Égypte : Les lignes de force de la diplomatie égyptienne en direction du Moyen-Orient
Les services de renseignements égyptiens ont rédigé un memorandum consignant les lignes de force de la diplomatie égyptienne en direction…
Les services de renseignements égyptiens ont rédigé un memorandum consignant les lignes de force de la diplomatie égyptienne en direction du Moyen orient. Destiné au ministère des Affaires étrangères et aux médias égyptiens, ce mémorandum traite de sept pays arabes.
Rédigé par le général Abbas Kamel, chef des Services de renseignement, sous la supervision de la présidence égyptienne, le mémorandum ne traite pas de la Palestine car ce sujet est directement traité par les services de renseignements égyptiens en ce que la Bande de Gaza, limitrophe de l’Égypte, est dirigée par le Hamas, la branche palestinienne des Frères Musulmans, bête noire du régime égyptien.
Le mémorandum, dont le journal libanais «Al Akhbar» en a publié les principaux extraits, le 10 juin 2019, concerne 7 pays arabes:
- Trois pays arabes, en proie à la guerre civile, (Syrie, Yémen, Libye)
- Deux en pleine révolte populaire (Algérie, Soudan)
- Deux (La Turquie et le Qatar) en confrontation directe avec l’Égypte en raison de leur soutien à la confrérie des Frères Musulmans. et au gouvernement Fayez Serraj en Libye
Rédigé par le général Abbas Kamel, chef des Services de renseignement, sous la supervision de la présidence égyptienne, le mémorandum ne traite pas de la Palestine car ce sujet est directement traité par les services de renseignements égyptiens en ce que la Bande de Gaza, limitrophe de l’Égypte, est dirigée par le Hamas, la branche palestinienne des Frères Musulmans, bête noire du régime égyptien. Le mémorandum ne mentionne pas non plus Israël, qui relève du domaine réservé présidentiel.
Al Akhbar avertit ses lecteurs que le contenu du mémorandum est susceptible de modifications en fonction de l’évolution de la conjoncture régionale de manière à servir les objectifs de la stratégie égyptienne.
Voici les principaux éléments de ce document
- Syrie: Mettre l’accent sur les ambitions de la Turquie et de l’Iran et sur les modifications démographiques sur le terrain.
- Yémen: Pas de critique des Houthistes ni des Émirats Arabes Unis
- Turquie Qatar: Pointer l’Islamisation de l’état turc et dénoncer le rôle du Qatar dans le financement du terrorisme.
- Soudan, Libye, Algérie: Neutralité au Soudan, soutien au Maréchal Khalifa Haftar en Libye et soutien au plan de l’armée en Algérie
1- Syrie: Mettre l’accent sur les ambitions de la Turquie et de l’Iran et sur les modifications démographiques sur le terrain.
«Mettre l’accent sur l’importance que revêt la Syrie pour l’Égypte en remettant en mémoire leur histoire commune et les relations stratégiques entre les deux pays (qui ont mené conjointement quatre guerres contre Israël (1948, 1956, 1967, 1973).
Plaider pour la préservation de l’intégrité territoriale de la Syrie et de la prise en compte des aspirations du peuple syrien.
Rejet de toute intervention étrangère. Retrait de toutes les forces étrangères de Syrie, quelque soit la forme que revêt cette présence.
Mettre en relief les efforts de l’Égypte tant sur le plan régional qu’international pour favoriser un règlement politique sur la base des résolutions internationales notamment la Conférence Internationale de Genève sur la Syrie.
Soutenir les efforts visant à mettre sur pied un comité chargé de la rédaction d’une nouvelle constitution.
REFUS DES MENÉES SÉPARATISTES en soulignant le rôle des puissances étrangères en faveur des minorités, LA FRANCE ET LES ÉTATS UNIS EN FAVEUR DES KURDES, LA TURQUIE EN FAVEUR DES TURKMÈNES.
Se féliciter de l’accueil par l’Égypte de réfugiés syriens et du rôle du Caire en faveur de leur retour en Syrie, une fois assurée la stabilisation de la situation dans ce pays.
