Thursday, November 21, 2024
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Arabie saoudite – Qatar La guerre des Frères ennemis du wahhabisme, une guerre de défausse.

La guerre picrocholine des pétromonarchies apparaît comme une guerre des incendiaires du Golfe en vue de se défausser sur autrui…

Par : René Naba - dans : Actualités Analyse Arabie saoudite Golfe arabo-persique International Moyen-Orient Qatar - le 11 juin 2017

La guerre picrocholine des pétromonarchies apparaît comme une guerre des incendiaires du Golfe en vue de se défausser sur autrui de la dévastation de la planète que l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux pays unique au Monde se réclamant du wahhabisme, ont infligé au reste du Monde, tant par la désagrégation programmée du Monde arabe que par le terrorisme anti occidental, du fait de leur rôle incubateur du djihadisme erratique planétaire.

La promotion des anciens corsaires de la piraterie maritime de la «Côte des Pirates», ces «nains pétro monarchiques», au rang de Maîtres du Monde arabe par le camp atlantiste, passera à la postérité comme le symptôme d’une grave aberration mentale, contre productive, en même temps qu’une souillure morale indélébile à inscrire au passif du Monde occidental.

Si le Monde arabe en a lourdement pâti durant la séquence dite du «Printemps arabe», le Monde Occidental en pâtira par ses excroissances dégénératives par ses effets à long terme.

Retour sur ce psychodrame dont les États Unis et Israël en seront les principaux bénéficiaires au détriment de la Palestine et de la sécurisation de l’espace national du Monde arabe, accentuant sa marginalisation en ce que le Monde arabe est captif des pétromonarchies et le Monde musulman, otage du wahhabisme.

Ce double handicap accentue la servitude de l’ensemble arabo musulman et le marginalise dans la gestion des affaires du Monde en ce que les monarchies arabes sous tutelle constante occidentale n’ont jamais mené une guerre de libération nationale mais disposent néanmoins d’une majorité de blocage au sein de la Ligue arabe.

Les six pétromonarchies, adossées chacune à une base militaire occidentale, -en sus de la Jordanie et du Maroc, les deux alliés souterrains d’Israël, ainsi que des Comores, un confetti de l’empire français et Djibouti, qui abrite sur son sol une base américaine et une base française-, disposent d’une majorité de blocage régentant de ce fait le Monde arabe. Ni les pétromonarchies du Golfe, ni la Jordanie, ni Djibouti ou les Comores n’ont mené une guerre de libération dont l’indépendance a été octroyée par leurs colonisateurs. Un déséquilibre structurel calamiteux pour la définition d’une stratégie du Monde arabe.

Les Émirats Arabes Unis dont le rôle virulent dans la curée anti Qatar parait moins en pointe dans les commentaires de la presse occidentale en ce qu’Abou Dhabi abrite une base aéronavale française et que cette principauté a depuis longtemps vendu son âme au diable confiant en toute discrétion la protection de ses champs pétrolifères à Israël, moyennant un jolie pactole qui enrichit considérablement la trésorerie des autorités d’occupation de la Palestine.

Le Qatar, un rebut de luxe, le principal bénéficiaire des avatars saoudiens.

L’Arabie saoudite et le Qatar ont en effet longtemps vécu en symbiose, se répartissant en bonne intelligence les rôles, au point que le petit wahhabite fera longtemps office de rebut de luxe pour recyclage haut de gamme des avatars de la diplomatie saoudienne, au delà de la diplomatie atlantiste.

Le Qatar a ainsi récupéré la totalité du service arabe de la BBC pour en faire le noyau historique d’Al Jazira à la faveur du conflit opposant les anciens partenaires du premier projet de chaîne trans frontière arabe BBC World News et la firme saoudienne Orbit. Une crise survenue à la suite d’une interview accordée par le module à un opposant saoudien.

Il en a été de même du prédicateur égyptien Youssef Al Qardawi, proche des Frères Musulmans, dont les outrances verbales incommodaient fortement l’Égypte, qu’elle refoulera vers le Qatar qui lui accordera la nationalité et le titre de Mufti du Qatar.

Il en sera de même de la confrérie des Frères Musulmans, prenant la relève des Saoudiens, les parrains de la confrérie pendant toute la seconde moitie du XX me siècle, excédés par les prétentions des islamistes dans la gestion de l’Islam européenne.

