La France et le Liban, le récit d’une Bérézina diplomatique
La France, qui a accueilli le 25 janvier 2007 la conférence des pays donateurs du Liban en vue de résorber…
La France, qui a accueilli le 25 janvier 2007 la conférence des pays donateurs du Liban en vue de résorber le déficit abyssale de la dette publique libanaise générée principalement par la politique spéculative de l‘ancien premier ministre Rafic Hariri (40 milliards de dollars, (soit 180 pour cent du PNB ) durant ses dix ans de pouvoir, lui consacre une exposition à l’Institut du Monde arabe (IMA), à partir du 14 février, date commémorative du deuxième anniversaire de son assassinat.
Cette exposition apparaît comme un ultime hommage posthume de la part de son grand ami, le président Jacques Chirac à la veille de la fin de son mandat présidentiel.
Petite piqûre de rappel historique de cette relation singulière dans les annales diplomatiques internationales, une relation marquée par une patrimonialisation des rapports d’Etat au bénéfice de ces deux hommes arrivés quasi-simultanément au pouvoir à Paris et à Beyrouth.
La lévitation
Que les amateurs de conte de fées se détrompent : la jonction de Rafic Hariri avec la France n’est nullement le fruit du hasard. Elle résulte d’une double conjonction : la conjonction des intérêts des états, ceux de la France et de l’Arabie saoudite, les principaux soutiens de l’Irak dans sa guerre contre l’Iran (1979-1988), la conjonction des intérêts des personnes, ceux du Maire de Paris, candidat à la présidence française et de l’homme d’affaires libano saoudien, candidat au poste de premier ministre à Beyrouth. Cette double conjonction donnera à la relation Chirac Hariri une tournure singulière pour atteindre son paroxysme avec la présence simultanée des deux hommes au pouvoir à Paris et à Beyrouth entre 1995 et 1998, conditionnant pour une large part les relations franco-libanaises de la dernière décennie du XX me siècle et sans doute au delà.
Tout commence au début de la décennie 1980, au paroxysme de la guerre froide, de la rivalité soviéto-américaine et de la montée en puissance du fondamentalisme islamique. La révolution khomeyniste triomphait en Iran (février 1979), le sanctuaire de La Mecque, un des hauts lieux saints de l’Islam, était pris d’assaut part les militants islamistes, (Octobre 1979) et le président égyptien Anouar El-Sadate, qui avait pactisé avec Israël, était assassiné deux ans plus tard, en octobre 1981. La France, qui n’avait pas encore réintégré le giron de l’Otan, comptait parmi les acteurs du jeu diplomatique régional, et, l’Arabie Saoudite, fidèle à elle-même, était déjà le principal bailleur de fonds des équipées pro-occidentales. Sur fond de conflit irako iranien naissant, les deux pays scellent leur coopération sur le terrain, dans l’affaire de La Mecque, où les super gendarmes français du GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) prêtent main forte aux Saoudiens pour « neutraliser » les assaillants anti-monarchiques.
Se délestant du bénéfice de l’hospitalité qu’elle avait accordée au guide de la révolution islamique iranienne, l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny à Neauphle-le-château (région parisienne), la France, sous l’impulsion du lobby militaro pétrolier, véritable maître d’oeuvre de la politique pro irakienne depuis la décennie 1970 sous tous les présidents français successifs, devient le principal partenaire militaire occidental de Bagdad, et, l’Arabie Saoudite, son principal soutien financier. « Co-bélligérants » auprès de l’Irak, les deux pays se retrouvent en porte-à-faux avec le noyau dur du monde arabo-musulman, inexorablement en butte à son hostilité en Irak face à l’Iran, au Tchad face à la Libye et surtout au Liban face à la Syrie.
Zone d’influence traditionnelle de la France et de l’Arabie Saoudite, le Liban est de surcroît le point de fixation des conflits régionaux, les deux pays vont là aussi faire cause commune, l’un en sa qualité de protecteur traditionnel des chrétiens, l’autre en sa qualité de parrain des sunnites, pour assurer la promotion d’un « produit de synthèse », un « homme de synthèse », au motif de sauvegarder l’ancienne formule libanaise de coexistence islamo chrétienne et de maintenir le Liban dans le giron occidental, « le port de Beyrouth sous le contrôle de l’Occident », selon l’expression du général Alexander Haig, secrétaire d’état durant le siège de la capitale libanaise en juin 1982.