IGNORER LES PROPOS DES MÉDIAS SYRIENS SUR LE RÔLE DE L’ÉGYPTE DANS LA CRISE DES CARBURANTS EN SYRIE
Dans le prolongement de la position de l’Égypte sur le rôle de l’armée nationale dans la guerre contre le terrorisme, faire l’éloge du rôle du régime syrien en ce domaine, en spécifiant que l’armée nationale est une ligne rouge infranchissable.
Se féliciter de la convergence entre l’Égypte et la Syrie dans le domaine de la lutte anti-terroriste, notamment dans la perspective du retour des combattants étrangers dans leur pays d’origine à la suite de leur strangulation en Syrie.
Mettre l’accent sur la nécessité de la réintégration de la Syrie dans le giron arabe afin de couper la voie aux puissances régionales soucieux de s’implanter en Syrie, comme c’est le cas de la Turquie et de l’Iran.
Souligner le RÔLE NÉGATIF DE LA TURQUIE EN SYRIE, notamment SON SOUTIEN AUX GROUPEMENTS TERRORISTES, EN SUPERPOSITION AUX AMBITIONS HISTORIQUES DE LA TURQUIE SUR LA SYRIE, comme en témoignent ses efforts en vue de MODIFIER L’IDENTITÉ DES ZONES SYRIENNES SOUS SON AUTORITÉ, EN RENFORÇANT LA POSITION DES TURKMÈNES DANS LE SECTEUR SOUS SON CONTRÔLE.
Mettre en garde contre L’INFLUENCE GRANDISSANTE DE L’IRAN dans la zone; Son AMBITION DE CONSOLIDER LES VOIES DE RAVITAILLEMENT ENTRE TÉHÉRAN ET BEYROUTH, FAVORISANT LA CONVERSION AU CHIISME DES POPULATIONS DANS LA PERSPECTIVE D’ÉDIFIER UN CROISSANT CHIITE EN PROCÉDANT A LA MODIFICATION DÉMOGRAPHIQUE SUR LE TERRAIN, NOTAMMENT DANS L’AGGLOMÉRATION DE DAMAS ET LE SECTEUR D’AL- QALAMOUN.
NDLR à propos d’Al Qalamoun
Commune libanaise située sur la côte méditerranéenne, dans le district de Tripoli, dont elle est distante de 5 kilomètres, la localité a été le théâtre de violentes batailles, le 6 mai 2015, du Hezbollah libanais, secondé par l’armée syrienne, contre les combattants islamistes du Front An Nosra, franchise d’Al Qaida en Syrie. Une semaine après le début de la bataille, le tandem Hezbollah armée syrienne réussissait, le 15 Mai, à prendre le contrôle du tiers du territoire aux mains des rebelles, les faisant refluer vers ERSAL, écartant ainsi toute menace sur l’autoroute reliant Damas et HOMS en coupant les voies de ravitaillement des islamistes à Zabadani.
Fin de la note.
-Passer sous silence les succès des forces kurdes, mais mettre plutôt sur le leur contentieux avec Damas, à propos de leurs intentions séparatistes.
-Focaliser sur les craintes que suscitent les nouvelles sanctions américaines et européennes sur la Syrie à l’effet de provoquer un nouveau flux migratoire vers l’Europe et les pays limitrophes de la Syrie.
-Éviter de faire état des critiques de la Syrie à l’égard de l’Égypte, notamment à propos des informations des médias syriens rejetant sur l’Égypte LA RESPONSABILITÉ DE LA CRISE DE CARBURANTS DONT PÂTIT LA SYRIE DU FAIT DE LA DÉCISION DU CAIRE D’INTERDIRE AUX PÉTROLIERS IRANIENS LE PASSAGE DU CANAL DE SUEZ EN VUE DE RAVITAILLER LA SYRIE EN PÉTROLE.
-Ne pas évoquer franchement la position de l’Égypte concernant la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue Arabe, mais valoriser la position de neutralité égyptienne de soutenir les choix du peuple syrien en faveur d’un règlement du conflit.
S’abstenir de commenter la décision de Donald Trump de retirer les troupes américaines de Syrie. De même S’ABSTENIR DE COMMENTER LE RÔLE NÉGATIF DE CERTAINS PAYS ARABES -TELS L’ARABIE SAOUDITE ET LA JORDANIE- DANS LEUR SOUTIEN AUX GROUPEMENTS ARMES EN SYRIE.