Il en sera aussi de la famille de Saddam Hussein (son épouse Sajida et ses deux filles) dont la présence en Irak apparaissait comme encombrante pour les États Unis.

Il en sera enfin de même de Robert Ménard, l’ancien directeur de «Reporters sans frontières» dont le zèle anti chinois à la veille des Jeux Olympiques de Pékin embarrassait le président français de l’époque Nicolas Sarkozy.

Le principe du balancement constant dans sa politique.

Désigné au choix, comme le pays d’Al Jazira ou du CENTCOM, le lieu d’exil des indésirables arabes, Qatar est à la fois tout cela et bien plus.

Siège du Quartier Général du «Central command» américain, le commandement du théâtre des opérations allant de l’Afghanistan au Maroc, et de la chaîne trans frontière arabe «Al-Jazira», Qatar fait cohabiter sur son sol, dans l’harmonie la plus discrète, la famille de l’ancien président irakien Saddam Hussein, le prédicateur islamique Youssef Al-Qaradawi, un des grands officiants de la chaîne, et une discrète mission commerciale israélienne.
4 me producteur mondial de gaz (après les États Unis, la Russie et l’Iran), membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le Qatar a refusé d’adhérer à la Fédération des Émirats arabes Unis. Il gère de ce fait pour son propre compte de fabuleuses richesses.

L’engouement de la classe politique française à son égard est comparable à celui qui prévalait à l’égard de l’Irak de Saddam Hussein du temps de sa splendeur et de l’avidité de ses interlocuteurs français, durant les décennies 1970-1980. Là s’arrête la comparaison. Entourée par l’Arabie saoudite au sud et le golfe arabo-persique au nord, cette minuscule principauté de 11 427 km² peut être menacée, jamais menaçante, toujours alléchante.
Le balancement est constant dans l’Émirat, au point que certains jugent cette dualité comme relevant de la duplicité, la caution de desseins inavoués: Il en est ainsi du duo CENTCOM/Al-Jazira.

Il en est de même avec la France: L’amitié avec Sarkozy a permis au président français d’éradiquer toute sensibilité pro arabe au sein de l’administration préfectorale et du dispositif audiovisuel français et la promotion concomitante de personnalités notoirement pro israéliennes (2).

Une promotion accompagnée parallèlement de la mise à l’écart de Bruno Guigue (administration préfectorale), de la mise à l’index de l’universitaire Vincent Geisser et de l’éviction de Richard Labévière (Média) ainsi que de Waheeb Abou Wassil, seul palestinien du dispositif médiatique extérieur.

Le Qatar, principal bénéficiaire de la pathologie de la famille régnante saoudienne.

La séquence dite du printemps arabe» a surpris la dynastie wahhabite en pleine pathologie gérontocratique. Quatre des principaux dignitaires wahhabites seront emporte par la maladie aux premières années de la guerre de Syrie: Les deux des princes héritiers, -Le prince Sultan Ben Abel Aziz, l’inamovible ministre de la défense pendant un quart de siècle et père du prince Bandar, le chef du djihadisme planétaire, et le Prince Nayef Ben Abdel Aziz, son successeur comme prince héritier- ont succombé à la maladie le premier de cancer, le second de dégénérescence nerveuse, lors des trois premières années de la guerre de Syrie, avant que le Roi octogénaire Abdallah ne succombe lui même de crise cardiaque en 2015, peu de temps après le décès du prince Saoud Al Faysal, ministre des Affaires étrangères pendant un demi siècle.

Le Qatar mettra ainsi à profit la défaillance physique du leadership saoudien pour prendre la conduite des opérations à la faveur de son alliance stratégique avec la confrérie des Frères Musulmans, dont il était devenu le parrain en substitution à leur divorce avec les Saoudiens, déviant le cours de la révolution au depart authentiquement populaire (Mohamad Bouazizi en Tunisie, Place Tahrir au Caire) dans une entreprise de déstabilisation des pays arabes à structure républicaine à la faveur de la contestation interne dont ces pays étaient le théâtre (Tunisie, Égypte, Libye, Syrie).

Se plaçant à la pointe du combat pour la défense des causes arabes, l’Émir du Qatar aura été auparavant le premier dirigeant arabe à se rendre au Liban dès l’annonce du cessez le feu libano israélien, en Août 2006, prenant à sa charge la reconstruction de localités du sud Liban détruites par les Israéliens. Et la principauté sera aussi le pays hôte du sommet arabe pour l’aide à la reconstruction de Gaz.

