Alain Juppé, «Le meilleur d’entre nous» !!! … Vraiment ?
Se plaçant au-dessus de la curée, Alain Juppé brigue la présidence de l’UMP en Novembre 2012 afin de ressouder l‘unité…
Se plaçant au-dessus de la curée, Alain Juppé brigue la présidence de l’UMP en Novembre 2012 afin de ressouder l‘unité d’un parti qui lui a été usurpé par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, dont l’échec présidentiel a gravement lézardé l’édifice. Retour sur le parcours de celui qui fut longtemps présenté au sein du parti néogaulliste comme «le meilleur d’entre nous».
Paris- Les sentiers de la gloire et de la renommée promis à ce surdoué déboucheront sur un épouvantable chemin de croix. A l’épreuve des faits, «le meilleur d’entre nous» se révèlera un piètre gestionnaire de la diplomatie française comme auparavant du patrimoine français. Par trois fois désavoué par le peuple, de surcroit lourdement sanctionné moralement par la justice de son pays pour «avoir trahi la confiance du peuple souverain»; accablante sentence dont l’écho se perpétue de nos jours dans les prétoires de la République comme la marque infamante d’une stigmatisation morale à perpétuité.
Le condottiere de la Syrie
Son engouement pour la Syrie aura été à la mesure de son dépit de la Libye. A la mesure de sa détestation de la gestion libyenne du tandem Nicolas Sarkozy-Bernard Henry Lévy. La Syrie, son obsession, dont il voulait en faire son tremplin, son rebond, son bâton de maréchal vers une nouvelle destinée présidentielle, s’est soustraite à lui, refusant d’être la proie de ses ambitions. Son Austerlitz, fée carabosse maléfique, un Waterloo. Ah la morne plaine en ligne d’horizon de la Berezina.
«Juppé… On se souvient de la façon dont il s’est conduit au moment de la Bosnie, puis du Rwanda, il sera forcément contre cette histoire libyenne. Il ne serait pas Juppé s’il n’était pas contre. Si je peux me permettre un conseil: tout faire depuis ici, à travers la cellule diplomatique, et ne rien dire à personne -garder le secret, même pour Juppé», chuchotera l’intrigant BHL à l’oreille complaisante de Nicolas Sarkozy, ravi de jouer un mauvais tour au meilleur des compagnons des chiraquiens et sarkozystes réunis (1).
Embarqué volontaire à bord du Titanic en sauveur du naufrageur du gaullisme, Nicolas Sarkozy, au lendemain de la calamiteuse prestation de la diplomatie française lors du printemps arabe de l’hiver 2011, Alain Juppé subira de plein fouet l’affront du duo, deux semaines après sa nomination. Au point que des journalistes se poseront publiquement la question de savoir si Alain Juppé «le vrai, le fort, le tatoué, celui qui rassemble les diplomates égarés ou indignés» n’a pas été «remanié par BHL» (2), floué par Sarkozy, par la réception à l’Elysée d’une délégation de rebelles libyens, en compagnie du roman-enquêteur, mais à l’insu du nouveau ministre des Affaires étrangères.
Ah le camouflet. Juppé écumant de rage à sa sortie d’une conférence ministérielle européenne à Bruxelles, la colère rentrée, la mâchoire crispée, le mépris incrusté sur un rictus figé, les jurons contenus face aux caméras du monde entier. Sublime spectacle de stoïcisme face à cet invraisemblable coup de Jarnac. La marque d’une ingratitude suprême.
Sur les malheurs du peuple libyen, Nicolas Sarkozy avait en effet décidé de sceller sa réconciliation avec le philosophe du botulisme, afin de purger un contentieux souterrain para matrimonial, à la faveur d’un indécent ballet diplomatique, couvrant de ridicule la France, en contournant, le gaulliste Alain Juppé, supposé restaurer le prestige terni de la diplomatique française. Mais cela, Juppé ne pouvait le savoir. Il en paiera le prix en termes de marginalisation dans l’affaire libyenne.