Yémen: Pas de critiques des Houthistes ou des Émirats Arabes Unis
L’Égypte, qui a mené un combat aux côtés des Républicains contre l’Imamat du Yémen, dans la décennie 1960, au plus fort de la rivalité entre Gamal Abdel Nasser et le Roi Faysal d’Arabie, considère que «l’intégrité territoriale du Yémen, dans ses deux provinces -nord et sud-, comme faisant partie intégrante de la sécurité de l’espace national arabe».
Mettre l’accent sur le rôle de l’Égypte dans la protection de la liberté de navigation sur le Canal de Suez et en Mer Rouge.
Mettre l’accent sur la justesse et la clarté de la position égyptienne à l’égard de ce conflit notamment son soutien aux armées nationales dans le combat contre le terrorisme en vue de parvenir à une solution politique
Valoriser le rôle de neutralité de l’Égypte matérialisée par son accueil des réfugiés, sans la moindre discrimination, les soins qu’elle leur prodigue, l’assistance humanitaire qu’elle fournit aux nécessiteux.
Dans un soutien implicite à la guerre d’agression des pétromonarchies contre le Yémen, le mémorandum invite le ministère des Affaires étrangères et les médias égyptiens à «soutenir que la participation à la coalition internationale vient en application des résolutions internationales y afférentes».
Éviter de révéler les aspects négatifs de cette alliance en dépit du fait qu’elle a contribué à la détérioration sur la situation au Yémen.
Plaider pour confier la responsabilité de la lutte contre les groupements terroristes -Al Qaida et Da’ech – aux organismes gouvernementaux aussi bien l’appareil sécuritaire que l’armée.
Mettre en garde contre les conséquences négatives résultant de la présence de forces étrangères au Yémen au prétexte d’y maintenir la paix, en raison de l’importance stratégique que revêt ce pays riverain du Détroit de Bab El Mandeb et de la Mer Rouge.
L’Égypte participe aux côtés de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis au blocus du Qatar, qu’ils accusent d’être le parrain de la Confrérie des Frères Musulmans, une organisation inscrite sur la liste noire des pétromonarchies.
MENTIONNER LE PROJET DES FRÈRES MUSULMANS AU YÉMEN ET LEUR INSTRUMENTALISATION DE LA CRISE AU SERVICE DES AMBITIONS MONDIALES DE LA CONFRÉRIE EN VUE D’EXERCER SON EMPRISE POLITIQUE SUR LE YÉMEN. Cette position est conforme à celle des Emirats Arabes Unis.
S’ABSTENIR DE CRITIQUER LE RÔLE DU GOUVERNEMENT LÉGITIME (pro saoudien), NOTAMMENT SON INEFFICACITÉ DANS LES PROVINCES LIBÉRÉES.
S’ABSTENIR DE CRITIQUER LE RÔLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS DANS LES PROVINCES SUD ET SON SOUTIEN AUX MILICES ARMÉES OPÉRANT HORS CONTRÔLE DE L’ÉTAT.
SE LIMITER A MENTIONNER LE RÔLE NÉGATIF DE L’IRAN SUR LE PLAN DE L’INFORMATION
S’ABSTENIR DE CRITIQUER DIRECTEMENT LES HOUTHISTES. DE MÊME VEILLER A NE PAS AMPLIFIER LE RÔLE DE L’ARABIE SAOUDITE ET DES ÉMIRATS ARABES UNIS. Mais TRAITER LA SITUATION SUR LE PLAN FACTUEL sans trop de précisions, ni mentionner la position des divers protagonistes.
TURQUIE: Les droits des Kurdes et l’islamisation de l’État.
Dénoncer le rôle du Qatar dans le financement du terrorisme en Égypte et en Afrique (Libye, Soudan, Somalie).
Les relations de l’Égypte avec la Turquie et le Qatar sont traitées exclusivement sous l’angle des rapports qu’entretiennent ces deux pays avec la Confrérie des Frères Musulmans, déclarée hors la loi en Égypte, contre laquelle le pouvoir égyptien mène une guerre sans répit.
Mettre l’accent sur les facilités octroyées par le président Erdogan aux Frères Musulmans, alors que la confrérie continue sa campagne hostile contre le régime égyptien.