Ce rôle de franc-tireur a permis au Qatar, par son amitié affichée avec la France, sans passé colonial dans la zone, de faire la démonstration de son indépendance tant vis-à-vis du grand frère saoudien que du pesant tuteur américain, que de l’Égypte.

Un exercice de saltimbanque qui lui a permis de flirter, sans risque, avec l’Iran, contigu au champ gazier off shore du Qatar, et les autres bêtes noires de l’Occident -le mouvement islamique palestinien Hamas, le mouvement chiite libanais Hezbollah-, tous les contestataires à l’ordre hégémonique israélo américain sur l’espace arabe, mais dans les limites des règles du jeu imposé par son protecteur américain, sous peine de retour de bâton, comme en témoigne la tentative de déstabilisation d’Al Jazira lors de l’invasion américaine de l’Irak en 2003.

Un gâchis monumental

Deux ans après le déclenchement du «printemps arabe», Al Qaida et sa matrice formatrice, les Frères Musulmans, ont multiplié les communiqués de victoire sur tous les fronts arabes, au rythme des concessions arabes sur la Palestine…. sur fond d’un paysage dévasté d’un champ de ruines généré par la guerre mercenaire menée par des Arabes contre des Arabes pour le plus grand profit de leurs ennemis communs, Israël et les États Unis.

L’Irak, le Yémen, le Soudan, la Libye et la Syrie sont déchiquetés par des guerres sectaires. Le sud Soudan et le Kurdistan irakien promus, parallèlement, au rang de plate formes opérationnelles israéliennes sur les deux versants du Monde arabe, et la Palestine, à l’abandon, en état de décomposition avancée, indice patent d’une défragmentation mentale absolue sans pareille dans les annales des relations internationales, dont le Qatar en porte une lourde responsabilité. Pour le plus grand malheur des Arabes et des Musulmans.

Telle a été la contribution majeure du Qatar à la promotion du Monde arabe, avec une menton spéciale la généralisation de la consommation du captagon et la ruée des dignitaires du Golfe à l’assaut des pubères syriennes, la collusion entre Israël et les djihadistes du Qatar dans leurs attaques synchronisées contre la Syrie, enfin la cascade de fatwas pathologiques édictées à l’encontre des «dépendantes» à l’ombre du printemps arabe. Tout le reste n’est que bobards de salonnards.

Le rôle moteur du Qatar dans le conditionnement de l’opinion, l’encadrement et l’amplification du «printemps arabe», la confiscation de la révolution arabe et son déroutement des rives inflammables du Golfe pétro monarchique vers les républiques laïques de la Méditerranée (Libye, Syrie), en connivence avec les États Unis, jusque-là susurré, est désormais établi.

Le Qatar, connu du monde entier par une antiphrase ravageuse, «la chaîne qui possède un état», en référence à sa chaîne d’Al Jazira, alimentera ainsi de nombreuses thèses doctorales des facultés des sciences de la communication sur la «Révolution 2.0» ou d’autres balivernes du genre «Révolution cathodique», dans une opération de diversion médiatique visant à usurper, à tout le moins à en atténuer la portée, en tout cas à subvertir le sacrifice du tunisien Mohamad Bouazizi, l’étincelle de la révolution.

Un parfait représentant de cette société informelle qui peuple le Monde arabe par déclassement social, dont la marginalisation et la paupérisation ont constitué le moteur du bouleversement régional, avant d’être dérouté par l’islam pétrolier et atlantiste de son cours libératoire.

Le passage forcé de ce cheval de Troie anglophone de l’Amérique au sein de l’Organisation de la Francophonie, en vue de prendre pied dans la zone stratégique à la charnière du Maghreb et de l’Afrique noire, de même que les mésaventures d’une universitaire française venue enquêter pour les besoins de sa thèse sur les «bidounes» (apatrides), à l’arrière-plan du grenouillage et des gigotements de la classe politique française devant ce nouvel eldorado, ont révélé la face sombre de cet émirat, sa vanité en même temps que la cupidité et la vulnérabilité de ses interlocuteurs français.

En France, le Qatar a bénéficié du zèle propagateur de la quintette de la chorégie qatariote –l’«idiot utile du terrorisme islamique» François Burgat, ses deux disciples thésards de longue durée Nabil Ennasri et le djihadologue Romain Caillet (alias colonel Salafi), l’islamolgue Tariq Ramadan, l’universitaire Mathieu Guidère, ainsi que Mohammad Henniche, notable de la zone bariolée de la région Île de France, convoyeur attitré des meetings électoraux de la présidence Sarkozy.

