Thursday, November 21, 2024
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Israël-États-Unis 3/4 : De la guerre sémantique

Les États-Unis et l´Union européenne, c’est à dire le bloc atlantiste, contrôlent 90% de l’information de la planète et sur…

Par : René Naba - dans : Analyse États-Unis d'Amérique Israël - le 21 février 2023

Les États-Unis et l´Union européenne, c’est à dire le bloc atlantiste, contrôlent 90% de l’information de la planète et sur les 300 principales agences de presse, 144 ont leur siège aux États-Unis, 80 en Europe et 49 au Japon. Les pays pauvres, où vit 75% de l’humanité, possèdent 30% des médias du monde.

Israël représente le 3 ème pays par ordre d’importance en termes de couverture médiatique, en unité de bruit médiatique (UBM), derrière les États-Unis (300 millions d’habitants) et la Chine (1,5 milliards d’habitants). Malgré les conditions de sa naissance controversée, Israël a réussi à occuper le devant de la scène médiatique, captant constamment l’attention de l’opinion occidentale, réussissant le tour de force de placer sur la défensive tous ses contradicteurs.

Les Européens, naturellement, assignés à un complexe de culpabilité éternel du fait du génocide hitlérien; Les Américains, par instrumentalisation d’un important groupe de pression pro israélien animé d’une volonté de domination hégémonique sur la zone pétrolifère du Moyen orient.

Le Monde arabe, enfin, par son indigence à maîtriser les techniques de communication de la guerre psychologique moderne, doublée d’un défaut d’un argumentaire accessible à l‘opinion occidentale.

Toutes les grandes chaînes transfrontières arabes sont, toutes, adossées à des bases militaires atlantistes: Al Jazeera à la base du Centcom à Doha, la saoudienne Al Arabiya longtemps adossée à Doubaï, à la base aéronavale française d’Abou Dhabi, enfin l’éphémère chaîne du Prince al Walid Ben Talal, «Al-Arab», à la base navale américaine de Manama (Bahreïn).


Les médias « contestataires » de l’ordre hégémonique occidental, Press Tv (Iran), Russia Today et Al-Mayadeen de Ghassane Ben Jeddo, un ancien d’Al Jazeera, sont de peu de poids face à ces mastodontes.

Sauf à s’incliner devant le diktat occidental, aucun opposant, si prestigieux soit-il, ne saurait être audible encore moins crédible.
Dans leur bataille idéologique pour la conquête de l’imaginaire des peuples, gage essentiel de la pérennité d’une nation, les États-Unis ont développé un argumentaire reposant sur une double articulation:

  • Un argument intellectuel, le principe de la liberté de la circulation de l’information et des ressources.
  • Un argument pratique, le fait que les États-Unis soient la seule grande démocratie au monde à ne disposer ni d’un ministère de la culture, ni d’un ministère de la communication, preuve irréfutable, selon eux, d’un régime de liberté.

Présenté comme l’antidote absolu au fascisme et au totalitarisme, le principe de la liberté de l’information a constitué un des grands dogmes de la politique des États-Unis de l’après-guerre, son principal thème de propagande.

Certes il n’y a ni ministère de la culture ni ministère de la communication dans le gouvernement des États-Unis, mais, dans cette bataille idéologique, les États-Unis ont pratiqué, non l’attaque frontale mais l’entrisme, une stratégie de contournement périphérique.

Une diplomatie multilatérale instrumentalisant les organisations internationales à vocation universelle ou spécifique, doublée d’une diplomatie parallèle de ses agences spécialisées: la CIA (agence centrale du renseignement) et les Fondations philanthropiques pour le blanchiment des fonds.

Que ce soit l’ONU, L’UNESCO, le Conseil Économique et Social de l’ONU ou l’Organisation inter-américaine, toutes auront inscrit dans leur charte « le principe de la liberté de l’information».

Toutes, peu ou prou, auront fait office de tribune pour la propagation de la doctrine américaine de la libre circulation de l’information.

En deux ans, la structure de la diplomatie multilatérale de l’après-guerre est verrouillée par ce principe. Les États-Unis réussissent à le faire figurer dans la charte des cinq grandes organisations internationales (ONU, UNESCO, ECOSOC (Conseil Économique et Social), Organisation inter américaine et l’Assemblée générale de l’ONU).

