Friday, December 27, 2024
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Des dangers d’une lecture occidentaliste des soulèvements dans le Monde arabe

Loin de moi toute polémique, mais gardons nous d’une lecture occidentaliste des soulèvements populaires dans le Monde arabe. Si la…

Par : René Naba - dans : Politique Syrie - le 3 octobre 2011

Loin de moi toute polémique, mais gardons nous d’une lecture occidentaliste des soulèvements populaires dans le Monde arabe.

Si la critique est nécessaire pour le bon fonctionnement de la démocratie, une pédagogie politique des peuples commande que la critique porte sur tous les aspects du problème, dont une lecture fractale pointera immanquablement les tortuosités du discours dominant occidental.

Primo: Au delà des vives critiques fondées sur les tares du pouvoir syrien, la déstabilisation de la Syrie vise à compenser le basculement de l’Egypte dans le camp de la contestation arabe et à rompre la continuité stratégique entre les diverses composantes de l’axe de la résistance à l’hégémonie israélo-américaine en coupant les voies de ravitaillement du Hezbollah au sud Liban.

L’effet secondaire est de détourner l’attention sur la phagocytose de la Palestine par Israël avec la complicité des états occidentaux. Israël et la Syrie ne partagent pas le même intérêt. L’Etat hébreu cherche à constituer une ceinture d’états vassaux sur son pourtour, la Syrie à se dégager du nœud coulant glissé autour de son cou pour la forcer à la reddition.

Deuxio: La Syrie et l’Irak constituaient les deux seuls états du Monde arabe animés d’une idéologie laïque. L’Irak a été démantelé par les Américains avec pour conséquence la constitution ‘une enclave autonome pro israélienne dans le Kurdistan irakien, le schéma qui a préludé au démembrement du Soudan avec la constitution d’une enclave pro israélienne au sud soudan, sur le parcours du Nil. Il sera par la suite plus aisé de dénoncer l’intolérance des pays arabes du fait de leur intégrisme présumé.

Tertio: La libre détermination des peuples est un droit sacré inaliénable. Cela doit s’appliquer en Syrie, comme en Palestine. Cautionner, en juillet à Paris, avec Bernard Henri Lévy, le fer de lance de la campagne médiatique pro israélienne en Europe, une conférence de l’opposition syrienne, discrédite les participants et jette un voile de suspicion sur leurs objectifs, au même titre que l’alliance du parti islamiste «Al-Tharir» au nord Liban avec le chef de file des milices chrétiennes libanaises Samir Geagea, le plus solide allié des Israéliens au Liban .

Quarto: La succession dynastique doit être prohibée. Mais ce principe doit s’appliquer sans exception à Bachar Al-Assad, certes, mais aussi à Saad Hariri, qui a succédé à son père Rafic Hariri, sans la moindre préparation, à la tête d’un pays situé à l’épicentre du Moyen orient. A Ali Bongo dont la France a truqué les élections pou favoriser a propulsion à la tête de l’état gabonais. A Amine Gemayel, élu à l’ombre des blindés israéliens en remplacement de son frère assassiné Bachir, lui même élu à l’ombre des blindés israéliens. A Nicolas Sarkozy qui a veillé à propulser son fils Jean à la tête de l’EPAD (Hauts de Seine). A Hosni Moubarak qui se préparait à passer la main à son fils Jamal, avec la bénédiction des occidentaux dont Sarkozy saluera le courage de son départ, sans le moindre mot pour la courageuse lutte du peuple palestinien.

Cinquo: Faire le procès de la perte du Golan au régime syrien est un argument d’une indigence pitoyable, un procès de mauvaise foi. La disproportion des forces est patente entre Israël, première puissance nucléaire du tiers monde, de surcroît inconditionnellement soutenue par les Etats-Unis, la première puissance militaire de l’époque contemporaine, face à un pays, la Syrie, qui fait l’objet de tentatives répétitives de déstabilisation particulièrement de la part de ses frères arabes (le coup d’état du colonel Salim Hatoum, en Syrie, financé par l’Arabie saoudite, est intervenu en 1966, en pleine phase de détournement des eaux du Jourdain par Israël et la révolte de Hamas en 1982 est intervenue en 1982, à cinq mois de l’invasion israélienne du Liban, une opération destinée à propulser les frères Gemayel à la magistrature suprême libanaise.

Sexto: Se placer sous l’égide la Turquie relève d’une tragique méconnaissance des réalités régionales lorsque l’on sait que la Turquie a été le principal allié stratégique d’Israël pendant un demi siècle, tétanisant le monde arabe par une alliance de revers avec l’état hébreu.