Le péché d’orgueil du Qatar, une grenouille qui voulait se voir aussi grande qu’un bœuf

Si l’Arabie saoudite se vivait comme le gardien de La Mecque de l’Islam, le Qatar se voulait La Mecque de la Confrérie des Frères musulmans.

De rite wahhabite, le Qatar a érigé une mosquée, plus importante que la plus grande mosquée saoudienne, la baptisant du nom de «Mosquée Mohammad Abel Wahhab», le religieux partenaire de la famille Al Saoud dans la conquête du Royaume saoudien, intronisant le télé-prédicateur d’Al Jazira Youssef Al Qaradawi, Mufti de l’Otan, avec en double commande Tariq Ramadan, le petit fils du fondateur de la confrérie des Frères Musulmans, dans le rôle de successeur désigné du polygame octogénaire compulsif.

Dans la stratégie du Qatar, Tariq Ramadan avait en effet vocation à assurer la relève de l’octogénaire Qaradawi dans son rôle prescripteur sur le plan théologique, parallèlement au rôle dévolu sur le plan politique, à Azmi Béchara, cet officiant chrétien d’Al Jazira, ancien député palestinien du parlement israélien. Un duo islamo chrétien destiné à assurer la maîtrise du débat intellectuel pan arabe dans ses diverses déclinaisons pour le compte du Qatar via les contre feux de ses hommes-lige.

Mais le projet tourna court du fait de la déconfiture intellectuelle des islamophilistes français, de la déroute militaire française en Syrie et de la duplicité du discours du petit-fils du fondateur de la Confrérie des Frères Musulmans, une famille constamment adossée aux dollars pétro monarchiques des régimes les plus pro américains et les plus régressifs du Monde arabe, le père, Said, à l’Arabie saoudite, le fils, Tariq, au petit wahhabite.

La réplique saoudienne, implacable, a été à la hauteur de l’affront: le Mufti du Royaume saoudien, un descendant direct de Mohammad Abdel Wahhab, a disqualifié le Qatar de la famille wahhabite, réduisant la famille régnante du Qatar de même que ses ouailles à de simples musulmans sans attache religieuse à la moindre école de pensée religieuse, des apatrides de l’Islam en somme.

Le Qatar, un oxymore ou les prémisses d’une déconfiture

Point n’est pourtant besoin d’être grand clerc pour appréhender le Qatar, le nouveau crésus de l’économie planétaire, au fonctionnement sommaire, au décryptage basique. Une charade simple à dénouer.

Un fils qui évince son père est un parricide. Un prince qui épouse la fille du chef de l’opposition, en gage de sa loyauté, est un Machiavel en herbe. Ou un gougnafier.
Un gouverneur qui sévit en tandem avec son cousin, -le propre fils de l’ancien émir destitué par le propre père de l’actuel gouverneur-, en vue de mettre l’émirat en coupe réglé est un prédateur. Les Borgia de Florence délocalisés à Qatargaz, quand bien même octroie-t-il en guise de jeux de cirque, un joujou Pin Pon à ses sujets, des Porsche rutilantes à sa police.

L’attelage ainsi constitué est désigné dans le langage académique comme étant une relation tripolaire. Ou une triangulation. Michel Audiard, célèbre dialoguiste de cinéma du siècle dernier au langage châtié, qualifiait jadis ce genre de «combinazione» de «conjuration de cloportes» ourdie par des prédateurs machiavéliques. Autrement dit une association de malfaiteurs. Au vu d’une telle mystification, il aurait sans doute tonné haut et fort contre qu’«il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages», encore moins les vessies pour les lanternes, intimant de cesser au plus vite ce «foutage de gueule», si préjudiciable à ses auteurs.

La chute vertigineuse de l’audience d’Al Jazira en porte témoignage. De «43 millions de téléspectateurs quotidiens à 6 millions», selon Riadh Sidaoui, directeur du Centre Arabe de Recherches et d’Analyses Politiques et Sociales (CARAPS), basé à Genève, qui explique cette dégringolade par le traitement partial de la chaîne qatariote du «printemps arabe» au point de soutenir la guerre coloniale de l’OTAN en Libye.