L’ONU comptait à l’époque cinquante-cinq membres, le quart du nombre actuel avec une majorité automatique pro-occidentale composée de pays européens et latino-américains sous la férule états-unienne. Tous les grands États du tiers-monde en sont absents. La Chine continentale est boycottée au profit de Taïwan; l’Inde et le Pakistan, les deux nouvelles puissances nucléaires d’Asie sont sous domination anglaise de même que le Nigeria et l’Afrique du Sud, les deux géants de l’Afrique, tandis que le Maghreb et l’Afrique occidentale se trouvent, eux, sous contrôle français.

La Global Connection et les prédicateurs électroniques

Le dispositif médiatique mis en place pour mener de pair le combat contre le communisme, sur le plan international, et le combat contre l’athéisme, sur le plan arabo-musulman, a répondu à un objectif qui relève dans la terminologie militaire du «tir de saturation tous azimuts», dans une stratégie dite de «Global Connection», visant à enserrer la planète dans un maillage global de vecteurs multimédias à la périodicité variable.
Aux radios profanes de l’époque de la guerre froide, -Radio Free Europe, soutenue intellectuellement et matériellement par la puissante Freedom House, et Voice of America, se sont ajoutés les nouveaux vecteurs créés à l’occasion de la Deuxième Guerre contre l’Irak en 2005, Radio Sawa (Ensemble), la chaîne de télévision Hurra (Libre), avec en superposition une vingtaine de grandes corporations radiophoniques religieuses, notamment Trans World Radio (TWR), Adventiste World Radio (AWR), FEBA Radio, IBRA Radio.
Ces «prédicateurs électroniques ont disposé de moyens financiers et techniques sans équivalent dans les deux tiers des pays de la planète, qui sont autant d’instruments d’accompagnement de la diplomatie souterraine américaine.

Le langage comme marqueur d’identité culturelle: contrôle du contenant et du contenu

Le bloc occidental maîtrise non seulement le contenant (les vecteurs) mais également le contenu (le langage) de sorte que la liberté d’information, un des fondements de la démocratie, existe, mais uniquement pour ceux qui en maîtrisent les codes. La bataille de Syrie en a apporté quotidiennement la preuve.
L’individu n’est pas un moulin à paroles. Les mots ont un sens et ne constituent pas une enfilade de paroles verbales. Les mots ne sont pas neutres, ni innocents. Les mots tuent parfois. Cela est encore plus vrai pour les États, particulièrement en période de guerre.

Guerre psychologique autant que guerre sémantique, la guerre médiatique vise à soumettre l’auditeur récepteur à la propre dialectique de l’émetteur, en l’occurrence la puissance émettrice en lui imposant son propre vocabulaire, et, au-delà, sa propre conception du monde.

Dans ce contexte, le langage est un marqueur d’identité culturelle de la même manière que les empreintes digitales, le code génétique, les mesures anthropométriques sont des marqueurs biologiques et physiques.

L’accent, l’usage des termes, le ton révèlent l’identité culturelle de l’être. Sous une apparence trompeuse, des termes généraux, lisses et impersonnels, le langage est codifié et pacifié. Il devient alors un redoutable instrument de sélection et de discrimination.
Un Plan social renvoie à une réalité immatérielle contrairement au terme douloureux de licenciement massif. De même “qu’externalisation et sous-traitance” à des opérateurs fonctionnant en dehors des normes de la législation sociale.

«Délocalisation» masque une opération visant à optimiser le rendement en exploitant une main d’œuvre bon marché et surexploitée des pays pauvres et souvent dictatoriaux, sans la moindre protection sociale.

«Privatisation», une opération qui consiste souvent à transférer à des capitalistes des entreprises du service public souvent renflouées par les deniers publics, c’est-à-dire les contribuables.

Même au niveau du discours politique, le langage est aseptisé au point que l’ancien premier ministre socialiste Pierre Mauroy avait reproché au candidat socialiste aux présidentielles de 2002, Lionel Jospin, d’avoir gommé dans son discours le terme de «travailleurs».
Dans le langage convenu, l’on préfère le terme pudique de «Gens de condition modeste» à celui plus parlant de «pauvres» de même pour le tandem «Exclus et «exploités». Ou encore «Classes» (qui suggère idée de lutte) et couches sociales. Couches comme couches de peinture.