En contrechamps, mettre en relief les vexations et les privations auxquels sont soumis les Kurdes en Turquie, les atteintes à leur droit en tant que minorité avec son lot de privations de liberté, de licenciement arbitraire, d’incarcération au prétexte d’appartenance à la mouvance Gulen (mouvement islamiste rival du parti d’Erdogan).
La stratégie égyptienne face à Ankara repose sur la dénonciation du PROCESSUS D’ISLAMISATION DE L’ÉTAT TURC SOUS L’ÉGIDE DU RÉGIME NEO ISLAMISTE EN DÉPIT DE LA LAÏCITÉ DE L’ÉTAT CONSACRE PAR LA CONSTITUTION. DE MÊME QUE LES AMBITIONS D’ERDOGAN AVEC SA DIPLOMATIE NEO OTTOMANE.
DÉNONCER LA COOPÉRATION ENTRE TÉHÉRAN ET ANKARA et leurs ambitions respectives en Syrie; une HYPOTHÈQUE A L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE DE LA SYRIE, prélude à son démembrement.
Mettre l’accent sur le soutien de la Turquie au terrorisme, en tirant profit de sa proximité avec les pays en proie à la guerre civile (Irak, Syrie) tout en se posant en DIGUE DU TERRORISME MOYEN ORIENTAL FACE A L’EUROPE.
Une fonction en contradiction avec son rôle de voie de passage des combattants islamistes, sa collaboration avec ces groupements notamment dans la commercialisation des pièces d’antiquités pillées des sites archéologiques de Syrie et d’Irak et dans l’écoulement du pétrole pompé sur les champs pétrolifères des zones sous le contrôle des groupements islamistes.
S’abstenir de tout commentaire concernant les prises de position d’Erdogan vis à vis du leadership égyptien.
Crise des pétromonarchies du Golfe:
S’abstenir de tout commentaire concernant les activités du groupe quadripartite (Arabie saoudite, Émirats Arabes Unis, Bahrein et Égypte).
Réaffirmer l’attachement du groupe quadripartite à la stratégie de maintien du blocus du Qatar, aussi longtemps que Doha n’aura pas souscrit aux 13 conditions posées par ses adversaires, concernant son soutien aux groupements terroristes et ses ingérences dans les affaires intérieures des autres états, d’autant que Doha a tiré profit de la mollesse des réactions internationales pour se soustraire à ses conditions.
S’abstenir de mentionner les démarches du Qatar auprès des instances internationales (Cour Pénale Internationale, Union Postale Internationale) contre le groupe quadripartite.
Dénoncer le rôle subversif du Qatar en Afrique, son soutien aux groupements terroristes notamment au Soudan et en Somalie
Mettre en avant l’efficacité des mesures de coercition adoptées par le groupe quadripartite en vue de réduire le rôle du Qatar dans la zone et ses repercussions sur le plan intérieure qatari.
Mettre en avant l’ingérence du Qatar en Égypte à la faveur du soulèvement populaire de 2011 (élection de Mohamad Morsi, membre des Frères Musulmans), ainsi que la contrebande des armes à laquelle se livre le Qatar à destination de la Libye en violation de l’embargo international sur les armes qui frappe ce pays.
Mettre en avant le rôle négatif du Qatar en Syrie par son soutien aux groupements islamistes, provoquant la mort de plusieurs milliers de personnes, et forçant à l’exil autant de personnes. Faire assumer au Qatar la responsabilité des destructions infligées du fait de ce comportement au peuple syrien.
Soudan-Libye-Algérie: neutralité à l’égard du Soudan; soutien au Maréchal Khalifa Haftar en Libye; soutien au plan de l’armée en Algérie.
Le Soudan figure en tête des préoccupations de l’Égypte. Le Mémorandum souligne le souci permanent de l’Égypte envers la stabilité du Soudan en raison des relations stratégiques et historiques qui lient ces deux pays du bassin du Nil.
Soutenir les options du peuple soudanais en conformité avec la politique constante de l’Égypte fondée sur la non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.
Soutenir les efforts déployés sur le plan régional et international en vue d’aider le Soudan à surmonter la crise.
Le ministère des Affaires étrangères doit observer une neutralité et faire preuve de professionnalisme afin de ne porter atteinte à aucun des protagonistes du conflit soudanais.