Le roitelet d’un minuscule pays qui génère un milliard de dollars de recettes par jour dans un monde où l‘argent est roi est ipso facto le Roi du Monde dans une période où l’économie occidentale est en crise systémique.

Mais le souverain d’une principauté dont le quart de la superficie du pays est occupé par une importante base militaire américaine est au choix un prince captif ou un souverain sous tutelle. Un gouverneur d’opérette? Une marionnette?

Dans tous les cas de figure, un oxymore. Un tison incandescent américain planté sur le flanc de l’Arabie, alléché par l’idée de se substituer à la dynastie wahhabite au leadership spirituel et politique du Monde sunnite. Au même titre que la Turquie, principal bénéficiaire sur le plan régional sunnite de la destruction de l’Irak et de la Syrie.

Que le prédicateur-maison, Youssef al Qaradawi, la caution théologique des équipées atlantistes en terre arabe, implore les États-Unis de bombarder la Syrie, un pays qui a soutenu trois guerres contre Israël en partenariat avec l’Égypte, donne la mesure de l’aberration mentale du millionnaire égypto-qatariote et de sa soumission, de même que son mécène, à l‘ordre israélo-américain.

Milliardaire du loto de la vie, à l’obésité étroite dans sa cage dorée, ce bédouin oisif s’est choisi comme terrain de jeu la scène mondiale. Et pour hobby, non le Golf qui sied aux gentlemen, mais le jeu de massacre que ce fauconnier braconnier prise particulièrement. Un milliardaire arabe et croyant qui consacre 200 millions de dollars à Jérusalem et trois milliards de dollars au financement des djihadistes cannibales en Syrie est un mystificateur. Et pour les puristes de la religion, un mécréant.

Que, dans la foulée, le Hamas, ultime mouvement sunnite de lutte armée, choisisse à son chef charismatique, Khaled Mecha’al, comme résidence permanente, Doha, à vol d’oiseau de la base américaine du Centcom, la plus importante base américaine du tiers monde, donne la mesure de l’abdication morale et intellectuelle de l’Islam atlantiste.

Un acte d’indignité nationale à l’effet de disqualifier ce mouvement de libération nationale, au-delà de l’insulte morale que constitue ce choix pour la mémoire des pères fondateurs de ce mouvement tous tués par assassinats extra judiciaires israéliens avec la caution américaine.

Tels sont les axiomes de base de l’équation qatariote. Le reste relève de l’entreprise apologétique, d’une mendicité déguisée ou d‘une gesticulation médiatique en quête de notoriété.

Le soft power, notion abondamment développée par ses zélateurs ne saurait tenir lieu de cache misère à une indigence conceptuelle, ni justifier les turpitudes d’un pays qui passe pour être l’un des principaux exportateurs du djihadisme erratique, le principal promoteur financier du néo islamisme rigoriste dans les pays arabes et africains, particulièrement en Tunisie, ainsi qu’au Mali.

La relance de la guéguerre fratricide

En sourdine depuis quatre ans à propos de la conduite des opérations dans la séquence dite du «printemps arabe», la guerre a éclaté au grand jour entre les deux frères ennemis wahhabites l’Arabie saoudite et le Qatar, une semaine après la visite de Donald Trump en Arabie saoudite.

La hache de guerre a été une nouvelle fois déterrée en ce que l’Arabie saoudite s’est cru intronisé «Roi de l’Islam», paradoxalement, par l’artisan du «Muslim Ban», le président xénophobe américain Donald Trump, au détriment de la Turquie, la principale puissance militaire sunnite de surcroît membre de l’Otan et allié privilégie d’Israël dans la zone.

L’accalmie aura duré cinq ans. Le Qatar avait souscrit, le 19 Avril 2014, à Ryad un arrangement qui s’apparentait par ces termes et conditions à une capitulation en rase campagne, équivalant, en cas de sa complète mise en œuvre, au placement sous tutelle de cet émirat turbulent dont la mesure la plus fortement symbolique devait être le dégagement du prédicateur octogénaire Youssef Al Qaradawi de sa plate forme médiatique, ainsi qu’une sourdine à la guerre médiatique menée par le Qatar, via Al Jazira, contre le tombeur de Morsi, le Maréchal Abdel Fattah Sissi, candidat à l’élection présidentielle égyptienne et bénéficiaire du soutien des pétromonarchies.

Le détonateur de la déflagration, le télé-prédicateur Youssef Al Qaradawi a été réduit au silence.

L’arrangement de Ryad.