L’ambassadeur Louis Delamarre, en 1981 à Beyrouth, 58 soldats du contingent français de la Force multinationale occidentale (attentat du PC Drakkar, le 23 octobre 1983 à Beyrouth), tout comme les 13 morts et les 250 blessés des 10 attentats de Paris (1985-86), ainsi que le général Rémy Audran, « Monsieur Irak » de la Direction Générale de l’Armement (DGA) et l’universitaire Michel Seurat, en 1988, paieront de leur vie au titre des « dommages collatéraux » le prix de cette politique dont le bilan au terme de la décennie 1980 se révèlera calamiteux tant pour l’Irak, que pour la France, par ricochet pour le Liban et pour l’Arabie Saoudite : L’Irak se perdra, la France perdra l’Irak et son aura, le Royaume wahhabite tombera sous la coupe américaine entraînant dans sa chute le golfe pétro monarchique. Les deux anciens « co-belligérants » seront rétrogradés au Liban au bénéfice des Etats-Unis et de la Syrie, la coexistence libanaise sera sauvegardée, mais dans un contexte nouveau, sous une nouvelle formule et sous un nouveau parrainage. Le Royaume saoudien devra, lui, pour desserrer l’étau américain, normaliser ses relations avec son éternel rival, l’Iran.
La course éperdue vers la conquête des « marchés du siècle » par la « bande des quatre » de l’armement (Dassault, Thomson, Aérospatiale, Matra Lagardère), aiguillonnée par la Compagnie Française des Pétroles (CFP Total), la griserie procurée par les juteux contrats civils et militaires (1), de l’ordre de sept cents milliards de FF pour l’Irak en quinze ans, brouillaient quelque peu la visibilité à l’époque : la coopération franco-haririenne prend donc de l’ ampleur, en 1982, dans la foulée de l’effondrement militaire irakien face à l’Iran lors de la bataille de Khorramchahr (Mai 1982) et de la débâcle occidentale suivant l’invasion israélienne du Liban (Juin 1982). Poisson pilote du Royaume Wahhabite, Rafic Hariri prend la relève de la diplomatie occidentale défaillante après la chute de Beyrouth Ouest aux mains des milices musulmanes, en février 1984, et se livre à une sorte de diplomatie volante pour mettre sur pied une conférence interlibanaise de réconciliation à Genève, puis à Lausanne en Mars 1984.
Paris lui apporte un appui résolu, envisageant un moment -l’idée avait été émise par François de Grossouvre, ancien conseiller du président François Mitterrand- de parrainer la réconciliation libanaise à bord d’ un porte-avions de la marine française. Par ricochet, la France décroche deux importants contrats militaires en Arabie saoudite d’une valeur globale de 49 milliards de FF, dont le fameux contrat de défense antiaérienne Shahine, d’un montant de 35 milliards de FF. Ce marché, conclu en 1984, l’année de la conférence de Lausanne, apparaîtra comme une rétribution déguisée saoudienne à l’implication de la France dans les conflits du Moyen-Orient, la préfiguration des contrats de compensation conclus par les pétromonarchies en 1991-1992 après la seconde guerre du Golfe contre l’Irak. Au delà de sa dimension diplomatique et militaire, ce contrat, hors de proportion des besoins du Royaume, aura eu le mérite de générer une commission de 3,5 milliards de FF équitablement répartie entre partenaires Français et Saoudiens (2).
Celui qui n’était alors qu’un homme d’affaires prospère prend alors une stature régionale et tandis que le Golfe est déstabilisé par la guerre irako iranienne, procède à son redéploiement international. Paris devient sa terre d’élection. Le lien s’affirme véritablement deux ans plus tard sous le gouvernement de Jacques Chirac (1986-1988) à l’époque de la première cohabitation socialo gaulliste, une période trouble, ponctuée par la vague d’attentats de Paris et la prise d’otages français à Beyrouth. Artisan de la coopération stratégique avec l’Irak, en 1974, le premier ministre français bénéficiait de surcroît auprès des pétromonarchies du golfe d’un capital de sympathie, survivance de l’héritage gaulliste.
La relation d’affaires interétatique prend alors une touche plus personnelle entre deux hommes animés d’une même ambition, la conquête du pouvoir suprême. La contribution de Rafic.Hariri à la libération d’otages français du Liban sera mentionnée aux côtés d’autres membres de la filière franco-libanaise, gravitant autour de Charles Pasqua, ministre de l’intérieur de l’époque et de son assistant Jean-Louis Marchiani.