Entreprendre progressivement une démarche visant à faire entendre les opinions des divers protagonistes soudanais dans les médias égyptiens en respectant le principe du débat contradictoire en vue de dégager la voie à la possibilité de la tenue en Égypte d’une conférence du dialogue inter-soudanais.
S’abstenir d’évoquer les sujets qui prêtent à controverse avec l’Égypte (Halayeb et Chalatine). Port situé sur la Mer rouge, le triangle de Halayeb est une région frontalière administrée par l’Égypte et revendiquée par le Soudan. Chalatine fait partie du triangle de Halayeb avec une 3eme ville, Abou Ramad. Ce dossier constitue une bombe à retardement entre les deux pays.
S’abstenir de mentionner le déplacement des personnalités égyptiennes au Soudan dans les circonstances présentes.
Libye
Valoriser le fait que les opérations militaires de l’armée nationale libyenne, notamment les forces du Maréchal Khalifa Haftar dans le secteur occidental du pays (région de Tripoli) viennent en complément des efforts visant à réduire le terrorisme en vue de favoriser une solution politique.
-Valoriser le bien fondé de la position égyptienne qui plaide pour conférer une priorité absolue à la restauration à l’État libyen et la préservation de l’intégrité territoriale et la stabilisation de ce pays limitrophe, en poursuivant la guerre contre le terrorisme et les milices extrémistes.
Mettre en relief le rôle du Qatar et de la Turquie dans la déstabilisation de la Libye ainsi que le rôle dangereux assumé dans ce domaine par les milices extrémistes confrériques.
NDLR: Le mémorandum passe complètement sous silence le rôle de la France, (le président Nicolas Sarkozy en tandem avec le philosophe Bernard Henry Lévy), en coordination avec Hillary Clinton, secrétaire d’Etat, dans ce désastre.
-Faciliter les interventions du Maréchal Haftar et de son porte-parole, le général Ahmad al Mismari sur les chaînes satellitaires égyptiennes.
-Mettre en valeur le rôle de Akila Saleh, Président de l’Assemblée libyenne, en considérant que le parlement libyen constitue la seule instance légitimement élue. Mettre l’accent sur les dangers résultant de l’accroissement de l’aide de la Turquie, du Qatar et de l’Iran aux extrémistes du secteur occidental (Région de Tripoli), ainsi que sur l’importance du transit des combattants étrangers via la Turquie en vue de transformer la Libye en un champ de bataille comparable à la Syrie.
- Souligner le lien qui existe entre les milices du Gouvernement d’Entente Nationale (Sarraj) avec des groupements terroristes.
- Amplifier les communiqués du Maréchal Haftar en assurant leur publication dans la presse quotidienne égyptienne.
- Éviter de qualifier de «légitime» les milices relevant de l’autorité du Gouvernement d’Entente Nationale (gouvernement Sarraj).
S’ABSTENIR DE MENTIONNER L’ AIDE ETRANGERE DONT BENEFICIE L’ ARMEE DU MARECHAL HAFTAR, NOTAMMENT L’ AIDE DE LA FRANCE ET DES ÉMIRATS ARABES UNIS. - Pointer la responsabilité des milices de Tripoli et de Misrata dans l’aggravation de la situation du fait de leur emprise sur les ressources de l’état et de leur hostilité résolue envers l’Égypte.
Algérie
Le mémorandum des Services de renseignements égyptiens donne des consignes très strictes sur la couverture des événements d’Algérie, intimant que les comptes rendus soient favorables aux positions de l’armée algérienne.
Mettre l’accent sur l’insistance de certains courants politiques à dégager une solution hors des normes constitutionnelles.
Soutenir les mesures prises par l’armée pour aménager la période transitoire, en faisant valoir qu’elles sont d’autant plus pertinentes qu’elles prévoient l’organisation d’élections dans un court délai.
- Souligner le fait que l’impasse est génératrice d’anarchie.
- Souligner le fort intérêt de l’Égypte (leadership, peuple et gouvernement) à la stabilité de l’Algérie en particulier, la stabilité du Maghreb d’une manière générale, en raison des répercussions de cette zone sur la sécurité nationale égyptienne.
Renouveler la confiance de l’Égypte dans la capacité de l’armée et du peuple algériens à surmonter cette crise par la satisfaction des aspirations du peuple algérien.