Le langage est connoté. A l’instar du Syllabus papal du XIX me siècle, qui prohibait l’usage de certains termes tels laïcité ou séparation Église États, le seul langage licite à l’époque contemporaine est le LQR «Lingua Quintae Respublicae», le langage en vogue sous la V me République Française, homologué, estampillé. En raison sans doute du rôle moteur de la France dans les «guerres de libération» du Monde arabe.
((NDLR: Le Syllabus es une compilation des idées condamnées par le Pape Pie IX en 1864. Par analogie, l’ensemble des idées que l’idéologie dominante interdit d’exprimer..Cf. A ce propos Eric Hazan: LQR: La propagande du quotidien (Raisons d’agir éditions)

Gare à quiconque recourt à un langage personnalisé, forgé dans un vocabulaire qui lui est propre. L’homme risque l’ostracisme, aussitôt mis à l’index, affublé d’une tare absolue, irrémédiable: «ringard», «tricard», etc.

La Langue substitue aux mots de l’émancipation et de la subversion, ceux de la conformité et de la soumission. L’on prône la flexibilité au lieu de la précarité, dans un pays qui a érigé la rente de situation en un privilège à vie, notamment au sein de la haute fonction publique. Les Énarques ont une rente de situation à vie, mais quiconque ose relever cette incongruité est accusé de faire le lit du «populisme».
Il en est de même au niveau diplomatique: Problème du Moyen Orient ou Question d’Orient?. Pour un problème, la réponse est unique, le problème ouvre la voie à des experts qui doivent techniquement apporter la solution. Mais la question d’Orient est plus floue. Une question suggère des réponses multiples, et induit l’absence de solution immédiate. Selon que vous utilisez un terme ou l’autre vous serez classé «moderne et dynamique» ou «ringard».

Un exemple «Le Figaro» du 28 Août 2004 titre en manchettes: «L’aveu du président Bush», sans que le journal ne précise en quoi consistait cet aveu, à propos de quoi. Dix ans auparavant, tout autre journal complaisant aurait titré: «Le président Bush admet son échec dans ses prévision sur l’Irak».
Mais si par malheur un journaliste audacieux avait titré la stricte vérité «Bush, le grand perdant de la guerre d’Irak», il aurait été aussitôt accusé d’«anti-américanisme primaire».

La «Novlangue» résulte de la présence de plus en plus manifeste de décideurs- économistes et publicitaires- dans le circuit de la communication, assurant une installation en douceur de la pensée néolibérale.
Si la diffusion hertzienne est la moins polluante des armes sur le plan de l’écologie, elle est, en revanche, la plus corrosive sur le plan de l’esprit. Son effet est à long terme. Le phénomène d’interférence opère un lent conditionnement pour finir par subvertir et façonner le mode de vie et l’imaginaire créatif de la collectivité humaine ciblée. Nulle trace d’un dégât immédiat ou d’un dommage collatéral. Point besoin d’une frappe chirurgicale ou d’un choc frontal.

Dans la guerre des ondes règne le domaine de l’imperceptible, de l’insidieux, du captieux et du subliminal. Qui se souvient encore de « Tall Ar-Rabih » (La colline du printemps)? Près d’un siècle d’émissions successives et répétitives a dissipé ce nom mélodieux, synonyme de douceur de vivre, pour lui substituer dans la mémoire collective une réalité nouvelle. « Tal AR-Rabih » est désormais mondialement connu, y compris au sein des nouvelles générations arabes, par sa nouvelle désignation hébraïque, Tel-Aviv, la grande métropole israélienne. Le travail de sape est permanent et le combat inégal. Il en est de même des expressions connotées.

4 – Génocide et Shoah

L’extermination d’une population en raison de ses origines s’appelle en français «génocide».
Il en est ainsi du génocide arménien en Turquie, comme du génocide des Tutsis au Rwanda. Lui préférer l’expression hébraïque du terme biblique de «Shoah» (holocauste) signe son appartenance au camp pro-israélien.

Israël n’a jamais reconnu le caractère de «génocide» aux massacres des Arméniens en Turquie au début du XX me siècle, sans doute pour marquer le caractère unique des persécutions dont les Juifs ont été victimes en Europe. D’abord en Russie, les «pogroms» de la fin du XIX me siècle, puis en Allemagne et en France durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).

