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Israël: De la propagande 2/3

Hasbara, Kiss, GIYUS. ORG, Spot and Shoot, le vade-mecum des outils de la stratégie israélienne de communication La place prépondérante…

Par : René Naba - dans : Analyse Israël - le 15 janvier 2011

Hasbara, Kiss, GIYUS. ORG, Spot and Shoot, le vade-mecum des outils de la stratégie israélienne de communication

La place prépondérante qu’occupe Israël en termes d’ «unités de bruit médiatique» s’explique aussi par sa maîtrise des outils de la stratégie de communication moderne grâce à des techniques qui ont pour nom Hasbara, Kiss, GIYUS. ORG, abscons pour le grand public.

Hasbara (1): Le terme hébreu «Hasbara» se traduit officiellement par «explication publique» mais signifie couramment «propagande», du latin propaganda, ce qui doit se propager.

Cela inclut non seulement le travail des relations publiques gouvernementales mais des questions plus secrètes que traite le pouvoir israélien avec une cohorte d’organisations privées et d’initiatives qui font la promotion de l’image d’Israël dans la presse, à la télévision et en ligne. Conséquence de la dégradation de l’image d’Israël, en général, et de l’armée israélienne, en particulier, consécutive au bellicisme de ses équipes gouvernementales, Israël déploie une équipe de cybernautes pour diffuser une désinformation positive.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a ainsi mis sur pied une équipe clandestine spéciale de travailleurs rémunérés dont le travail consiste à surfer sur l’Internet 24 heures sur 24 pour propager des informations positives sur Israël. Le recrutement s’opère parmi les soldats fraîchement diplômés et démobilisés, dotés de compétences linguistiques, en vue de ont jouer le rôle de surfeurs ordinaires, tout en propageant la ligne gouvernementale sur le conflit du Moyen-Orient. Les surfeurs de l’opération HASBARA ne s’identifient pas comme Israéliens, mais comme des surfeurs dont les propos ont une touche personnelle, mais qui reposent en fait sur un argumentaire mis au point par le ministère. Une équipe de cybernautes, en somme, pour diffuser de la désinformation positive en vue de tenter d’étouffer le débat, comme ce fut le cas lors de l’assaut naval israélien contre la flottille humanitaire de Gaza, en avril 2010.

L’existence d’une «équipe Internet de combat» est apparue au grand jour depuis qu’elle a été inscrite dans le budget du ministère des Affaires étrangères en 2009. Près de 105 000 € ont été réservés à une première phase de développement, et un financement supérieur est prévu pour la suite, en raison de l’importance prise par l’Internet dans la guerre psychologique contemporaine, au point de devenir un théâtre d’opérations dans le conflit israélo-palestinien.
Le soutien à Israël qui s’exprime, d’une manière passionnée, dans les sections interactives des sites Internet, forums, chats, blogs, Twitters et Face book, n’est pas aussi spontané qu’il n’apparaît à première vue. Une synchronisation est effectuée avec un groupe de défense privé, particulièrement actif GIYUS. ORG (Give Israel Your United Support). Ce groupe disposerait de près de 50 000 activistes, équipés d’un programme téléchargé «MEGAPHON», chargé d’alerter leurs ordinateurs chaque fois qu’un article critiquant Israël est publié. Ils sont alors censés bombarder le site de commentaires de soutien à Israël.

Spot and Shoot (2): En complément à la bataille de l’Internet, Israël a développé la guerre optronique (optique électronique) sous un programme intitulé Spot and Shoot (Repère et Tire), qui équivaut à un meurtre à distance par télécommande. Des opérateurs sont assis devant un écran de télévision à partir duquel ils peuvent contrôler l’action avec une manette de style PlayStation. Le but: tuer. Manié par des jeunes israéliennes qui font leur service militaire, Repère et tire, comme l’appelle l’armée israélienne, peut ressembler à un jeu vidéo, mais les silhouettes sur l’écran sont de vraies personnes, les Palestiniens de Gaza, qui peuvent être tués par la pression d’un bouton sur la manette. Des femmes soldats, situées loin de là dans une salle d’opération, ont la responsabilité de cibler et d’actionner les tirs des mitrailleuses télécommandées installées sur des tours de guet tous les quelques mètres le long de la grille électronique qui encercle Gaza.
Le système est l’un des derniers dispositifs de «meurtre à distance» développé par la Compagnie israélienne d’armement Rafael, l’ancienne division de la recherche en armement de l’armée israélienne, désormais une firme gouvernementale distincte. Le contrôle à distance du matériel militaire comme ‘Spot and Shoot’ est le visage de l’avenir. Il espère que d’ici une décennie, au moins un tiers des machines utilisées par l’armée israélienne pour le contrôle terrestre, aérien et maritime seront télécommandées.