L’implication d’un des chefs de file de la stratégie médiatique israélo-américaine sur le théâtre européen aura été fatale à la révolution libyenne, qui dérivera vers l’islamisme par défiance anti occidentale, de même que l’instrumentalisation de citoyens français d’origine syrienne à la tête de l’opposition syrienne dénaturera le combat libératoire des Syriens, le déviant vers un bourbier inextricable.
Bel exploit que de mésestimer le nationalisme chatouilleux des Syriens, nourri d’une forte suspicion à l’égard de l’ancien pouvoir colonial, artisan du démembrement de leur pays.
Faute psychologique impardonnable, elle conduira le chef de la branche
syrienne de la confrérie des Frères Musulmans à réclamer la démission de la porte-parole française de l’opposition, Basma Kodmani, à la carrière exclusivement académique, structurellement ombiliquée aux administrations du camp atlantiste, l’IFRI d’abord, la Ford Foundation ensuite, Arab Reforme Initiative enfin, sans passé oppositionnel, sans tradition de lutte sur le terrain (3).
Au terme d’un an de prestation chaotique des supplétifs syriens de l’administration française, elle suscitera, en réaction, la mise sur pied, hors de l‘orbite française, dans le giron saoudien, d’une nouvelle entité de substitution à la structure poussive, en la personne de Nofal Dawalibi, fils de l’ancien premier ministre syrien Maarouf Dawalibi mais néanmoins homme d’affaires saoudien, provoquant la démission du chef nominal de l’opposition Bourhane Ghalioune, dans la foulée de la prise de fonction du socialiste François Hollande.
Faute psychologique impardonnable en ce que la nouvelle campagne française de Syrie, en tandem avec le Qatar, a voulu ignorer la moitié de la planète, la Chine et la Russie, disposant d’un double véto au Conseil de sécurité, l’Inde et l’Afrique du sud, les nouvelles autorités morales de du XXI me siècle, le Brésil, la puissance montante de la sphère latino-américaine, le BRICS, trois milliards de personnes, soit la moitié de l’humanité. Au point que se pose la question de l‘utilité des centres de recherches sur le monde arabe financés à grand frais par les contribuables français, qu’induit cette succession de bourdes, en Tunisie, en Egypte, en Libye, enfin en Syrie (4). Pour un surdoué, cela fait tâche.
Erreur fatale, tant pour le bilan diplomatique de la mandature présidentielle de Nicolas Sarkozy que pour l’ancien prodige gaulliste. Métronome de ses propres revers, Juppé mutera au fur et à mesure de l’évolution du conflit syrien, par proximité électorale française, vers une posture philo sioniste, concédant à Israël le droit de modifier unilatéralement ses frontières, au mépris des principes du Droit international.
Erreur fatale, le choix de ses compagnons d’aventure, le premier, son mentor, qui lui vaudra le déshonneur d’une condamnation judiciaire, par substitution, pour emplois fictifs, le second, le déshonneur du ridicule, par préméditation de l’usurpateur du parti dont il est le fondateur. On ne se méfie jamais assez de ses amis de trente ans.
Craignant de perdre son âme, excédé par les dérives du vecteur qu’il voulait rassembleur, l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), Juppé tentera au lendemain du premier tour des élections présidentielles de 2012, désastreux pour son camp, de reprendre la main. Mal lui en prit. Il fera l’objet d’un rappel à l’ordre de son cadet, lui enjoignant de demeurer dans les rangs, sans songer à récupérer son bien (5).
Ah quel calvaire. La coupe jusqu’à la lie. L’homme qui avait dégagé sans ménagement les juppettes (les femmes ministres) de son gouvernement, en 1995, se retrouvera chauffeur de salle d’un meeting électoral à Lyon, le 29 avril 2012, dissertant sur la comptabilité du gaullisme et du sarkozysme. Faux dur mutique, comme il l’avait été dans l’affaire Clearstream lors du bras de fer épique entre son ancien directeur de cabinet et son nouveau président, il se laissera supplanter au poteau par le turbo propulseur de la diplomatie française, Dominique de Villepin, son ancien disciple, son désormais alter ego, plus qu’égal.
