Qatar- dispose désormais de quatre bases dans le Monde arabe: A Doha; à Tripoli, autour du gouvernement légal de Fayez Sarraj, pour faire pièce au Maréchal Khalifa Haftar, soutenu par Abou Dhabi et l’Égypte; enfin au Soudan et en Somalie.
«Nous avons manifesté notre sympathie à l’Armée Syrienne Libre et à Jabhat an Nosra, (franchise syrienne d’Al Qaida) du fait des médias du Qatar. Mais si j’étais présent en ce moment en Syrie, j’aurai pris les armes et combattu contre les groupements terroristes…. CSS qui s’est passé en Syrie est une guerre intestine et non un Jihad», a déclaré Youssef Wassim lors d’une émission sur Abu Dhabi TV, la chaîne gouvernementale des Émirats.
4 – Ci joint l’intégralité de la déclaration de Wassim Youssef:
«Au début des événements, j’insultais le président syrien de même que l’armée syrienne et j’étais sympathisant de Jabhat A Nosra et souhaitais que les pays du Golfe apporte leur soutien à l’Armée Syrienne Libre. Mais l’ALS, (constituée d’officiers et de soldats dissidents de l’armée gouvernementale financée par le Qatar) s’ est révélée polluée.
«Je ne suis ni avec ni contre Bachar Al Assad, mais j’avais des sympathies pour Jabhat An Nosra, (la franchise syrienne d’Al Qaida)… «Des Médias méprisables et inconsistants, tel Al Jazeera et les Médias du Qatar ont lancé une offensive médiatique en direction de la Libye et de l’Égypte».
Or la Libye souhaite maintenant le retour de Kadhafi en en Égypte on regrette le temps d’Hosni Moubarak,. Il en est de même en Syrie pour Bachar Al Assad.
«Les médias qui ont encouragé les groupements terroristes assument la responsabilité de ces destructions.
«Dans le passé, je maudissais tout soldat qui brandissait son arme contre les formations politiques à soubassement religieux, que cela soit Jabhat An Nosra ou Ahrar As Cham. Mais maintenant, si j’étais présent en Syrie j’aurai dirigé mon arme contre Jabhat An Nosra et Ahrar As Sham, qui sont tous des mercenaires qui brandissent l’étendard de la religion pour détruire la Syrie.
«Ces groupements ont abusé de l’honneur des femmes et violé la terre de Syrie pour les contraindre à revenir vers la religion alors que leur comportement a constitué une insulte à la religion».
«J’aurai tenu des propos différents il y a huit ans. Mais les choses se sont clarifiées depuis. La sécurité de l’État avant toute autre considération, de tout groupement religieux.
«La souveraineté relève de la responsabilité de l’État, non d’une Fatwa. La guerre de Syrie a constitué une guerre intestine (Fitna) et non jihad.
Pour le locuteur arabophone, ci joint la déclaration du prédicateur Wassim Youssef – Ar Rai Al Yom Samedi 28 décembre 2019
5- L’analyse d’Abdel Bari Atwane, directeur du site en ligne «Ar Rai al Yom».
Le sermon du prédicateur d’abou Dhabi tranche avec la logomachie habituelle des dignitaires du Golfe. Ce coup d’audace lui a-t-il été suggéré par les cercles du Pouvoir dont il est très proche ou résulte-t-il de son initiative personnelle?, s’interroge l’influent journaliste arabe Abdel Bari Atwane, dont le site «Ar Rai Al Yom» est à l’origine de la publication du sermon.
Abou Dhabi a déjoué un coup d’état fomenté par les Frères Musulmans, et, contrairement au Qatar, qui avait lancé ses hordes mercenaires contre la Libye et la Syrie, les Émirats Arabes Unis ont a fait preuve de retenue dans la guerre de Syrie. En précurseur, Abou Dhabi a rouvert son ambassade à Damas en 2019.
«Al Jazeera a assumé un rôle de premier plan dans la mobilisation visant à la destruction de la Syrie, au point d’être désignée du sobriquet le «lanceur d’alerte de l’Otan dans la contre révolution arabe», mais si la chaîne qatarie a été la plus en pointe, elle n’était pas la seule à assumer un rôle incitatif. «Al Arabiya» (Arabie saoudite) et Abou Dhabi TV ont joué un rôle identique.
Pour aller plus loin sur le rôle d’Al Jazeera dans la séquence dite du printemps arabe», cf ce lien https://www.renenaba.com/al-jazeera-fin-d-une-legende/
«Wassim Youssef n’est qu’un prédicateur courtisan; un instrument aux mains de gouvernements arabes engagés dans un projet américain visant à la destruction du Monde arabe.