In fine, le dignitaire religieux syrien qui s’étonne des infiltrations d’armes devrait lire un plus assidument la presse libanaise pour recenser le démantèlement, en deux mois, de quatre réseaux de contrebande d’armes du Liban via la Syrie, par mer ou par terre, par des réseaux des milice chrétiennes, ou des partisans du parti Al Mostaqbal, le parti de Saad Hariri.

Gageons que si la Syrie souscrivait à un règlement de paix avec Israël, dans des conditions avilissantes pour elle, elle retrouverait grâce aux yeux des occidentaux, particulièrement de Nicolas Sarkozy en voie de carbonisation et de Barack Obama, en voie de pantinisation.

Comments


  • est ce que c’est le partir at tahrir ? creer par l’anglais de service bakri ? sinon je partage l’analyse pour une fois, pas tout mais une bonne partie

    il est chaud le pere René

  • Devons-nous, comme le font couramment les observateurs, surtout les journalistes, européens, recourir au schéma classique et, bon gré, mal gré gré réducteur, du « cow boy et de l’Indien » : un gentil, un méchant. C’est une vision binaire en on/off qui me semble peu adaptée à l’analyse politique.
    Entre le gentil et le méchant, il y a une large palette d’attitudes sur lesquelles il ne faut pas jeter le voile, sciemment ou non, ni appliquer la formule simplificatrice décrite quelques lignes plus haut.
    Ce que décrit René n’est pas faux. Il y a des manœuvres, des calculs, des comptes plus ou moins grands dont il faut tenir à l’oeil, des faux-semblants et une flopée de faux-culs, surtout du côté arabe. Mais lorsqu’on se fait avoir par un escroc, ne sommes-nous pas un peu coupables de lui avoir permis de nous avoir, d’entrer dans nos lieux pour en profiter et nous dévaliser, détourner nos biens ?
    Si autant de manœuvres autour du Monde arabe sont permises à Sarkozy, Cameron, Tony Blair, etc. j’en passe et des meilleures, c’est que parce que nous l’avons permis et le permettons encore. La corruption pécuniaire, la corruption des esprits sont notre réalité et nous nous efforçons toujours de ressembler à la caricature que dressent de nous les autres. Les plus illustres tenants de cette pratique de mise en valeur de la caricature sont les islamistes qui n’ont aucun lien avec nos réalités, ni leurs croyances anachroniques, ni leurs tenues de guerriers afghans ne sont nôtres, de l’Atlantique jusqu’à la mer rouge. Au-delà c’est encore le règne de la « jahilya ». Ils paraissent n’exister (ou n’avoir été créées) que pour nous déprimer davantage, nous couper de tous ceux qui pourraient nous comprendre avec un sens de la nuance qui fait parfois, souvent, défaut.
    Ces caricatures nous affaiblissent mais ce n’est pas le seul facteur, la négation de l’Humain à laquelle concourent tous les régimes arabes sans exceptions en est un autre, sans doute un des plus forts. Nous sommes, dans le Monde arabe, l’empire de l’indignité humaine. Et nous sommes parfois nos propres dictatateurs surtout quand nous adulons nos despotes et les applaudissons et louons leurs faux génies valorisées à coup de communication.
    Lutter pour la dignité arabe, c’est combattre aussi bien la caricature extérieure qu’intérieure. Et les jeunes qui se sont soulevés avenue Habib Bourguiba, place Tahrir, sahat el lo’olo’a, et ailleurs, ne sont pas des agents de l’ennemi extérieur mais entendent pratiquer non pas un « Or » (le bon cow boy OU le méchant indien – mais dans le « And » comme on le dit dans la langue informatique. ET le pourri intérieur ET le pourri extérieur.
    Veillons donc, à mon humble avis, à ne pas tomber dans le travers, sous prétexte de percevoir des manœuvres de l’ennemi sioniste et ses alliées derrière l’acte de révolte et de dignité de chaque citoyen arabe, de nier l’ampleur de ce sursaut historique.

  • C’est une très bonne analyse, merci René. Elle est tellement pertinente qu’elle n’a aucune chance d’être reprise dans les journaux de grande diffusion comme c’est le cas pour « l’Observatoire Syrien des Droits de l’homme » tenu par les frères musulmans et basé à Londre. Merci encore et bravo. Max

  • @Observateur

    Bonsoir Monsieur,

    Permettez moi de saluer d’abord votre courage qui consiste à avancer masquer sous couvert d’anonymat pour se livrer à un humour facile mais douteux.
    Je n’ai pas la prétention d’imposer mes vues. Mais j’ai voulu faire une démonstration par l’absurde d’un comportement qui consiste à focaliser l’essentiel de la critique sur un seul pays alors que l’ensemble des dirigeants arabes sont également condamnables, au même titre, au même degré.