Mettre en garde contre le risque de mettre en doute la légitimité des aspirations du peuple algérien, -aspirations justes et légitimes-, ainsi que contre les tentatives visant à se servir des revendications populaires pour renverser le régime ou pour précipiter le pays dans l’anarchie.
Ne pas commenter les prises de position des personnalités égyptiennes concernant l’Algérie afin que ces commentaires n’influent pas sur les relations bilatérales, notamment au niveau populaire.
L’Algérie à la recherche d’une nouvelle visibilité diplomatique
A la recherche d’une nouvelle visibilité diplomatique après une longue période de léthargie correspondant à la phase terminale de l’ère Bouteflika, l’Algérie a subordonné la tenue d’un sommet arabe en Algérie à la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue Arabe, dont elle est un membre fondateur.
Alliée inconditionnelle de la Syrie en raison de la contribution du pouvoir baasiste à sa guerre d’indépendance, l’Algérie s’était opposée à l’expulsion de la Syrie de l’organisation pan arabe, s’attirant le courroux du lilliputien Qatar, dont le ministre des affaires étrangères Hamad Ben Jassem avait menacé d’un sort identique l’Algérie, pourtant unique pays au monde doublement victorieux tant dans sa guerre de libération contre le pouvoir colonial français que dans sa guerre de contre le terrorisme. En écho, son partenaire français Nicolas Sarkozy avait surenchéri, répétant tel un saut de cabri: «Dans un an l’Algérie, dans trois ans l’Iran».
La suite est connue. Tant Hamad Ben Jassem que Nicolas Sarkozy ont été projetés sans ménagement dans les poubelles de l’histoire, alors que la Syrie et l’Algérie résistaient victorieusement à leur environnement djihadiste.
Pour aller plus loin sur ce thème, cf ce lien
L’alliance Syrie-Algérie ne s’est jamais relâchée même au plus fort de la guerre de destruction de la Syrie où la coopération sécuritaire entre Alger et Damas a neutralisé un afflux des terroristes algériens vers la Syrie. Les islamistes algériens qui y ont pris part sont ceux venus dans leur très grande majorité d’Europe et non d’Algérie, à l’instar de Mehdi Nemmouche.
Libye: diplomatie erratique française à l’arrière plan du risque d’implosion L’Otan.
Co-belligérant de la Syrie avec la Turquie, la France se retrouve, en Libye, l’alliée de la Russie, le pays qui lui a fait mordre la poussière en Syrie, illustration erratique de la diplomatie française.
Désormais reléguée au rang de «pays affinitaire» en Syrie, alors qu’elle était chef de file du projet de la destruction du régime baasiste, la France est une fois de plus reléguée en Libye au profit de nouvelles puissances, notamment la Turquie, son ancien alliée, Russie son adversaire en Syrie.
L’affaire libyenne met d’ailleurs à rude épreuve l’alliance atlantique au point de faire planer le risque de son implosion. Conséquence inéluctable de tant d’incohérences, la France a suspendu, le 1er juillet 2020, sa participation à une opération de l’OTAN en Méditerranée après des tensions avec la Turquie. Une décision destinée à obtenir un soutien plus franc de l’alliance dans ses frictions avec la Turquie, qui se multiplient dangereusement depuis des mois.
La crise latente entre Alger et Paris.
Latente depuis l’élection du président Abdel Majid Tebboune à la présidence algérienne, la crise entre Alger et Paris a éclaté au grand jour à la suite de la diffusion, le 26 mai 2020 sur une chaîne de télévision française, d’un documentaire sur le Hirak, intitulé «Algérie mon amour». Œuvre du «Français d’origine contrôlée», Moustapha Kessous, ce documentaire a déclenché, dès sa diffusion, de vifs débats sur les réseaux sociaux.
« Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaînes de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et La Chaîne Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d’expression, sont en fait des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l’Armée nationale populaire (ANP) », affirme le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué.
« Cet activisme où l’inimitié le dispute à la rancœur, dévoile les intentions malveillantes et durables de certains milieux qui ne souhaitent pas l’avènement de relations apaisées entre l’Algérie et la France, après 58 ans d’indépendance, et ce dans le respect mutuel et l’équilibre des intérêts qui ne sauraient faire l’objet de concession ou de marchandage », poursuit le ministère dans le communiqué.