Il en est aussi des termes antisémitisme et antiracisme. Arabes et Juifs sont des sémites, mais l’antisémitisme ne concerne que les Juifs, pour se distinguer des autres, alors que l’antiracisme englobe Arabes, Noirs, Musulmans, Asiatiques etc.
Le Président Jacques Chirac, lui-même, en fustigeant «l’antisémitisme et le racisme» dans son discours d’adieu, le 27 mars 2006, a consacré dans l’ordre subliminal un racisme institutionnel.

Jusqu’à présent, les pays occidentaux en général, les États-Unis en particulier, auront exercé le monopole du récit médiatique, un monopole considérablement propice aux manipulations de l’esprit, qui sera toutefois brisé à deux reprises avec fracas avec des conséquences dommageables pour la politique occidentale:

  • La première fois en Iran, en 1978-1979, lors de la «Révolution des cassettes» du nom de ces bandes enregistrées des sermons de l’Imam Ruhollah Khomeiny du temps de son exil en France et commercialisées depuis l’Allemagne pour soulever la population iranienne contre le Chah d’Iran,
  • La deuxième fois à l’occasion de l’Irangate en 1986, le scandale des ventes d’armes américaines à l’Iran pour le financement de la subversion contre le Nicaragua, qui a éclaté au grand jour par suite d’une fuite dans un quotidien de Beyrouth «As-Shirah», mettant sérieusement à mal l’administration républicaine du président Ronald Reagan.
Les analphabètes secondaires

Hormis ces deux cas, les États-Unis auront constamment cherché à rendre leurs ennemis inaudibles, au besoin en les discréditant avec des puissants relais locaux ou internationaux, tout en amplifiant leur offensive médiatique, noyant les auditeurs sous un flot d’informations, pratiquant la désinformation par une perte de repères due à la surinformation en vue de faire des auditeurs lecteurs de parfaits «analphabètes secondaires», pour reprendre l’expression de l’allemand Hans Magnus Einsenberger.

CF à ce propos «Analphabètes secondaires», l’expression est de l’allemand Hans Magnus Eisenberger, auteur de «Médiocrité et Folie» Éditions Gallimard 1991. Cf. aussi à ce propos «Aux ordres du Nord, l’ordre de l’information» de Jacques Decornoy, dans le bimestriel du journal Le Monde «Manière de voir» N° 74 «Les 50 ans qui ont changé notre monde»?
Non des illettrés, ou des incultes, mais des êtres étymologiquement en phase de processus de «désorientation», psychologiquement conditionné et réorienté dans le sens souhaité.

Pur produit de la phase de l’industrialisation, de l’hégémonie culturelle du Nord sur le Sud, de l’imposition culturelle comme un préalable à l’envahissement et à l’enrichissement des marchés, «l’analphabète secondaire” n’est pas à plaindre.

La perte de mémoire dont il est affligé ne le fait point souffrir. Son manque d’obstination lui rend les choses faciles.

Une inversion radicale du schéma économique se produit et la loi de l’offre et de la demande se décline désormais selon un mode radicalement différent: la fabrication du désir de consommation détermine désormais l’activité d’une entreprise. Ce n’est plus le consommateur qui commande le rythme de la production mais le producteur qui orchestre désormais le désir de consommation. Le contrôle de l’appareil de production parait compter désormais moins que la maîtrise de la demande de consommation. Le citoyen actif cède ainsi le pas au consommateur passif, l’aventurier de l’esprit au téléphage, le journaliste à l’animateur de divertissement, le patron de presse au capitaliste, entraînant du coup le glissement du journalisme vers le règne de l’«infotainement» néologisme provenant de la contraction de l’information et de l’Entertainment (terme américain de divertissement).

La mondialisation des flux d’information permet ainsi la mise sous perfusion éditoriale d’un organe de presse et par voie de conséquence la sédentarisation professionnelle de l’information, stade ultime de l’analphabétisme secondaire. Toutefois ce viol du monde par la publicité et la propagande par la profusion des sons et des images, dans le paysage urbain, sur les écrans dans la presse, au sein même des foyers, se heurte à des résistances éparses mais fermes.