    Je ne suis pas le genre de personnes à me laisser intimider par une ironie boiteuse, me laisser dicter ses réflexions, à se laisser brider, ou dompter. Parcourez mon blog, mes papiers sont datés, mes analyses n’ont pas été, pas encore été, démenties par les évènements.

    Toutes mes analyses, sur les dangers de l’instrumentalisation politique de l’Islam, les papiers sur Ben Laden qui datent de 1995….six ans avant le 11 septembre, en font foi. Pouvez-vous en faire autant?
    Cela étant dit, pour votre gouverne une lecture moyen orientale des soulèvements arabes consiste à procéder à une analyse concrète d’une situation concrète dans une démarche, exigeante envers ses amis et intransigeante à l’égard de ses ennemis.

    Mon souci majeur est d’alerter l’opinion des lecteurs sur les stratégies sous-jacentes des puissances occidentales visant à la captation de l’héritage du printemps arabes et de le dévier à leur profit.

    Gardons nous d’une nouvelle méprise comparable, par ses dégâts, à l’exaltation qui s’est emparée de larges factions de la population arabe et musulmane, la décennie 1980, lors de la guerre anti soviétique d’Afghanistan, avec les conséquences désastreuses sur le monde arabe et musulman.

    Je ne cautionne aucun régime arabe, pas plus le syrien Bachar Al-Assad que le saoudien Abdallah Ben Abdel Aziz. Mais tout de même, une semaine de répression en Arabie saoudite début octobre, avec près de 80 morts, sans soulever la moindre protestation, de même qu’au Yémen et au Bahreïn pose le problème de l’acuité visuelle occidentale.

    Que l’opinion en France se focalise exclusivement sur la Syrie me paraît bizarre.
    Est ce parce que Bachar al Assad, Alaouite, est Haram, et, que le Roi d’Arabie étant sunnite, tout lui est Halal? Il importait de purger les non dits du discours politique en Occident.

    Ma crainte est que ne survienne une troisième vague de colonisation du Monde arabe par les Occidentaux, avec le concours, cette fois, des supplétifs arabes: Sud soudan, Irak, Libye, blocus de Gaza, la liste est longue des coups de force occidentaux contre la souveraineté arabe et la sécurisation de son espace national.

    Souvenons nous précisément de Gaza, un blocus imposé de concert par l’Egypte et la France, avec le silence complice de toutes les monarchies arabes. Craignons donc la répétition d’un scénario identique.

    La Turquie n’est pas si désintéressée que cela en ce que son zèle est compensé par la reconnaissance par les pays occidentaux d’un rôle prépondérant au Moyen Orient, ainsi que par l’installation sur son sol du bouclier anti missiles dirigé principalement contre l’Iran, la Russie et la Syrie, avec, à l’arrière plan, le voeu secret de régler la question kurde par l’aménagement d’une zone autonome en territoire syrien dans la zone de Jisr al Chougghour

    Il me revient à ce propos le souvenir des militants enthousiastes s’engageant dans le Djihad, dans la décennie 1980, dans un combat pour la démocratie et la libération de l’Afghanistan du joug soviétique.
    Un combat mené, à six mille kms de la Palestine, le champ de la véritable bataille. Les Occidentaux les désignaient à l’époque de « combattants de liberté » et une fois leur mission achevée, les ont stigmatisés au choix d’ »arabes afghans » « intégristes », « terroristes ». Cinquante mille arabes, vingt milliards de dollars et pas un pétard mouillé pour la Palestine.

    Mes analyses avaient déjà soulevé l’incompréhension des zélés enthousiastes de l’époque. Mais je ne cherche pas personnellement à plaire ou complaire mais à inciter à la réflexion.

    La Syrie doit turbuler, personne ne le conteste. Mais soyez prudents avec les stratégies occidentales.
    L’Afghanistan a été sinistré, l’Irak aussi. Ce n’est tout de même pas surhumain intellectuellement de stigmatiser la duplicité occidentale, le double standard de son langage et de veiller à ne pas pactiser avec BHL, qui est tout de même un ennemi déclaré du monde arabe.

    J’ai trop vécu la guerre du Liban, en journaliste et en citoyen, vécu les campagnes psychologiques de mobilisation et de diabolisation pour ne pas inciter à la prudence.

    Israël et la Syrie ne sont à mettre sur le même plan. Israël tient à la gorge les Etats-Unis, la principale puissance militaire de l’époque contemporaine, phagocytose la quasi totalité de la Palestine, détruit Gaza et le sud Liban et force l’Amérique à opposer son veto à l’admission de la Palestine aux Nations Unies, en toute impunité, bafouant au passage les résolutions de l’ONU. La valorisation du rôle de la Turquie répond aussi au souci des occidentaux de compenser le refus de l’Union européenne de l’admettre en son sein.