Pour aller plus loin sur ce thème
Sur le jeu trouble de la France en Algérie, cf ce lien: La France prépare-t-elle une insurrection en Algérie?
Pour calmer le courroux algérien, -avec selon toute vraisemblance la volonté sous-jacente de faire bénéficier le président Tebboune d’un effet d’image face au Hirak-, Paris a décidé de restituer à l’Algérie à l’occasion de la célébration du 58 me anniversaire de son indépendance des dépouilles de 24 chefs de la Résistance populaire «privés de leur droit naturel et humain d’être enterrés depuis plus de 170 ans», selon l’expression d’Abdelmadjid Tebboune.
Parmi ces combattants, figure notamment cheikh Bouziane, le chef de la révolte de Zaâtcha (est de l’Algérie) en 1849. Capturé par les Français, il avait été fusillé puis décapité. Sont également cités les noms de Bou Amar Ben Kedida et Si Mokhtar Ben Kouider Al Titraoui, tous considérés comme des martyrs des premiers temps de la résistance à la colonisation française. Ces restes mortuaires étaient conservés au Muséum national d’histoire naturelle. Réclamés depuis des années par Alger, ces restes mortuaires -des crânes, plusieurs dizaines au total- étaient conservés dans les collections du Muséum national d’histoire naturelle.
Dans une démarche parallèle, sans qu’il ait été possible de savoir s’il s’agit d’une pure coïncidence ou d’une préméditation, la justice algérienne décidait le lendemain, jeudi 2 juillet, de relâcher quatre militants, parmi lesquels Karim Tabbou, figure emblématique du mouvement populaire anti-régime du Hirak. Un geste qui pourrait annoncer d’autres libérations d’opposants à la veille de l’anniversaire de l’indépendance. Karim Tabbou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche ont bénéficié d’une remise en liberté provisoire, après plusieurs mois de répression menée par le pouvoir pour tenter d’empêcher un retour du mouvement de contestation, suspendu en mars en raison de la pandémie de Covid-19
On prête également à l’Algérie le projet de proposer une réforme du fonctionnement du secrétariat général de la Ligue arabe en vue de mettre un terme à la monopolisation de ce poste par l’Egypte, pays du siège de l’organisation pan arabe, afin que cette responsabilité soit assurée par rotation entre les divers états membres.
Dans le prolongement de cette démarche, l’Algérie a opéré un recentrage de sa politique vis à vis de la Libye dans la foulée du Congrès de Berlin tenu le 20 janvier 2020 sous l’égide des Nations Unies. Les trois pays occidentaux destructeurs de la Libye ont en effet concédé à l’Algérie, -«pôle de stabilisation de paix», selon l’expression du ministre français des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian-, le rôle de stabilisation de ce pays central, à la charnière du Machreq (Levant) et du Maghreb (Ponant), du Monde arabe et du Monde africain.
Le président algérien paraît réservé tant vis à vis de l’intervention de la Turquie en Libye qu’ à l’égard du soutien de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis au Maréchal Khalifa Haftar, craignant qu’une telle ingérence multiforme n’accentue la déstabilisation de la zone.
L’Algérie face à un double foyer intégriste.
L’Algérie fait face à un double foyer intégriste, à l’est en Libye et au sud dans la zone sahélo saharienne.
Près de huit ans après sa constitution, le G5 apparaît comme une force supplétive de la France et pâtit d’un handicap majeur, l’absence de l’Algérie, puissance militaire majeure de la zone, qui occupe de surcroît une position centrale de par son positionnement limitrophe du Mali, principal champ de la confrontation.
Faute d’une coopération avec Alger, l’efficacité du G5 paraît d’autant plus aléatoire que l‘Algérie a une solide expérience de lutte contre les terroristes acquise lors de la «décennie noire» (1990-2000) et que les premiers combattants djihadistes du Sahel proviennent d’Algérie.
Ramtane Lamamra, ancien ministre algérien des Affaires étrangères et ancien Commissaire au département paix et sécurité de l’Union africaine (UA), devait succéder à Ghassane Salamé en tant qu’émissaire de l’ONU pour la Libye. Le quotidien français Le Monde qualifiait même ce diplomate chevronné de «Rolls Royce» de la diplomatie algérienne, elle-même riche et crédible de décennies d’expériences.