De même que le monopole du savoir par la technocratie a été battu en brèche, sur le plan international, par des contre-pouvoirs notamment les acteurs paraétatiques (Greenpeace, Amnesty International, Human Right Watch, Médecins sans frontières, ATTAC), démultipliant les sources d’information non contrôlées, de même l’informatique a développé au niveau de l’information une sphère d’autonomie contestataire à l’ordre mondial américain. Chaque percée technologique s’est accompagnée d’une parade.

A la cassette du temps de la révolution khomeyniste a succédé le fax puis les sites Internet enfin le blog, le journal électronique en ligne, le tweet, dont le développement s’est accéléré depuis la guerre d’Irak et la dernière campagne présidentielle de George Bush jr (2004), des parades qui retentissent comme la marque d’une revanche de l’esprit contestataire et de la sphère de la liberté individuelle, en réaction au matraquage de la propagande et la concentration capitalistique des médias.

L’invasion de l’Irak en 2003 et le journalisme embedded

Forme la plus achevée de l’imbrication du journalisme au pouvoir politique, l’«embedded» a fait son apparition lors de l’invasion américaine de l’Irak, en mars 2003.

L’embedded est littéralement celui qui partage le même lit que le sujet de son reportage. Cette technique de couverture journalistique d’invention américaine a été conçue pour des «raisons de sécurité et d’efficacité». Elle consiste à arrimer le journaliste au groupe de combat dont il est censé couvrir l’activité de manière à lui faire partager et son existence et les risques inhérents aux situations de guerre.

Elle tend à établir ainsi, d’une manière subséquente, et sous couvert d’une solidarité de fait entre le guerrier et le journaliste, une censure induite entre l’acteur et son observateur.

En immersion totale avec son sujet et le combat de son colocataire du char, la capacité d’appréciation du journaliste est, de ce fait, immanquablement biaisée. Cette technique a réussi à retarder, sans totalement l’annuler, l’appréciation objective d’une politique, comme ce fut le cas lors de l’invasion américaine de l’Irak, en mars 2003.

Toutefois, l’embedded a pris en France une tournure particulière, fidèle en cela à la fameuse «exception française», revendiquée haut et fort par tous les gouvernants, sous tous les régimes, sous tous les cieux.

Le syndrome de la proximité

D’illustres personnages avaient ouvert la voie déblayant le passage entre journalisme et politique: Georges Clemenceau a été longtemps patron de presse avant d’embrasser la carrière politique, de même que Jean Jaurès a fondé en 1904 le journal l’Humanité avant de diriger le Parti Socialiste, ainsi que Jean Jacques Servan Schreiber et Françoise Giroud furent les cofondateurs de l’hebdomadaire «l’Express» avant d’emprunter une brève carrière ministérielle.

Le syndrome de la proximité joue à plein entre ces deux métiers jumeaux, le journalisme et le politique, car à force d’observer la politique, les journalistes finissent par succomber à la tentation de s’engager dans le combat politique.

Mais l’endogamie à l’entame du XXI me siècle a pris une tournure nouvelle, une ampleur telle que le syndrome de proximité se décline selon un autre mode. A force de suivre au plus près les hommes politiques, les journalistes commencent par épouser leurs idées et finissent, parfois, par épouser le porteur de ses idées.

7- Le couplage

La scène médiatico-politique contemporaine française abonde d’ailleurs de ces couples célèbres dont les plus visibles sont Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, et Christine Ockrent (France 3), Jean Louis Borloo, ministre d’État et ministre du développement durable et Béatrice Schönberg (France 2);, Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre des Finances et ancien directeur du Fonds Monétaire International, et Anne Sinclair (RTL-TF1); François Baroin, ancien ministre de l’Outre mer et de l’Intérieur et Marie Drucker (France 3); auparavant, Alain Juppé (à l’époque ministre des Affaires étrangères) et Isabelle Juppé (La Croix); sans oublier les idylles des deux anciens présidents de la République: Nicolas Sarkozy du temps de l’escapade new yorkaise de son épouse Cécilia Sarkozy, avec Anne Fulda – Le Figaro) ainsi que celle de François Hollande avec Valérie Trierweiler- Paris Match.