Dans une retentissante tribune au Journal le Monde, ce personnage de légende de la scène internationale se distinguera par une vigoureuse profession de foi gaulliste, soldant avec panache son combat homérique avec le président sortant qu’il aura toisé avec succès tout au long de sa mandature, vainqueur par KO technique du «croc de boucher» Sarkozy (6).
L’homme qui a «trahi la confiance du peuple souverain»
Les avatars de Daewoo ou le bradage d’un joyau industriel pour un franc symbolique
«Le meilleur d’entre nous» est un piètre gestionnaire, c’est à tout le moins ainsi qu’il apparaîtra pour l’éternité. Pour l’homme du «Franc symbolique».
Au-delà de ses qualités, immenses, Alain Juppé passera à la postérité pour l’homme qui aura voulu brader, pour un franc symbolique, une entreprise stratégique «Thomson» et qui s’est délesté au profit d’intérêts privés de la plus importante compagnie maritime navale, la Compagnie générale maritime (CMA-CGM), d’un pays, la France, qui dispose d’un domaine maritime international parmi les plus importants du monde.
A moins que ce technocrate habile, fin connaisseur des arcanes administratifs, présumant toutefois de ses capacités, n’ait voulu tirer argument du formalisme bureaucratique de Bruxelles, les fameux «critères de convergence» de Maastricht, pour opérer la plus grande opération de délocalisation du financement occulte du RPR, le parti budgétivore chiraquien, dont il a été le responsable des finances à la Marie de Paris.
Sauf à considérer ces deux opérations comme une gratification du pouvoir chiraquien à des bailleurs de fonds électoraux, l’empressement de M. Juppé à lester son pays des joyaux de son économie n’a jamais trouvé explication convaincante.
Droit dans des bottes, comme il se plait à se décrire, une raideur que confère une certitude suffisante, Alain Juppé, alors Premier ministre, passant outre aux conseils de prudence de son entourage, affiche, en 1996, au sortir d’un semestre social houleux, son intention de vendre au groupe Daewoo l’entreprise publique Thomson Multimédia, officiellement «très endettée», contre 1 franc symbolique après sa recapitalisation par l’État, à hauteur de 11 milliards de francs.
Curieux procédé qui consiste à doter en capital public une entreprise vouée à être cédée à des intérêts privés, qui plus est un groupe hors de la sphère francophone.
M. Juppé se justifiera en invoquant le motif de la «maîtrise des comptes publics», en conformité avec les critères de Maastricht, notamment le pacte de stabilité et de croissance. Le plan, il est vrai, avait facilité la qualification de la France pour l’euro, à la suite du passage du déficit public de 5,5 % du PIB en 1995 à 3,0 % en 1997
Mais le fait que le procédé ait été repris, avec les mêmes arguments, pour la cession de la Compagnie Générale Maritime, que de surcroît les deux bénéficiaires aient été des entrepreneurs proches du pouvoir chiraquien, que les entreprises en voie de cession, enfin, aient été des entreprises stratégiques viables, ont suscité des interrogations sur les motivations profondes de M. Juppé et de son mentor Jacques Chirac.
Thomson CSF survivra, en effet, à son potentiel repreneur, sinistré par une faillite frauduleuse, devenant même un groupe industriel français stratégique, s’articulant sur trois pôles: défense, aéronautique et sécurité. Et l’ami de M. Juppé, le PDG de Daewoo, décoré d’ailleurs des mains du premier ministre français, condamné pour faillite frauduleuse.
Thomson Multimédias détenait, à cette époque, les brevets et licences de la totalité des supports numériques sur disque (CD, CD-Rom, LASER Disc, DVD, disques magnéto-optiques, disquettes) qui génèrent des royalties dans le monde entier avec l’émergence de la télévision numérique. De plus, Thomson restait dépositaire de la marque no 1 en Amérique du Nord: RCA.