Scellé sur une base militaire, en présence des ministres des Affaires étrangères des six pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, à titre de témoins et de caution, l’accord concède un délai de deux mois au Qatar pour remplir ses engagements, notamment le reprofilage de sa diplomatie dans un sens conforme au consensus régnant au sein du syndicat pétro monarchique.

Près d’un an après la destitution déguisée de l’ancien «Deux es Machina de la révolution arabe», Hamad Ben Khalifa Al Thani, deux mois après le dégagement de son compère saoudien Bandar Ben Sultan, cette clause augure mal de l’indépendance stratégique future de la principauté en ce qu’elle constituerait un soft protectorat imposé au petit wahhabite, dans une conjoncture calamiteuse pour le camp islamo atlantiste, matérialisée par le double camouflet, le revers militaire de Yabroud en Syrie, la place forte des néo islamistes, et le camouflet diplomatique en Crimée.

Un double revers accentué de surcroît par la consolidation de la position de la Russie en Syrie, propulsant l’ancien Empire des tsars au rang d’interlocuteur fiable au niveau du Monde arabe, après avoir été longtemps diabolisé du fait de l’athéisme marxiste soviétique.

Aux termes de cet accord, le Qatar devait cesser son soutien à la confrérie des Frères Musulmans, ce qui implique de réduire de facto son partenariat stratégique avec la Turquie, son allié du printemps arabe en Libye et en Syrie, et de se focaliser sur la Syrie plutôt que sur les critiques à l’égard du régime post Morsi.
De Renoncer en outre à soutenir les Think Tank américains, accusés d’attiser les critiques envers les dynasties monarchiques du Golfe, notamment ceux qui ont choisi Doha comme base régionale- «The Brookings Institution» et «The Rand Corporation». La Rand est l’auteur du fameux rapport «From confrontation to Containement», préconisant de confier le pouvoir aux Frères Musulmans pour mieux contenir la vague néo islamiste dans le Monde arabe.

Le Qatar devra remplir ses conditions sans le moindre atermoiement. A défaut, la principauté est menacée d’un blocus de ses liaisons aériennes et terrestres avec l’ensemble de la péninsule arabique, et, selon des indiscrétions de la presse arabe, d’une grande opération de déstabilisation du clan Al Thani, qui sera matérialisée par le soutien des pétromonarchies voisines à la branche rivale de la dynastie et à l‘importante tribu «Bani Mari», le socle du pouvoir monarchique au Qatar.

Le Qatar, casse-tête des pétromonarchies, l’annexion du Qatar, une épée de Damoclès.

La décision du Conseil de coopération du Golfe de mettre au pas le Qatar a été prise d’un commun accord entre l’Arabie saoudite, le Bahreïn, et les Émirats Arabes Unis, et l’Égypte, fortement incommodés par ce qu’ils considèrent être les dérives du gnome de Doha et qui valurent au précédent Émir une destitution déguisée, sur injonction américaine.

Outre le manque de confiance dans les dirigeants qatariotes, la raison sous-jacente à l’intransigeance saoudienne réside dans le fait que la dynastie Al Thani du Qatar peut servir de dynastie de substitution aux wahhabites en cas de démembrement du royaume saoudien, comme la menace en est régulièrement brandie par les Américains.

Le Qatar est devenu le casse-tête des pétromonarchies, certains jours un véritable «bâton merdeux» que chacun cherche à refiler à son voisin pour résoudre les problèmes qu’il pose.

Dans ce qui parait comme une manœuvre d’intimidation à l’égard du récalcitrant, le chef de la police de l’Emirat, Dhafi Al Khalfane, a en effet proposé l’annexion pure et simple du Qatar à la Fédération des sept Émirats Arabes Unis (Abou Dhabi, Doubaï, Ajman, Sharjah, Oum el Gowein, Ras El Kheyma) et son placement sous l’autorité d’Abou Dhabi avec octroi de passeports émiratis aux anciens ressortissants du Qatar.

Dhafi Al Khalfane s’est défendu toute visée annexionniste. Il a justifié sa requête par le fait que le Qatar était placé sous l’autorité de l’Émir d’Abou Dhabi avant son détachement en zone autonome par le colonialisme britannique du temps où la zone se dénommait la Côte des pirates. «L’accessoire doit suivre le principal» a-t-il déclaré selon les propos rapportés mardi 1 er avril 2014 par le site en ligne «Ar rai al Yom».