La mutation professionnelle a cédé la place à l’accouplement. Dans le nouveau cas de figure, l’activité ne change pas, mais se couple tant au niveau de la vie professionnelle que conjugale avec un partenaire qui représente l’autre pôle du pouvoir, nourrissant par là même le procès d’une confusion des genres préjudiciable à la démocratie.

Là où Clemenceau et Jaurès changeaient la forme de leur combat dans la fidélité à leur engagement antérieur, la nouvelle génération paraît avoir emprunté un chemin différent privilégiant le plan de carrière à la fidélité aux engagements antérieurs. Le journaliste cesse d’être un observateur critique de la vie politique pour se muer par synergie, sinon en amplificateur des idées de son partenaire politique, à tout le moins en un facteur de surexposition médiatique de son compagnon de vie.

Enfin, dernier et non le moindre des facteurs, la surcharge d’information aboutit à la désinformation. La désorientation est propice aux rumeurs, à l’intoxication, et, faute d’éducation civique, à une perte de repères.

La guerre de Syrie et la guerre 5 G (5ème génération) dans le domaine de la communication

La bataille de Syrie a constitué un tournant majeur dans la guerre médiatique moderne, par son ampleur, sa durée et sa violence, de même que par la démultiplication des outils de communication individuels (blogs, Facebook, twitter). En superposition aux médias traditionnels, cette déclinaison médiatique a entraîné une surexposition de l’information et mis en œuvre de nouveaux intervenants sur la scène médiatique, de nouveaux prescripteurs d’opinion, recyclés via la notoriété du micro blogging en autant d’amplificateurs organiques de la doxa officielle. Les drones tueurs de toute pensée dissidente.

Des islamophilistes faisant office de véritables prédicateurs des temps modernes, rompant avec la traditionnelle retenue des universitaires, à coups d’anathèmes et d’invectives, pour l’intimidation et la criminalisation de leurs contradicteurs.

Une évolution amorcée aux États-Unis par les néoconservateurs, en 2003, lors de l’invasion américaine de l’Irak et définitivement consacrée par les intellectuels organiques français, lors de la bataille de Syrie, dix ans plus tard.

La chaîne transfrontière qatarie Al Jazeera, dans le Monde arabe, s’est particulièrement distinguée dans ce domaine, en raison du rôle aiguillon du Qatar dans les soulèvements arabes et du rôle mobilisateur de ce vecteur dans le conditionnement de l’opinion. https://www.renenaba.com/le-qatar-une-metaphore-de-la-france-en-phase-de-collapsus/

La France, dans le Monde occidentale, se détachera aussi du lot en raison de son double statut d’ancienne puissance mandataire, artisan du démembrement de la Syrie, et de parrain de l’opposition off-shore syrienne.

A- Le dispositif français
Pour la bataille de Syrie, la «Mère de toutes les batailles» des stratèges français, celle qui devait permettre tout à la fois d’assurer la réélection de Nicolas Sarkozy, de restaurer le prestige terni d’Alain Juppé évincé de son rôle diplomatique en Libye au profit de Bernard Henry Lévy, de compenser le déclassement de la France par la prédation des économies énergétiques arabes (Libye, Syrie, Sud Soudan) et de confirmer enfin les qualités de chef de guerre du nouveau président socialiste François Hollande, le dispositif politico-médiatique français présentait la configuration suivante:

Trois franco syriens aux avants postes: Bourhane Ghalioune, premier président de l’opposition offshore, sa porte-parole, Basma Kodmani, ainsi que la sœur de cette dernière, Hala, animatrice d’une structure oppositionnelle à Paris, l’association «Sourya Houryia» (Syrie Liberté), fondée en Mai 2011, c’est-à-dire au déclenchement des premiers troubles, un poste qu’elle a cumulé avec ses fonctions journalistiques à Libération.

Cet attelage claudicant a d’emblée frappé de suspicions les intentions françaises en ce que le profil de ces trois binationaux a renvoyé au précédent géorgien de Salomé Zourabichvili, binationale franco-géorgienne, ministre des Affaires étrangères de Géorgie après avoir été ambassadeur de France .
Cette dualité a pointé sa nature hybride et joué en sa défaveur, posant le problème du bien-fondé d’une décision visant à confier la direction de l’opposition syrienne à des membres de la fonction publique française, c’est-à-dire à des salariés de l’ancien pouvoir colonial.