Le groupe français était donc, en termes économiques, un groupe viable. En tout cas infiniment plus viable que le repreneur. La vente n’a pas été finalisée, en raison de la forte instabilité qui agitait alors le groupe Daewoo.
Groupe industriel sud-coréen, présent dans de nombreux domaines, dont la construction navale, les armes, l’électroménager et l’automobile, Daewoo a été finalement démantelé, en 1999, par le gouvernement sud-coréen à la suite d’une faillite frauduleuse.
L’ancien patron Kim Woo-Choong, décoré par Alain Juppé, a été, lui, condamné par la justice sud-coréenne, le 30 mai 2000, à dix ans de prison pour fraude et détournement de fonds en liaison avec cette faillite retentissante. Daewoo est, depuis 2002, contrôlée par le deuxième constructeur automobile mondial, General Motors. GM est actionnaire de GM-Daewoo à hauteur de 42 % et Suzuki à hauteur de 27 pour cent.
En France, en dépit de nombreux avantages financiers dont il bénéficiera, de l’ordre de 46 millions d’euro depuis 1986, le groupe quittera la Lorraine en licenciant tout son personnel, soit 1200 salariés de trois sites français. Beau retour sur investissement pour les finances publiques françaises
La Compagnie Générale Maritime, une ténébreuse affaire.
Quant à la Compagnie générale maritime, son histoire est moins linéaire: La CGM est à proprement parler une affaire de famille, tant par sa conception que par son exploitation qui mutera pour devenir une ténébreuse affaire dans le plein sens du terme. Première entreprise de navigation maritime en France, elle a été cédée à la firme libanaise Rodolphe Saadé et Frères pour 20 millions de FF après sa recapitalisation par l’état français pour un montant de 1,1 milliards de FF, soit un différentiel de 1,080 milliards de FF, record difficilement égalable dans les annales de la jonglerie de la finance internationale.
La transaction qui s’apparentait à un bradage en tout point comparable à un autre avatar financier français, -le projet de cession de Thomson Multimédia au conglomérat défaillant sud-coréen Daewoo «pour un franc symbolique»-, s’est d’ailleurs faite, en 1996, sous le même gouvernement de M. Alain Juppé, à une époque où M. Bernard Pons, président de l’association des amis du président Jacques Chirac, officiait au ministère des transports, l’autorité de tutelle en la matière.
Censée dynamiser le pavillon français, la restructuration de la CGM va se révéler être, par ses dérives financières successives, une opération proprement calamiteuse non seulement pour la compagnie mais aussi pour les nouveaux propriétaires et sans doute pour leurs parrains dans l’hypothèse d’éventuels dérapages.
Principal bénéficiaire de l’opération, Jacques Saadé n’était rien moins que le partenaire de Rafic Hariri dans le grandiose projet Saidoun visant notamment à l’aménagement d’un port pour porte-conteneurs à Saida, au sud Liban, la ville natale du premier ministre libanais de l’époque. Jacques et Johnny, les deux frères Saadé, nouveaux copropriétaires de la CGM, sont des êtres antithétiques, nullement prédisposés à la synthèse et défient à ce titre les lois de la dialectique. L’aîné, Jacques, vibrionnant, est impulsif, le cadet, Johnny, obsessionnel, est compulsif. En un mot, deux êtres fratricides.
Artisan de la propulsion transocéanique de sa compagnie maritime, Jacques se vivait comme l’Amiral de sa flotte, jugeant saugrenue la vocation tardive de son puîné au commandement, qu’il pensait confiner à la gestion des affaires de la société au Liban et en Syrie.
Johnny se voulait non le partenaire mineur de son frère, mais l’égal de son aîné en affaires, un intérêt ravivé par la nouvelle dimension internationale prise par l’entreprise familiale avec l’acquisition de CGM.