Connu pour son franc-parler, le responsable émirati est la bête noire des Frères Musulmans depuis qu’il a ordonné l’incarcération de 75 membres de la confrérie sous l’accusation de tentative de coup d’état. Il a d’ailleurs estimé que le succès électoral du président néo islamiste turc Erdogan «est la pire catastrophe politique pour l’avenir de la Turquie en ce que le mandat d’Erdogan pour la Turquie sera comparable à celui du néo islamiste Morsi en Égypte».

Le Qatar ne veut, visiblement pas, s’en laisser compter. Les Frères Musulmans, unique organisation arabe transnationale avec ses ramifications tant au Machreq qu’au Maghreb, constitue un véritable bouclier défensif de l’Émirat face au géant saoudien. Après avoir mobilisé le ban et l’arrière ban de ses alliés pour destituer le pouvoir baasiste syrien, obtenant même l’expulsion de la Syrie de la Ligue arabe, dont elle était pourtant un membre fondateur, le voilà qu’il cherche à se faire pardonner de ses anciens ennemis.

Dans son épreuve de force avec l’Arabie saoudite, Tamim a cherché à s’adosser sur ses ennemis d’hier, notamment l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais. Il a ainsi dépêché à Bagdad un diplomate de haut rang pour y rencontrer un officier supérieur iranien, la veille de la visite à Riyad de Donald Trump, doublant cette démarche par un coup de fil du Prince Tamim au Président Rouhani, à la suite de sa réélection à la présidence iranienne.

A moins d’un spectaculaire retournement d’alliance, le Qatar se voit donc condamné à boire la coupe jusqu’à la lie, lui qui avait puissamment œuvré avec la Turquie à la propulsion des Frères Musulmans au pouvoir dans «les pays du printemps arabes» (Tunisie, Libye, Égypte) avec le ciblage de la Syrie et de la Palestine (Hamas), une triplette dont les premières mesures auront été d’ériger les interdits en tant que principe de gouvernement. Erreur fatale à leur rayonnement.

La criminalisation des Frères musulmans, une opération de blanchiment à bon compte des turpitudes saoudiennes.

Au-delà des rivalités de voisinage et des conflits de préséance, la diabolisation des Frères Musulmans, la matrice originelle d’Al Qaida et de ses organisations dérivées, apparaît ainsi comme une grande opération de blanchissement à bon compte des turpitudes saoudiennes et de dédouanement de la dynastie à son soutien à la nébuleuse du djihadisme erratique depuis son apparition dans la décennie 1980 lors de la guerre anti soviétique d’Afghanistan, auparavant dans son rôle de parrain des «Frères Musulmans», qu’il continue d’ailleurs d’utiliser dans sa guerre contre le Yémen.

Un parrainage qui a valu à l’Irak d’assumer, par substitution, la fonction de victime sacrificielle d’un jeu de billard à trois bandes, en 2003, en compensation au châtiment de l’Arabe saoudite pour sa responsabilité dans les attentats du 11 septembre 2001 contre les symboles de l’hyperpuissance américaine.

Cette décision à l’encontre d’une confrérie, qu’elle a longtemps couvée, qui fut de surcroît son instrument docile dans sa guerre contre les régimes républicains du versant méditerranéen du Monde arabe, témoigne du brutal retournement de situation à l’égard d’une organisation, jadis portée au pinacle désormais vouée aux gémonies.

A l’apogée de sa puissance au début du «printemps arabe», en 2011, l’unique formation transnationale arabe se retrouve à son périgée trois ans plus tard, en butte désormais en aux coups de butoir conjugués de son pays d’origine, l’Égypte, et de son pays incubateur, l’Arabie saoudite, les deux plus grands pays arabes, le premier par sa puissance militaire, le second par sa puissance économique.

La criminalisation des Frères Musulmans s’est doublée, dans la foulée, de l’inscription sur la liste des organisations terroristes, deux autres de ses excroissances, le Front As Nosra de Syrie et l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), et pour faire bonne mesure, deux organisations chiites, les rebelles zaïdites dits Houthis du Yémen, et, naturellement, le Hezbollah Libanais, le diable habillé en Prada iranien.

Un tel ravalement cosmétique devrait doter les alliés arabes du bloc atlantiste d’une image bonifiée et offrir, dans l’esprit de ses ordonnateurs, une meilleure exposition médiatique à l’opinion internationale dans l’hypothèse du grand marchandage qui se prépare entre les États Unis et la Russie

Cette crise, la plus violente depuis la création du Conseil de coopération du Golfe, il y a trente ans, parait devoir entraver le fonctionnement de l’ultime instance régionale de coopération arabe encore en activité.