Quatre autres français émargeant sur le budget de l’état français ont complété cette force de frappe médiatique: L’universitaire François Burgat, en tandem avec Ignace Leverrier de son vrai nom Wladimir Glasman, bibliothécaire, puis archiviste à l’ambassade de France à Damas dans la décennie 2000; Mathieu Guidère, ancien interface du prince Jouhane du Qatar à Saint Cyr et professeur d’Islamologie à Toulouse; Jean Pierre Filiu, ancien diplomate recyclé dans l’enseignement, blogueur au journal en ligne Rue 89; Enfin, dernier et non des moindres, l’universitaire Thomas Pierret dans le site en ligne Médiapart, ancien disciple du politologue Gilles Kepel, rallié à l’islamologie de François Burgat.

Soit au total six faux nez de l’administration française. https://www.renenaba.com/lhomme-de-lannee-2011/

Au sommet de l’édifice, une instance de légitimation codirigée par François Burgat, patron de thèse du pré-doctorant Nabil Ennasri, et par Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, et éditeur du qatarologue. Un tandem à l’effet de conférer sans doute de la consistance au thésard et de l’oindre de l’onction scientifique de leur magistère moral. Rare cas de fusion intellectuelle entre un auteur et son éditeur, leur osmose éditoriale s’est matérialisée par cette interview qui s’est apparentée par moments à un exercice d’auto célébration auto promotionnelle.

http://www.iris france.org/informezvous/blog_pascal_boniface_article.php?numero=229

B- Les islamophilistes, un fonctionnement réticulaire fondé sur un discours diffluent et un argumentaire en forme de palindromes.
Pour une guerre éclair, qui devait faire «chuter Bachar Al Assad tous les deux mois», le plan de bataille se voulait parfait dans l’esprit de ses promoteurs. Il se révélera cacophonique et inopérant, voire même contre productif du fait de la morgue intellectuelle.

C- Un fonctionnement réticulaire ou le syndrome Ahmad Chalabi
Réédition d’un scénario éculé, le dispositif en vigueur à l’encontre de la Syrie a été identique à celui mis en place à propos de l’Irak, justifiant une fois de plus le constat de Pierre Bourdieu sur «la circulation circulaire de l’information», tant au Qatar, à travers Al Jazira, qu’en France, via le quotidien Libération. Ainsi Ahmad Ibrahim Hilal, responsable de l’information sur la chaîne transfrontière qatariote, a agi depuis les combats de Syrie, il y a trois ans, en couple et en boucle avec son propre frère Anas Al Abda, proche du courant islamiste syrien et membre du CNT, au diapason du tandem parisien formé par Basma Kodmani, premier porte-parole du CNT et sa sœur Hala Kodmani.

Cette proximité a posé le problème de la conformité déontologique de l’attelage. Amplifié en France au niveau arabophone par Radio Orient, la radio du chef de l’opposition libanaise, Saad Hariri, partie prenante au conflit de Syrie, -du jamais vu dans les annales de la communication internationale-, ce dispositif a frappé de caducité le discours médiatique occidental au même titre que le discours officiel syrien, en ce qu’il a été obéré par «le syndrome Ahmad Chalabi».

Un Syndrome du nom de ce transfuge irakien qui avait alimenté la presse américaine des informations fallacieuses sur l’arsenal irakien, via sa nièce journaliste en poste dans l’une des principautés du golfe, implosant la crédibilité de l’employeur de la journaliste vedette du New York Times, Judith Miller, passée à la postérité comme étant «l’arme de destruction massive de la crédibilité du New York Times dans la guerre d’Irak».

Ce dispositif a créé une fâcheuse confusion de genre entre pouvoir et contre pouvoir. Il explique partiellement le désastre diplomatique de la France en Syrie, au-delà des pays occidentaux. révélant la vulnérabilité de la presse occidentale, particulièrement française, à l’égard du pouvoir.

Pour aller plus loin sur ce thème,notamment le dispositif israélien en matière de propagande et l’usage des «Sayanim», les juifs de la diaspora porteurs de la nationalité de pays occidentaux, pour la collecte de renseignements, cf ce lien: https://www.renenaba.com/israel-de-la-propagande-3/