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Revue d’Etude Palestiniennes n° 14, février 1982

Oded Yinon | Israël Shahak | n° 14, février 1982 Cet article, envoyé à la Revue d’Etude Palestiniennes par Israël Shahak,…

Par : René Naba - dans : Flashbacks Israël Palestine - le 19 novembre 2011

Oded Yinon | Israël Shahak | n° 14, février 1982

Cet article, envoyé à la Revue d’Etude Palestiniennes par Israël Shahak, ancien président de la Ligue israélienne des Droits de l’Homme, est paru dans Kivunim (Orientations), n° 14, février 1982 (Revue publiée par le Département de l’Organisation Sioniste mondiale, Jérusalem).

En 1982, La Revue d’Etudes Palestiniennes avait publié un article d’Oded Yinon, intitulé: «Stratégie pour Israël dans les années 1980», qui lui avait été adressé, avec une courte préface, par le regretté professeur Israël Shahak, ancien président de la Ligue israélienne des Droits de l’Homme.

Dans sa préface, Israël Shahak avait attiré l’attention des lecteurs sur la proximité entre cette «stratégie pour Israël» et la pensée néoconservatrice américaine, la même qui présidera à la politique étrangère des Etats-Unis depuis l’accession de George W. Bush au pouvoir. L’éclatement de l’Irak, les tensions communautaires dans la plupart des pays arabes, l’annexion aussi de Jérusalem et d’une bonne partie de la Cisjordanie dotent l’article d’Oded Yinon, vingt-cinq ans après sa publication, d’une funeste actualité.

Stratégie pour Israël dans les années 1980

(…) Le mythe de l’Egypte, homme fort du monde arabe, ébranlé en 1956, n’a pas survécu à 1967 ; mais notre politique et la restitution du Sinaï ont fait d’un mythe un « fait ». Mais sur le plan réel, la puissance égyptienne, comparée à celle d’Israël seul, et à celle du monde arabe, a diminué de 50 % depuis 1967. L’Egypte n’est plus la première puissance politique du monde arabe, et elle est à la veille d’une crise économique. Sans aide extérieure, la crise va se produire incessamment. A court terme, grâce à la reprise du Sinaï, l’Egypte va marquer quelques points, mais seulement jusqu’en 1982 ; et cela ne modifiera pas à son avantage le rapport de forces mais pourrait même entraîner sa ruine.

L’Egypte, dans sa configuration intérieure actuelle est déjà moribonde, et plus encore si nous prenons en compte la rupture entre Chrétiens et musulmans qui va croissant. Démanteler l’Egypte, amener sa décomposition en unités géographiques séparées : tel est l’objectif politique d’Israël sur son front occidental, dans les années 1980. L’Egypte est effectivement déchirée. L’autorité n’y est pas une mais multiple. Si l’Egypte se désagrège, des pays tels que la Lybie , le Soudan et même des Etats plus éloignés ne pourront pas survivre sous leur forme actuelle et accompagneront l’Egypte dans sa chute et sa dissolution.On aura alors un état chrétien copte en Haute Egypte, et un certain nombre d’Etats faibles, au pouvoir très circonscrit, au lieu du gouvernement centralisé actuel ; c’est le développement historique logique et inévitable à long terme, retardé seulement par l’accord de paix de 1979.

Le front ouest qui, à première vue, semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front est, théâtre récent des évènements les plus retentissants. La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie , l’Irak et toute la péninsule arabe ; au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front est ; à court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs états suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat allouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord : les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân et en Jordanie du Nord. Cet Etat garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme: c’est un objectif qui est dès à présent à notre portée.

L’Irak, pays à la fois riche en pétrole, et en proie à de graves dissensions internes, est un terrain de choix pour l’action d’Israël. Le démantèlement de ce pays nous importe plus encore que celui de la Syrie. L ’Irak est plus fort que la Syrie ; à court terme, le pouvoir irakien est celui qui menace le plus la sécurité Israël. Une guerre entre l’Irak et la Syrie ou entre l’Irak et l’Iran désintègrera l’Etat irakien avant même qu’il ne puisse se préparer à une lutte contre nous. Tout conflit à l’intérieur du monde arabe nous est bénéfique à court terme et précipite le moment où l’Irak se divisera en fonction de ses communautés religieuses, comme la Syrie et le Liban. En Irak, une distribution en provinces, selon les ethnies et les religions, peut se faire de la même manière qu’en Syrie du temps de la domination ottomane. Trois Etats -ou davantage- se constitueront autour des trois villes principales : Bassorah, Bagdad et Mossoul ; et les régions chiites du sud se sépareront des sunnites et des kurdes du Nord. L’actuel conflit irano-irakien peut radicaliser cette polarisation.