En pointe dans le combat de la contre révolution arabe, ce syndicat des pétromonarchies du Golfe, sous haute protection militaire occidentale, parait devoir réduire sa voilure, non seulement en raison de la guerre entre les frères ennemis du wahhabisme, mais aussi du fait du souci du 6eme membre, le Sultanat d’Oman, de se maintenir à l’écart de ce conflit fratricide, cherchant auprès de l’Iran un contrepoids à la prééminence du duo saoudo qatariote au sein de cette organisation.
Un pont reliant Oman à l’Iran devrait être édifié via le détroit d’Ormuz concrétisant l’alliance scellée à l’occasion de la visite du président iranien Hassan Rouhani à Mascate, le 12 mars 2014.

Formé des six pétromonarchies du Golfe, (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Koweït, Qatar, Sultanat d’Oman), le Conseil de Coopération du Golfe a été mis sur pied dans la décennie 1970 au moment de l’accession à l’indépendance de l’ancienne côte des pirates, dans la foulée du retrait britannique à l’Est de Suez. Les six pétromonarchies abritent chacune une importante base occidentale, faisant de la zone la plus importante concentration militaire atlantiste, hors de l’Otan.

Que le Mufti de l’Otan (87 ans) soit parvenu, au soir de sa vie, à saborder les relations entre les meilleurs alliés de l’Otan, ses supplétifs dans la recolonisation du Monde arabe donne la mesure de la fragilité de cet édifice et de ses adhérents.

La guerre picrocholine des «Frères ennemis» du Wahhabisme apparaît dans ce contexte comme la lointaine réplique, sur le plan arabe, de l’hécatombe des faiseurs occidentaux des guerres de Libye et de Syrie.

Pour aller plus loin
Références

1- Rachida Dati et Robert Ménard: Parmi les autres bénéficiaires de l’hospitalité du Qatar figurent la sœur de Rachid Dati, ancien ministre français de la justice, affectée au service du patrimoine, une structure placée sous l’autorité de l’épouse de l’ancien Émir du Qatar, Cheikha Mozah, élue par la suite membre de l’Académie des beaux-arts de France. De même que l’ancien directeur controversé de Reporters sans frontières, Robert Ménard, pour la présidence d’une problématique fondation pour la défense de la liberté de la presse, qu’il désertera au bout d’un an, devant son peu de poids face à la structure parallèle mise sur pied par un authentique homme de terrain qui a donné au journalisme ses lettres de noblesse, le photographe Sami al-Hajj, de la chaîne al-Jazira, ancien pensionnaire du bagne de Guantanamo, fondateur du «Guantanamo Center», chargé de combattre les atteintes à la liberté de la presse.

2- La liste est longue qui va de Bernard Kouchner (Quai d’Orsay), flamboyant ministre des Affaires étrangères à ses débuts contraint à une honteuse normalisation avec le génocidaire du Rwanda, Paul Kagamé, dans la foulée des révélations sur ses connections affairistes avec les dictateurs africains, à Dominique Strauss Khan (FMI), qui se demandait à chacun de ses réveils ce qu’il pouvait bien faire pour Israël et non à la France dont il porte la nationalité avant de basculer dans une galipette ravageuse pour la réputation de la France au sein de la haute fonction publique internationale, à Arno Klarsfeld (Matignon), réserviste de l’armée israélienne, à Pierre Lellouche (Affaires européennes), à François Zimmeray, ancien vice-président de la commission d’études politiques du CRIF, Ambassadeur pour les Droits de l’homme, en passant par Christine Ockrent (pôle audiovisuel extérieur), Philippe Val (France inter), et à la toute dernière recrue Valérie Hoffenberg, directrice pour la France de l’American Jewish Committee, représentante spéciale de la France au processus de paix au Proche-Orient.

3 – Une guerre à outrance sur fond d’un contentieux historique territorial

La proposition d’annexion du Qatar aux Emirats Arabes Unis : http://www.raialyoum.com/?p=6971
Rached Ghannouchi et sa médiation sur le contentieux des Frères Musulmans : http://www.raialyoum.com/?p=74853
Les termes de l’accord de Ryad : http://www.raialyoum.com/?p=76863