Succéder au grec Aristote Onassis en «Pacha de l’armement méditerranéen» est le rêve de bon nombre de navigateurs au long cours. Il était incompatible avec les ambitions contraires de deux êtres au souffle court. Il se brisera avec fracas dans les enceintes judiciaires de France et du Liban, sous le coup de butoir des deux antagonismes.
Par ses multiples rebondissements, cette banale querelle de famille portait en elle le risque d’un dérapage vers une affaire d’état. S’estimant abuser, le cadet poursuivra en effet de sa vindicte implacable son ancien mentor, non sans quelque succès, non sans mettre en émoi la quiétude de quelques hiérarques français, au point qu’il sera un jour demandé instamment au premier ministre libanais de l’époque de veiller à mettre bon ordre dans cette querelle de famille libanaise. Cela se serait, semble-t-il, passé en avril 1998 en marge de la 3me visite du président Jacques Chirac à Beyrouth à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle ambassade française dans la capitale libanaise.
Le différend sera réglé à la veille du retour au pouvoir de M. Hariri, en l’an 2000, mettant un terme à un différend qui menaçait d’empoisonner la présidence de son grand ami Jacques Chirac, dont les soubresauts rebondissements rocambolesques, une dizaine de procès tant à Paris qu’à Beyrouth-au grand soulagement des grands protagonistes de l’affaire qui redoutaient qu’elle n’embrase les palais de la République et ne mette en péril la chiraquie d’entreprise
Les experts mandatés par la justice redoutaient en effet que l’acquéreur, Jacques Saadé, ait mis à profit la recapitalisation de la société française sur les deniers publics pour renflouer sa propre entreprise -gratifier un éventuel bienfaiteur?-, mobilisant une trésorerie de l’ordre de 553 millions de FF. Survenant après l’évocation d’une éventuelle implication d’une piste Hariri dans les déboires de l’Office des HLM de Paris, les avatars judiciaires de la compagnie de navigation française posent le problème de la pertinence du choix du repreneur quant à sa fiabilité et sa capacité.
Par la suite, la compagnie se hissera au troisième rang mondial, avec 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires, une activité stratégique et 4000 emplois en France, dont une bonne partie dans la région marseillaise. Sauf que les mauvaises habitudes ont la vie longue. La gestion hasardeuse de Jacques fragilisera la compagnie, faisant l’objet, en 2010, pour la deuxième fois en une décennie, d’un renflouement visant à combler un gouffre financier de 6,7 milliards de dollars. Privilège rarement concédé à tout autre entrepreneur français.
L’armateur libanais avait joué un rôle actif dans le ravitaillement des milices chrétiennes libanaises du temps de la guerre civile Libanaise (1975-1990). De quels secrets sont-elles donc porteuses les soutes de la flotte française, pour que la CGM soit bradée et régulièrement renflouée? Nul ne s’est encore hasardé à se poser des questions sur ce plan. L’histoire, seule, le dira.
Sauf qu’aucun membre du trio Chirac Hariri Jupé n’aura été épargné par le mauvais sort: Alain Juppé a été condamné le 1er décembre 2004 à 14 mois de prison avec sursis et une peine complémentaire d’un an d’inéligibilité par la cour d’appel de Versailles, pour «prise illégale d’intérêt» et, ce faisant, avoir «trahi la confiance du peuple français souverain», le milliardaire libano saoudien sera assassiné, trois mois plus tard, le 14 février 2005, et Jacques Chirac le pensionnaire posthume de Hariri, condamné pour abus de biens sociaux en 2011, premier chef d’Etat français à faire l’objet d’une condamnation judicaire depuis le Maréchal Philippe Pétain en 1945.
«Le meilleur d’entre nous» n’est nullement un enfant de chœur. Sous l’égide de son mentor Jacques Chirac, Alain Juppé a personnifié mieux que quiconque «l’Etat RPR» tant décrié par ses adversaires pour ses extravagances. Ses performances de piètre gestionnaire, s’ajoutant aux accablantes motivations de sa condamnation -«avoir trahi la confiance du peuple souverain»- ont dissipé son halo de «martyr de la chiraquie» pour en faire un partenaire de plein exercice du chiraquisme d’entreprise. Un complice?