B- KISS: Pour « Keep It Simple and Specific » ou « Keep It Stupid and Simple ». La méthode repose sur le principe selon lequel une question simple et précise vaut souvent mieux que d’aller droit au but en attendant que l’utilisateur fasse lui-même un raisonnement plus complexe. Offrez à votre interlocuteur la possibilité de donner son opinion. Faites-lui sentir qu’il est spécial à vos yeux. Tenir compte des remarques de l’interlocuteur et signaler le lui, cela encouragera sa réceptivité à vos arguments.

L’argumentaire ou la proposition du “The Israël Project’s 2009, Global Language Dictionary»

Le principe de base repose sur l’axiome selon lequel le langage d’Israël et le langage des Etats-Unis sont synonymes, s’articulant sur des mots basiques: «démocratie», «liberté», «sécurité».

Un rapport intitule “The Israël Project’s 2009 Global Language Dictionary», rédigé par Franz Lunzt, un américain sioniste, opérant pour le compte du groupe de pression, «The Israël Project (TIP)», basé à Washington, vise à faire la promotion de la version israélienne des évènements, en proposant d’expressions et vocabulaire « prêts à l’emploi » afin de donner une image positive d’Israël.

Ce rapport de 117 pages, établi en avril 2009 et mis à jour par Newsweek le 10 juillet 2010, part du constat que les médias sont la source principale de l’information sur le Moyen Orient pour la grande majorité des Américains. Il invite en conséquence les dirigeants pro israéliens à s’assurer que des histoires solides et « programmables à la TV » soient choisies et montrées dans les médias sur une base régulière.

Fondé sur des sondages auprès des Américains, le rapport est une leçon aux autorités américaines sur la manière de présenter le «plat Israël» à la planète. Le rapport se conclut par cette affirmation péremptoire: « ce n’est pas ce que vous dites qui compte. C’est ce que les gens entendent ».

De l’usage du vocabulaire et du ton: L’auteur donne plusieurs exemples des «mots pour le dire» dans des encadrés citant des exemples de ce qu’il ne faut pas dire, et ce qu’il faut dire. Il cite en exemple l’usage de l’Empathie:

«Même les questions les plus difficiles peuvent être contournées si vous êtres prêts à accepter la notion que l’autre côté a, au moins, une certaine crédibilité. Si vous commencez votre réponse avec « je comprends et je sympathise avec ceux qui » vous construisez déjà la crédibilité dont vous aurez besoin pour que votre audience sympathise et soit d’accord avec vous.

Un ton condescendant, paternaliste, fera fuir les Américains et Européens. «Nous sommes à un moment de l’histoire où les Juifs en général (et les Israéliens en particulier) ne sont plus perçus comme des personnes persécutées. Les audiences américaines et européennes -audiences non juives sophistiquées, éduquées, ayant leurs points de vue- les Israéliens sont souvent vus comme les occupants et les agresseurs» souligne-t-il.

L’auteur recommande de Différencier clairement Palestiniens et gens du Hamas. Par humilité, Ne pas prétendre qu’Israël est dans l’erreur ou sans-faute, mettre constamment l’accent sur les buts militariste du Jihad et du support iranien du terrorisme afin de créer de l’empathie pour Israël., rappelant régulièrement qu’Israël veut la paix, évoquant au passage des expressions telles « compromis », « diplomatie économique », « exemples d’efforts de paix » « prospérité économique » (pour les Palestiniens).

Dernière et non la moindre des recommandations: Parler du futur, jamais du passé, en laissant entrevoir un espoir. Eviter une attaque directe de votre opposant. Utiliser un ton doux. Montrer vos regrets que les Palestiniens aient été si pauvrement gouvernés. Et surtout «Ne pas parler de la religion, mais, en revanche, Faire un parallèle entre les États-Unis et Israël incluant la défense contre le terrorisme».

Le lobby pro israélien aux Etats-Unis

Le CAIAP (3) – Le CAIAP «Le Comité Américano-israélien des Affaires Publiques », est le deuxième lobby le plus puissant du pays après la National Rifle Association(le lobby des porteurs d’armes) dans la liste du National Journal. Son objectif est simple: un Israël puissant, libre d’occuper les territoires qu’il veut, des Palestiniens affaiblis et un soutien américain aveugle à Israël. Il dispose pour ce faire d’un formidable réseau de partisans dans tout le pays. Ses 100 000 membres, une augmentation de 60% par rapport à 2001, sont dirigés par neuf bureaux régionaux, leurs dix bureaux satellites, et l’équipe de Washington, un groupe d’une centaine de personnes hautement professionnel qui comprend des lobbyistes, des chercheurs, des analystes, des organisateurs et des publicitaires soutenus par un énorme budget de 47 millions de dollars par an.