    En contrepoint, La Syrie a soutenu le Hezbollah et le Hamas et c’est cela que l‘on cherche à lui en faire payer le prix. Le Hamas, c’est-à-dire la branche palestinienne des Frères Musulmans, artisan du récent accord avec les Israéliens sur la libération de Marwane Barghouti, le chef charismatique du Fatah, alors que la branche syrienne de la confrérie combat durement le régime syrien, en premier lieu par ce qu’il est alaouite, alors que la Syrie confère infiniment plus de libertés à ses citoyens que l’Arabie saoudite ;

    A quoi riment les assassinats ciblés, justement lundi 3 octobre, du fils de Mufti de Damas, dans une embuscade, de savants atomiques syriens, sinon à attiser les braises de la guerre civile, alors que les principales monarchies arabes (Arabie saoudite, Maroc Jordanie, de même que le cache cache Kasher du Qatar à l’Elysée) les principaux alliés souterrains d’Israël, demeurent à l’abri de la colère populaire.

    Le partenariat que cherche à promouvoir les Etats-Unis avec les Frères Musulmans ne résulte pas d’un amour immodéré pour les Musulmans, mais vise à assurer la pérennité de l’économie du marché dans les pays arabes, qu’ils jugent plus assurée par les régimes islamiques que par un système nationaliste contestataire avec son cortège de syndicats et de revendications. Une nouvelle méprise pourrait nous être fatale.

    De grâce épargnez moi donc les indignations vertueuses qui masquent souvent des protestations sélectives.

  • j’ai lu cet article de Rene Naba et je le trouve très rigoureux et pertinent cependant je partagerais dans une large mesure l’intervention de Fathi Bchiir car il est certainement vrai de parler de manipulation étrangère pour protéger les sionistes et assoir une nouvelle carte géopolitique au service de ces derniers mais il est tout aussi vrai sinon plus que le véritable vient de l’intérieur, il, suffit de se poser des questions du genre qui a dépolitisé, crétinisé, « décultuvé » les peuples arabes jusqu’à nous prendre pour du bétail, des moutons, de pauvres débiles et croire que le sieur Sarkozy (sauveur des arabes) est venu pour notre bien.

  • réponse à Fathi B’CHIR
    Tiens, encore un arabe qui s ‘auto flagelle.
    « … nous adulons nos despotes et les applaudissons et louons leurs faux génies valorisées à coup de communication…. »
    Même problème partout. Croyez vous que les Arabes sont les seuls à louer de faux génies et à applaudir des discours trompeurs ? Ici, on est tous endormis par la télé… Du pain, des jeux, et pschitt la démocratie ! Regardez les européens bientôt sous le coup du MSE qui, parallèlement à la « recapitalisation » gratuite (et reconductible à volonté) des banques, jouira de l’immunité totale et rendra caduc le vote des budgets nationaux; cela s’appelle sauver l’euro, selon radio Tsarko. Les mensonges pour envahir la Libye, à côté, c’était du pipi de chat.

    « … la « jahiliya ». Ils paraissent n’exister (ou n’avoir été créées) que pour nous déprimer davantage, nous couper de tous ceux qui pourraient nous comprendre … »
    Nos gouvernements nous enfument avec le terrorisme islamiste, si utile pour entretenir la demande de sécurité… L’occident n’avait-il pas donné un coup de pouce aux Frères Musulmans, puis au Hamas, et à al Qaïda ? Et récemment à l’AQMI en lui offrant les armes en Libye ?
    Alors « Créés pour nous déprimer » : vous tapez dans le mille à mon avis. On a à la fois culpabilisé tout l’Islam et fait péter de trouille tous les autres, avec cette création. En l’espèce, la « folie naturelle » des extrémistes permet de les présenter comme fauteurs de barbarie, et d’en liquider hors justice de temps à autre. Tant mieux s’il y a des victimes à côté, ça nous habitue. A la crainte perpétuelle.
    On se souvient que chez ses « partenaires pakistanais », dont il a tué deux fonctionnaires, l’agent CIA Davis à Lahore était en lien avec des terroristes, et quelques mois plus tard le Pakistan subit d ‘énormes pressions du maître Uncle Sam (drones assassins, menace de guerre). Cas typique d’instrumentalisation à plusieurs niveaux à la fois.
    Pas manipulateurs ? Depuis Gladio, je me méfierai, les services spécialisés s’étant développés, et ils s’affranchissent de toute loi.
    Ce qui ne veut pas dire que les citoyens ne sont pas « crétinisés », au contraire : les arabes peut-être, les occidentaux sûrement.

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