Sous les huées de la foule, par trois fois durant sa carrière, il aura quitté le pouvoir, par suite d‘un désaveu électoral. En 1997, par suite de sa gestion calamiteuse de la crise sociale en France. En 20O7, par les électeurs de Bordeaux, la ville qu’il s’est choisie comme point de chute. En2012, enfin du fait de la démagogie de l’usurpateur de sa fonction.
Dans la foulée de la défaite de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, invoquant le principe de non cumul de mandat, renoncera le 7 mai à reconquérir son siège de député, perdu au profit des socialistes, préférant se consacrer à la bataille municipale de 2014, avec le secret espoir que le courroux populaire anti-Sarkozy se sera dissipé en deux ans.
Suprême avanie, la projection au Festival de Cannes du film auto promotionnel de BHL sur ses exploits de Libye, «le serment de Toubrouk», en pleine campagne législative de sauvetage de l’UMP, aura été son «cauchemar de Darwin» (7).
Alors que sa lancinante obsession BHL, en quête d’une nouvelle autocélébration narcissique, rejoignait à point nommé ses amis socialistes au seuil du pouvoir, le condottiere de Syrie, emporté par la tentation de Venise, s’en allait peupler le vaste cimetière des illusions perdues.
En trente ans de carrière politique haut de gamme, ce lauréat du concours général en lettres classiques, pur produit de la voie royale de l’élitisme républicain (Normal sup, ENA et Sciences politiques) a fait perdre à ses compatriotes leur grec et leur latin, leur moral même, par sa gestion du conflit syrien, par la mansuétude qu’il a témoignée au fossoyeur du gaullisme Nicolas Sarkozy, par la succession enfin de scandales politico-financiers qu’il aura générés de l’affaire de l’appartement de son fils Laurent, au scandale Thomson, de l’affaire de la Compagnie Générale Maritime, au scandale de la gestion du budget de la Mairie de Paris et du RPR.
Alors? Juppé, le meilleur d’entre nous ? Vraiment le meilleur? Vraiment? Franchement pas.
Notes
1-Bernard Henry Lévy, in «La guerre sans l’aimer», Edition Grasset- Novembre 2011, récit de l’exposition médiatique du philosophe au printemps 2011 en Libye.
2 -«Libye: Juppé remanié par BHL» par Daniel Schneidermann, Fondateur d’@rrêt sur images Cf. RUE 89 en date du 13 mars 2011.
3- Basma Kodmani est la fille de Nazem Kodmani, ancien ambassadeur de Syrie en France, décédé en 2008 est l’artisan du rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Syrie après la rupture de Suez (1956. A son retour à Damas, le diplomate a été en charge du département Europe occidentale au ministère syrien des Affaires étrangères, particulièrement du suivi du dossier France, émargeant une large fraction de sa carrière sur le budget du pouvoir bassiste. Sa mère, Hyam Mardam Bey, est la nièce de Jamil Mardam Bey, le dirigeant syrien de l’époque du mandat français et cousine de Farouk Mardam Bey, l’éditeur franco syrien. Basma Kodmani a été, tour à tour, chercheuse à l’IFRI, puis directrice régionale de la Ford Foundation au Caire avant de diriger l‘ARI (Arab Reform Initiative). Cette structure, financée par des fonds mixtes notamment des Emirats arabes Unies, a été initiée par Harry Siegman, membre du Council of Foreign relations, activiste influent de la communauté juive progressiste de New York, via son lobby «ME-USA project», le projet américain pour le Moyen-Orient.