A l’appui de son analyse, Abdel Bari Atwane révèle le contenu d’une conversation avec «Al Moughtareb» (l’étranger), l’un des digitalistes les plus influents du Golfe, un ancien très haut dignitaire du régime jordanien, l’un des mieux informés du Monde arabe sur les arcanes du pouvoir.
– La métaphore de l’aubergine
Pour illustrer la versatilité du prédicateur, Al Moughtareb a recours à la métaphore de l’aubergine, dont voici le récit:
«Un jour, L’Émir libanais Fakhreddine s’adresse à son ministre lors d’un repas, lui confiant qu’il n’aimait pas l’aubergine. Le ministre opina, énumérant les inconvénients, selon lui, de cette légume: peau noire, forme bizarre, goût amer.
Fakhreddine «fierté de la religion», prince des Druzes de la dynastie Maan, il a été maître de l’émirat du Mont-Liban qui englobait le mont Liban et ses périphéries littorales et intérieures. Né le Août 1572, à Baakline, Liban, Il est décédé le 13 Avril 1635 à Constantinople.
Peu de temps après, le prince prend un nouveau cuisinier qui lui prépare un plat d’aubergine délicieux, qui fut consommé avec appétit.
L’émir fit part de son plaisir de consommer des aubergines, le ministre lui emboîta le pas, vantant les mérites de cette plante potagère originaire d’Asie: Belle légume cuite, grillée, au four, en purée, en caviar, elle renforce la vue et protège les os».
A la fin du repas, un des convives interpella le ministre en ces termes: «Menteur, tu changes souvent d’opinion». Et le ministre de répondre: «Bien sûr, je suis le ministre du Prince, non de l’aubergine».
Abdel Bari Atawne a recensé la totalité des sermons du prédicateur et les a visionné. Sa conclusion est sans appel: Le prédicateur a fait usage de termes d’une rare violence de propos si dégradants que la décence lui interdit de reproduire.
Son comportement incline à penser qu’il agissait en mission commandée, à en juger par les propos plus récents du nouveau chargé d’affaires des Émirats Arabes Unis en Syrie. S’exprimant lors de la fête nationale de la Fédération des Principautés du golfe, le diplomate émirati a exprimé «le grand espoir que la sécurité et la stabilité soient rapidement très prochainement en Syrie sous la direction de Bachar Al Assad».
La réaction d’Abdel Bari Atwane sur la repentance du prédicateur d’Abou Dhabi, sur ce lien pour le lectorat arabophone.
6 – La sanction de Cheikh Wassim Youssef
Coup de théâtre, Cheikh Wassim Youssef a été relevé de ses fonctions, le 2 Février 2020, soit six semaines après son sermon, suscitant une vague de protestation sur les réseaux sociaux.
L’homme de religion a-t-il outrepassé les consignes? A-t-il pris trop de liberté dans sa prêche? A-t-il mécontenté un des alliés arabes d’Abou Dhabi, l’Égypte par exemple, en mentionnant le fait que les Égyptiens regrettaient le temps d’Hosni Moubarak, suscitant sans aucun doute l’ire de son successeur le Maréchal Abdel Fattah Sissi, allié d’Abou Dhabi dans le blocus du Qatar , de même qu’en Libye en soutien au Maréchal Khalifa Haftar contre le gouvernement légal de Fayez Sarraj soutenu par Qatar et la Turquie
Devant le tollé suscité par la sanction, Abou Dhabi a opéré un rétropédalage, se bornant à rétrograder cheikh Wassim Youssef, passé d’Imam et prédicateur de la Mosquée Cheikh Zayed Al Kabir, la Mosquée centrale d’Abou Dhabi portant le nom du père de l’actuel souverain, à prédicateur d’une moquée plus modeste, la Mosquée Cheikh Sultan Ben Zayed, l’ancêtre de l’actuel souverain.
7 – Abou Dhabi, promoteur du soufisme pour faire pièce au salafisme
Les Émirats Arabes Unis (EAU) ont parfaitement saisi le pouvoir de la religion et de l’idéologie pour mobiliser ou démobiliser la société civile dans le monde arabe.
Pour faire pièce au salafisme, Abou Dhabi s’est appliqué à promouvoir le soufisme. Un soufisme spécifique, qui est tout sauf laïc, qui sert de fondement idéologique et religieux à sa politique étrangère agressive dans la région, estime Andreas King, professeur assistant au département d’études de la défense du King’s College de Londres et consultant spécialisé dans les risques stratégiques pour des gouvernements et des entreprises au Moyen-Orient.
L’universitaire est l’auteur d’un livre intitulé Socio-Political Order and Security in the Arab World.
Pour aller plus loin sur ce thème, cf: «les sinistres objectifs de la croisade d’Abou Dhabi contre l’Islam politique» https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/les-sinistres-objectifs-de-la-croisade-dabou-dabi-contre-lislam-politique