L’équipe du CAIAP est célèbre au Congrès pour sa dextérité à recueillir les dernières informations sur les affaires du Moyen-Orient pour les convertir en communiqués politiques digestibles et soigneusement orientés (selon leurs idées) à l’usage des assistants parlementaires.
Le CAIAP concentre tous ses efforts sur le Congrès, la pression sur la branche exécutive est opérée par (le lobby) la «Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations» (la conférence des présidents des organisations majeures juives américaines). Ce groupe, moins connu que le CAIAP, dispose toutefois d’autant de pouvoir. Constitué des chefs de plus de 50 organisations juives américaines, la «Conference of Presidents» est censée représenter la voie collective de la communauté juive américaine, laquelle tend à être plutôt pacifiste au sujet des problèmes au Moyen Orient.
Hillary Clinton continue de vouloir faire oublier sa déclaration de 1998 pour un Etat palestinien et le baiser donné à Suha Arafat en 1999. Elle a depuis cherché à compenser en votant selon les idées du CAIAP sur presque toutes les questions.

Pour les élections en cours, elle a reçu 80 000 dollars de la part des pro israéliens, plus que n’importe quel autre candidat au Congrès. Du fait des dons, le lobby pro israélien peut compter sur la moitié de la Chambre des députés, de 250 à 300 membres, pour faire tout ce que le CAIAP veut, sans poser de questions.
Dans les faits, cette organisation est dirigée par son vice-président, Malcolm Hoenlein, longtemps proche du mouvement des colons. Pendant plusieurs années durant les années 1990, il a servi de président associé pour les dîners annuels new yorkais servant à récolter des fonds pour Bet El, une colonie militante près de Ramallah. En 20 ans de présence à la Conference, Hoenlein s’est assuré qu’Israël puisse poursuivre n’importe quelle politique choisie, y compris son expansion en Cisjordanie, sans aucune interférence des Etats-Unis. Durant les années Clinton, la «Conference of Presidents» était très enthousiaste durant la campagne pour le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.
En octobre 1995, le «Jerusalem Embassy Act» a été largement accepté dans les deux chambres du Congrès. La loi prévoyait le transfert de l’ambassade à Jérusalem en 1999 à moins que le président n’invoque un désistement au nom de la sécurité nationale. Ne voulant pas s’opposer au CAIAP, le président Clinton laissa passer le projet de loi sans le signer. Comme prévu, des protestations véhémentes se firent entendre dans toutes les capitales arabes et Clinton accomplit son devoir et invoqua le désistement, et il n’y eut pas de transfert. Mais tous les 6 mois son administration doit soumettre au Congrès un rapport expliquant comment il appliquait la loi.

Autre exemple sous l’administration de George Bush jr, à l’occasion de la présentation, en avril 2003, de la «road map» (plan de route) pour le Moyen Orient. Le plan désignait une série de voies parallèles que les Israéliens et les Palestiniens devaient emprunter simultanément et qui devaient mener à la création d’un Etat palestinien indépendant au cours de l’année 2005. Le plan reflétait la conviction de l’administration selon laquelle, comme elle se préparait à envahir l’Irak, elle devait montrer au monde arabe qu’elle travaillait activement pour résoudre l’impasse israélo-palestinienne.
Mais l’exigence qu’Israël travaille à un accord conjointement avec les Palestiniens semblait être pour le CAIAP et Sharon une pression politique regrettable et le lobby travailla avec ses amis au Congrès pour écrire une lettre qui en disait autant. Le plan de route finit par échouer. Cela a été causé par plusieurs facteurs, notamment la violence continue dans la région, mais la pression exercée par le CAIAP y a certainement contribué. Il en est de même pour le dossier nucléaire iranien.
Un élément clé du réseau est le «Washington Institute For Near East Policy». Le CAIAP a aidé á la création de cet organisme de réflexion en 1985, avec Martin Indyk, directeur de recherche du CAIAP qui en est devenu le premier directeur. Ses politiques sont globalement le miroir de celles du CAIAP. Le directeur exécutif, Robert Satloff, est un néo-conservateur, le directeur de recherche, Patrick Clawson, a été un partisan d’un changement de régime en Iran et pour une confrontation entre les Etats-Unis et Téhéran au sujet de son programme nucléaire.
Enfin, dernier et non le moindre, l’éditeur du «Activities Update» n’est autre que Michael Lewis, fils de Bernard Lewis, l’universitaire de Princetown et interprète du monde arabe qui a donné des conseils á l’administration George Bush dans les mois précédant la guerre en Irak, et, surtout, Maître à penser de l’intellectuel évolutif Alexandre Adler, éditorialiste au Figaro et de la cohorte des néo conservateurs français.