La candidature de M. Lamamra s’est heurtée à l’obstruction de trois pays arabes (Égypte, Émirats Arabes Unis, Maroc), qui redoutent l’extension de l’influence de l’Algérie dans la zone, état pivot de la région chevauchant le Maghreb et le Sahel, frontalier de sept pays (Libye, Maroc, Mauritanie, Mali, Niger, Tunisie, Sahara occidental). Redoutant de prendre ombrage du retour de l’Algérie sur la scène diplomatique, Le Caire, Abou Dhabi et Rabat se sont livrés à un intense lobbying à l’ONU pour faire capoter la nomination algérienne. Alger a retiré la candidature de son ancien ministre des Affaires étrangères, réclamant toutefois que le prochain titulaire du poste soit choisi parmi les états africains.
Soucieux de refréner le bellicisme des pétromonarchies du Golfe, le nouveau président Tebboune a conditionné la tenue du prochain sommet arabe en Algérie, en juin 2020, à la réintégration de la Syrie, pays clé du conflit israélo-arabe, en vue de procéder à un rééquilibrage du centre de gravité politique du Monde arabe au profit des régimes républicains, dont ils avaient été dessaisis par les Monarchies à la faveur de l’arme du pétrole et de l’irruption des pétrodollars dans la financiarisation de la vie internationale.
Le chef des services de renseignements égyptiens, le général Abbas Kamel, a effectué à la mi Mars 2020, une visite à Damas en vue de relancer la coopération avec la Syrie à la suite du coup de poignard que lui a planté dans le dos l’administration américaine dans ses négociations avec l’Éthiopie à propos de la répartition des eaux du Nil. Cette visite a été suivie d’un représentant du Maréchal Khalifa Haftar, le contestataire du gouvernement pro islamiste de Tripoli Fayez Sarraj. Damas et Benghazi sont convenus d’établir des relations diplomatiques entre elles, matérialisées par l’ouverture d’un consulat syrien à Benghazi et d’un consulat libyen à Damas.
La Libye, tout comme la Syrie, sont les théâtres d’une guerre de substitution. En Syrie, contre l’Iran en vue de couper les voies de ravitaillement stratégique du Hezbollah libanais, afin de libérer Israël de toute menace sur son front nord en désarmant la milice chiite, consolidant au passage la position du clan saoudo-américain au Liban.
En Libye, la Turquie et le Qatar, principaux soutiens du gouvernement Fayez Sarraj, internationalement reconnu, cherchent à édifier à Tripoli un régime islamiste en substitution à la perte du bastion confrériste représenté par la présidence de Mohamad Morsi, le premier président néo islamiste de l’histoire égyptienne. Dix mille djihadistes transportés par la Turquie par la voie des airs du nord de la Syrie vers la Libye participent aux combats.
Face à une coalition disparate regroupant autour du Maréchal Haftar, -l’ancien vaincu de la bataille de Wadi Doum, de la guerre tchado libyenne, de la décennie 1980-, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte, ainsi que la France et la Russie, l’échec du duo turco qatari signera le glas de la présidence Erdogan en même temps que son projet de diplomatie néo ottomane d’état islamique.
L’historien devra, d’ici la fin de l’année, « formuler librement des recommandations » en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien »
Pour le lectorat arabophone, ci joint les liens du papiers
Cairo leaks la stratégie de l’Egypte dans 7 pays arabes.
- Syrie:
Mettre l’accent sur les ambitions de la Turquie et de l’Iran et les modifications démograhiques - Yémen:
Pas de critique des Houthistes ni des Emirats Arabes Unis - Turquie Qatar:
Islamisation de l’état du Qatar et le rôle de soutien de ces deux pays aux Frères Musulmans - Soudan, Libye, Algérie
Neutralité au Soudan, soutien à Haftar en Libye et soutien au plan de l’armée en Algérie
Pour aller plus loin sur l’Egypte
- https://www.madaniya.info/2019/02/08/legypte-un-geant-sans-tete/
- https://www.madaniya.info/2020/04/24/egypte-de-la-specificite-du-neo-liberalisme-dans-les-pays-peripheriques/