(…) La Jordanie ne peut plus survivre longtemps dans la structure actuelle et, la tactique d’Israël soit militaire, soit diplomatique, doit viser à liquider le régime jordanien et à transférer le pouvoir à la majorité palestinienne. Ce changement de régime en Jordanie résoudra le problème des territoires cisjordaniens à forte population arabe ; par la guerre ou par les conditions de paix, il devra y avoir déportation des populations de ces territoires, et un strict contrôle économique et démographique – seuls garants d’une complète transformation de la Cisjordanie comme de la Transjordanie. A nous de tout faire pour accélérer ce processus et le faire aboutir dans un proche avenir. Il faut rejeter le plan d’autonomie et toute proposition de compromis, de partage des territoires ; étant donné les projets de l’OLP et des arabes israéliens eux-mêmes (voir le plan de Shefar’ham) il n’est plus possible de laisser se perpétuer ici la situation actuelle sans séparer les deux nations : les Arabes en Jordanie et les juifs en Cisjordanie. Il n’y aura de véritables coexistence pacifique dans ce pays que lorsque les arabes auront compris qu’ils ne connaîtront ni existence ni sécurité qu’une fois établie la domination juive du Jourdain jusqu’à la mer.Ils n’auront une nation propre et la sécurité qu’en Jordanie.

En ce qui concerne Israël, la distinction entre les régions acquises en 1967 et les territoires qui les prolongent, ou les zones acquises en 1948, n’a jamais eu aucun sens pour les arabes, et s’est maintenant effacée pour nous aussi. Il faut voir le problème dans son ensemble, sur la base de la situation depuis 1967. Quelle que soit la situation politique ou la situation militaire dans l’avenir, il faut qu’il soit clair que le problème des Arabes autochtones ne recevra de solution que lorsqu’ils reconnaîtront que la présence d’Israël dans les zones de sécurité jusqu’au Jourdain indirectement et au-delà constitue pour nous une nécessité vitale, dans l’ère nucléaire que nous allons vivre maintenant. Nous ne pouvons plus vivre avec trois-quart de la population juive concentrée dans une zone côtière, particulièrement vulnérable à l’âge nucléaire.

Il faut désormais disperser les populations, c’est un impératif stratégique. Faute de cela, nous ne pouvons survivre, quelles que soient les frontières. La Judée, la Samarie, la Galilée sont nos seules garanties d’existence nationale et si nous ne nous implantons pas de façon à être majoritaires dans les zones montagneuses, nous ne gouverneront pas le pays ; nous y vivrons comme les croisés, qui perdirent ce pays – un pays d’ailleurs qui n’était pas le leur, dans lequel ils étaient des étrangers. Notre but premier, le plus essentiel aujourd’hui est de rééquilibrer le pays sous le triple aspect démographique, stratégique et économique. Il faut coloniser tout le versant de la montagne qui s’étend depuis Birsheba jusqu’en Haute Galilée ; c’est un objectif essentiel de notre stratégie nationale : coloniser la montagne qui jusqu’à présent est vide de juifs.

Odeh Yinon est journaliste et ancien fonctionnaire du ministère israélien des Affaires Etrangères. Cet article, envoyé à la Revue d’Etude Palestiniennes par Israël Shahak, est paru dans Kivunim (Orientations), n° 14, février 1982 (Revue publiée par le Département de l’Organisation Sioniste mondiale, Jérusalem).

Comments


  • Merci monsieur René Naba pour cette piqure de rappel.

    Article prophétique . Tout y est. En le lisant, j’ai cru lire un papier récent décrivant la situation actuelle. Arriver à ce degré de précision dans les oracles dénote de deux choses. les Arabes sont facilement mis en équation et malgré leur comportement individuel erratique, à l’échelle macro,ils obéissent aux lois d’airain de l’histoire: Le plus faible disparaît.
    La deuxième réflexion que m’inspire ce papier , c’est que les Israéliens sont de véritables devins et ce n’est pas un mythe! A moins que le plus probable est que tout a été « mathématiquement » programmé pour qu’il en soit, comme le prédisait à l’époque Franklin Delanoe Roosevelt à propos du hasard.
    La troisième réflexion que m’inspire ce papier, est que les Arabes sont mal barrés. Point de Mehdi ou de Messie à attendre au XXIe siècle à l’ère des drones, seule une remise en cause fondamentale des paradigmes actuels permettra de tourner le dos au « Roukoud ». Pour cela, les révoltes auraient pu,amener, si elles n’étaient pas manipulées de l’extérieur ,un brin d’espoir, par l’alternance, le parler vrai, les nouvelles légitimités du savoir celles qui amèneront graduellement à des sociétés fascinées par l’avenir bien dans leur peau et tenant à leurs identités, dont il ne restera plus rien à cause du mimétisme ravageur d’un Occident qui série, dicte la norme et impose sa doxa…

    Professeur Chems Eddine Chitour

  • Cet extrait est intéressant selon deux points:
    Il souligne la détermination israélienne de revenir à la promesse de territoire de 1922 – San Remo
    Il démontre que le sionisme n est en rien un mouvement délié du judaïsme.
    Merci pour cette info.

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