La capitulation américaine face à Israël: Une assistance au suicide

La capitulation de Barack Obama, président de la première puissance militaire de la planète, devant le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu sur les conditions de déroulement des négociations israélo-palestiniennes, la pression permanente exercée par Israël sur les Etats-Unis et l’Europe, tant en ce qui concerne la neutralisation du potentiel nucléaire iranien que sur les conclusions de l’enquête internationale du Tribunal spécial sur le Liban concernant l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, illustrent la prédominance du fait israélien dans la détermination de la diplomatie occidentale, au point de brider sa marge de manœuvre, entraînant, par contre coup, sa perte d’autonomie; Un fait qui explique une part du rejet occidental dans la sphère arabo musulmane.

Jamais dans l’histoire de l’humanité, une superpuissance de 310 millions d’habitants n’est apparue aussi complètement inféodée à un petit pays de sept millions d’individus.

Jamais dans l’histoire, un pays au PIB annuel de l’ordre de 200 milliards de dollars, n’a autant imposé sa volonté à une superpuissance pesant 14. 510 milliards de PIB annuel. En vain.

Au point que des universitaires américains posent la question du bien fondé de cette alliance, notamment Andrew Bacevic, professeur des relations internationales à la Boston University, qui dresse le constat de «l’échec l’art occidental de la guerre (4) et que le militant de la paix israélien Uri Avnery estime que le soutien américain à Israël relève de l’assistance au suicide (5).
L’hostilité grandissante de l’opinion mondiale vis à vis d’un tel comportement s’est récemment traduite par la reconnaissance de l’Etat de Palestine dans les frontières de 1967 par le Brésil, la Bolivie, l’Argentine, ainsi que par la lettre de 26 anciens dirigeants européens (Chris Patten, Giuliano Amato, Felipe González, Lionel Jospin, Hubert Védrine, Romano Prodi, Javier Solana) appelant l’Union européenne à prendre des sanctions si, d’ici le printemps, le gouvernement israélien ne change pas de politique.
Mais, curieusement, la sonnette d’alarme des dirigeants européens n’a pas rencontré beaucoup d’échos dans la presse internationale, particulièrement française, signe patent de la tétanie des medicarates devant le lobby pro israélien.

Notes

1- Jonathan Cook, The national (Nazareth) Le 25 juillet 2009. Pour consulter cet article, le lien suivant: http://www.thenational.ae/apps/pbcs.dll/article?AID=/20090721/FOREIGN/707209856/1135

2 – A propos de Spot and shoot Cf à ce propos: http://news.antiwar.com/2010/07/12/israels-spot-and-shoot-system-aims-to-perfect-joystick-based-warfare/

3- Comment Israël tente d’étouffer le débat, Michael Massing 11 Mai 2006. Paru en anglais sous le titre “The Storm over the Israel Lobby” IN THE NEW YORK REVIEW OF BOOKS, VOLUME 53, NUMÉRO 10, 8 JUIN 2006, Voir en ligne: http://www.nybooks.com/articles/19062. Ainsi que: «Le lobby pro israélien et la politique étrangère américaine» de John Mearsheimer et S.Valt –Editions La Découverte- septembre 2007 -«Une haine imaginaire? Essai sur le nouvel antisémitisme en France» de Guillaume Weil Raynal- Editions Armand Collin-2006. -«Les nouveaux désinformateurs» de Guillaume Weil Raynal- Editions Armand Collon-2007.

4- Sur la stratégie globale de l’occident, Cf. à ce propos «La fin de l’histoire militaire? Les Etats-Unis, Israël et l’échec de l’art occidental de la guerre par Andrew J. Bacevich, Professeur d’Histoire et de relations internationales à la Boston University, mis en ligne le 27 Décembre 2010 sur tom dispatch.com. Texte traduit en français par Albert Caillé.
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=gmail&attid=0.1&thid=12d2e2f02a282719&mt=application/

5- Uri Avnery: «En Israël, une telle assistance est un crime. En revanche, le suicide ne l’est pas. Ceux que les dieux veulent détruire, ils les rendent d’abord fous. Espérons que nous retrouverons nos esprits avant qu’il ne soit trop tard' », écrit le pacifiste israélien face à l’hostilité grandissante de l’opinion mondiale vis à vis d’un tel comportement. («Ship of fools 2», Gush Shalom, 18 Décembre 2010).