Iran/Irak, La guerre à outrance
Paris, 1er décembre 1986 – Rien ni personne ne semble devoir arrêter la guerre ente l’Irak et l’Iran, devenue au…
Paris, 1er décembre 1986 – Rien ni personne ne semble devoir arrêter la guerre ente l’Irak et l’Iran, devenue au fil de sept ans, une guerre à outrance pour le leadership régional entre ces deux pays musulmans, l’un, l’Irak, qui se pose en défenseur de laïcité et du Monde arabe à majorité sunnite, l’autre, l’Iran, l’ancienne Perse, en porte-drapeau de la Révolution, au nom d’un chiisme contestataire et d’un Islam rigoriste.
Ni les villes, ni les installations économiques ne sont épargnées dans ce conflit, le plus meurtrier de l’époque contemporaine avec un million de victimes dans les deux camps (300.000 morts et 700.000 blessés), et, qui, selon les estimations des experts occidentaux, a considérablement affecté le potentiel économique des deux pays pétroliers, jadis parmi les plus prospères du tiers-monde, et hypothéqué leur développement à l’horizon de l’an deux mille. Cinq cents millions de dollars sont consacrés en moyenne par chacun des belligérants par mois pour soutenir leur effort de guerre, soit depuis le début des hostilités, le 21 septembre 1986, 36 milliards de dollars. Cette somme est principalement affectée à l’achat d’armes de plus en plus sophistiqués: Avion français Mirage F1 à long rayon d’action et missiles Exocet pour l’Irak, Missiles SS-20 pour l’Iran, à l’achat de munitions et de matériel aussi, dont l’usage est si abondant dans les duels d’artillerie quotidiens et les gigantesques batailles qui opposent les deux pays sur un front de près de deux mille km allant du golfe d’Oman à l’intersection de l’océan Indien et de la mer Rouge jusqu’aux confins de la Turquie.
Depuis le début de 1986, qui a été marquée par une intensification et une extension du conflit, cinq cent missiles ont été tirés par l’Irak et l’Iran, à raison de deux par jour en moyenne, contre les villes et les objectifs économiques, alors que la « guerre des pétroliers » a provoqué en tonnage des pertes maritimes du même ordre que celles enregistrées pendant la deuxième Guerre mondiale (1939-1945), autour de vingt millions de tonnes. Quatre-vingt-dix-sept (97) bateaux battant pavillon de 22 nationalités différentes dont plus de la moitié des pétroliers ont été endommagés en 1986. Une trentaine jaugeant plus de 200.000 tonnes. Selon la compagnie d’assurance maritime britannique Lloyd’s, le bilan de la « guerre des pétroliers » s’établissait, début décembre, à 258 bâtiments endommagés. 216 hommes d’équipage de pétroliers, cargos caboteurs notamment ont trouvé la mort depuis que le conflit, commencé en septembre 1980, s’est étendu aux eaux du Golfe en mai 1981.
Au moins cinq navires -dont quatre pétroliers- ont été atteints dans la journée du 27 novembre au cours d’une audacieuse opération irakienne à 1000 km des lignes irakiennes, au large du terminal de Larak. Le bombardement de Larak constitue l’objectif le plus méridional jamais visé par l’aviation irakienne depuis le début de la guerre, au milieu même du détroit d’Ormuz, passage obligatoire pour tous les navires entrant ou sortant du Golfe. La guerre a commencé à déborder même vers les pays voisins. La plate-forme offshore du champ pétrolifère d’Abou Al-Bukhoosh, dans les eaux territoriales koweitiennes. Un responsable d’une firme de transports pétroliers Inter-tankos, Jim Rand, a averti que les armateurs pourraient se résigner à boycotter le Golfe si les agressions contre les navires neutres et non armés se poursuivaient.
L’Irak, un des principaux bailleurs du monde arabe, est désormais l’un des plus endettés avec 40 milliards de dollars au même titre que l’Égypte, le plus peuplé des pays arabes et aussi et surtout moins pourvu en richesses pétrolières que l’Irak. L’Iran, de son côté, selon la National Westminster Bank, a enregistré en 1986 un déficit de plus de 4 milliards de dollars dans sa balance de paiements courants. Les réserves de change ont fondu et le taux de croissance économique tombé à zéro du fait de la diminution des revenus pétrolier. Face à ce gâchis, des remous on été signalés dans la hiérarchie des deux pays et une sourde lutte pour le pouvoir s’est engagée tant à Bagdad qu’à Téhéran entre les partisans de la poursuite des hostilités et ceux favorables à une solution diplomatique.
A Bagdad, un vent de fronde animé par des officiers supérieurs a soufflé autour du président Saddam Hussein, après la chute de l’important terminal pétrolier de Fao, ans le sud de l’Irak, en février. Naïm Haddad, un des dirigeants historiques du parti Baas, ancien président de l’Assemblée nationale, a été évincé. Il aurait été exécuté en septembre, de même que Omar Abdel Razzak, ancien commandant militaire de Bagdad et l’un des artisans du coup d’État qui a permis au parti de Saddam Hussein de revenir au pouvoir en 1968.