Auditrice assidue du Forum de Bilderberg, la plateforme décisionnelle des cosmocrates de la trilatérale (Etats-Unis, Japon, Europe), Basma Kodmani a été présentée lors de la dernière session du Forum qui s’est tenu du 6 au 12 juin à Chantilly (Virgine) a été inscrite sous la mention « International », alors qu’elle est de nationalité française, d’origine syrienne, seul participant à bénéficier de ce label, comme pour suggérer son cosmopolitisme, frappant de caducité sa présence au sein de l’opposition syrienne de France, dont elle ne revendique ni la nationalité française, ni la nationalité syrienne
4-Sur la problématique de l’opposition syrienne cf. à ce propos https://www.renenaba.com/la-controverse-a-propos-de-basma-kodmani/
5-Nicolas Sarkozy rappelle à l’ordre Alain Juppé mardi 24 avril2012, l’invitant à se concentrer sur le deuxième tour de la présidentielle plutôt que sur l’avenir de l’UMP. Vigoureux recadrage, Nicolas Sarkozy n’a pas du tout apprécié les propos d’Alain Juppé sur l’après-6 mai. Le ministre des Affaires étrangères avait déclaré qu’en cas de défaite, ils seraient «un certain nombre à tout faire pour que l’UMP garde sa cohésion». Interrogé sur les déclarations de son ministre dans l’émission Les Quatre Vérités sur France 2, Nicolas Sarkozy avait répliqué: «On est exactement dans ce qui n’intéresse nullement les Français. Il ferait mieux de se concentrer sur le deuxième tour».
6- La tribune de Dominique de Villepin au Journal Le Monde dans l’entre-deux tours des élections présidentielles françaises de 2012 «La droite m’effraie, la gauche m’inquiète». http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/27/la-droite-m-effraie-la-gauche-m-inquiete_1692193_3232.html
7- «Le cauchemar de Darwin» (Darwin’s Nightmare), film documentaire de Hubert Sauper (2004), traite des méfaits de la mondialisation sur le continent noir du fait du commerce triangulaire, et, par transposition au cas libyen, des méfaits des équipées atlantistes sur la rive méridionale de la Méditerranée avec l’instauration de la charia talibane en Libye.
Pour aller plus loin sur la filière libano africaine de l’affairisme chiraco-haririen, cf. -«Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres» René Naba – Editions L’Harmattan-Février 2011.
La revue «Al Bayane» annonçait, dans son n° 347 d’Octobre 2000, la transaction financière entre les frères Saadé. Revue économique libanaise mensuelle éditée à Beyrouth et diffusée exclusivement par abonnement aux décideurs économiques libanais (banquiers, affréteurs maritimes, assureurs) «Al Bayane» avançait le chiffre de 240 millions de dollars comme montant de la transaction. L’accord est intervenu à la suite d’une une intermédiation entreprise par Sami Nahas, avocat proche de M. Rafic Hariri, assisté du bâtonnier libanais Marcel Sioufi et de l’avocat Claude Azouri. Michel Moatti, un des avocats de Jacques Saadé, a participé directement à la rédaction du projet d’accord. Et Me Choucri Khoury, du barreau de Beyrouth, désigné comme tiers arbitre pour veiller à l’application de l’accord. Johnny a renoncé à tous ses droits et participations dans le groupement CGM-CMA pour 44 quarante-quatre millions de dollars. Le règlement se faisant par étape. Le premier versement de 200 millions de dollars a été perçu à la signature de l’accord. Le reliquat de 40 millions de dollars a été réglé par traite bénéficiant d’un aval bancaire en faveur de Johnny, qui pourra ainsi en cas de défaillance de Jacques récupérer son dû. Les deux frères renoncent à toute poursuite ou plainte judiciaire au Liban et à l’étranger.
Tout était redevenu merveilleux dans le meilleur des mondes. Sauf que Rafic Hariri sera assassiné le 14 février 2005, Jacques Chirac poursuivi et condamné pour abus de biens sociaux en 2011, premier chef d’Etat français à faire l’objet d’une condamnation judicaire depuis le Maréchal Philippe Pétain en 1945.
Comments
merci pour ces infos je ne connaissais pas l’autre visage de juppé!