Représentant la quintessence du clientélisme libano africain du réseau chiraquien, cette filière, d’une combinaison étonnante, groupait des notables chiites d’Afrique, Najib Zaher (Côte d’Ivoire), le Cheikh Zein et Ibrahim Baroud (Sénégal), faisant office en la circonstance d’intermédiaires auprès de leurs correligionnaires libanais et iraniens, l’homme d’affaires cosmopolite Alexandre Safa, le médecin franco-libanais néo-gaulliste Razah Raad et le sempiternel M.Bons Offices des liaisons franco-libanaises, l’évêque grec orthodoxe Ghofril Salibi et son corréligionnaire, le millionnaire Issam Pharès, ainsi que Anthony Tannoury. Le concours de Rafic Hariri au dénouement de l’affaire n’a pu être établie de manière formelle. Mais -pur hasard ?- la remise en liberté d’otages français a souvent coïncidé avec des opérations humanitaires du milliardaire libanais, sous forme de distribution de vivres et de biens dans les régions nécessiteuses de Beyrouth Ouest contrôlée alors par les milices musulmanes.
L’homme d’affaires accompagne ses premiers pas en politique internationale par une restructuration de ses entreprises et leur recentrage sur l’Europe. Il fonde en France son « Holding de participations et d’investissements (HPI) » au capital de 200 millions de FF et regroupe à Paris la totalité des activités de ses sociétés en Europe : Saudi-Oger, Fradim et la Fondation Hariri. Elargissant le cercle de ses relations, il noue des relations avec la classe politique française toutes tendances confondues au point d’obtenir son inscription à l’annuaire diplomatique français, sur le quota de l’Arabie saoudite au titre de 3me conseiller, se conférant ainsi une immunité diplomatique, avec en prime la régularisation de la situation de Radio Orient, qui émettait depuis sa fondation en 1980 dans des conditions d’illégalité.
A l’intention des socialistes, de retour au pouvoir en 1988, il soulagera la trésorerie défaillante de l’Institut du Monde arabe (IMA) en injectant dans ses caisses 15 millions de dollars. Il lui fera également don d’une banque de données sur le Monde arabe. Par un juste retour des choses, le président de cet établissement, M.Edgar Pisani, ancien ministre gaulliste, sera un très actif conseiller socialiste du président François Mitterrand au moment de l’attribution de Radio Orient à Hariri par le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) en 1991. Le milliardaire libano saoudien prêtera aussi main forte aux financiers français pour sauver de la déconfiture la Saudi Bank à Paris vidée de sa trésorerie par des sorties inconsidérées d’argent de la coterie royale. L’ardoise, imputable selon la terminologie officielle, à des créances dépréciées sur des pays lourdement engagés du tiers monde, s’est élevée à 2,1 milliards de FF.
Intervenant dans la foulée de la défaillance de deux autres banques arabes de Paris, -la Banque de Participation et de placement et l’United Banking Corporation- la déconfiture de la banque saoudienne risquait de mettre en question la fiabilité de Paris en tant que place financière et plate-forme politique de M.Hariri, à l’effet de contrarier les projets du futur premier ministre libanais.
Le milliardaire d’origine libanaise paiera rubis sur ongle. Il sera couvert de louanges pour une opération de fausse philanthropie qui répondait avant tout à des considérations de haute stratégie personnelle, puisqu’elle lui donnait l’occasion de voler au secours du pavillon saoudien malmené, d’éponger les dettes de ses bienfaiteurs et de s’acquitter en même temps d’une dette de gratitude à leur égard, de sauvegarder enfin la réputation de la place financière de Paris et de consolider ainsi ses assises politiques parisiennes. Le retour sur investissement sera immédiat.
En 1990, c’est le début de la mise sur orbite politique de Rafic Hariri, un impératif pour les Saoudiens soucieux d’assurer la relève de l’Islam sunnite libanais déclinant avec la guerre du Liban. Un impératif aussi pour la France qui se prête de bonne grâce à l’opération, avec d’autant plus d’empressement qu’ elle est à la recherche d’un nouveau partenaire arabe à substituer à l’Irak qu’ elle venait de perdre sans compensation avec la 2me guerre du Golfe. Un impératif également pour Jacques Chirac, profondément déstabilisé par sa 2me défaite électorale face à François Mitterrand dans la compétition présidentielle. Avec le même empressement, le Maire de Paris ouvre les portes de sa ville à Rafic Hariri pour faire de la capitale française le tremplin politique du futur premier ministre libanais.
Fradim et les enfants chéris du chiraquisme, Cogedim et Dumez, opèrent côte à côte dans de grands projets de rénovation urbanistique dans les quartiers huppés de Paris et sur la Côte d’Azur. Immobiliers d’entreprise, hôtellerie, habitation de luxe, innovation immobilière, notamment pour le groupe Hariri la construction de l’hôtel Sheraton de l’aéroport de Bruxelles, la réhabilitation de l’hôtel particulier Van Dyck, celle de l’ancien siège de Vallourec, rue Spontini, dont il fera le nouveau siège parisien de son holding, l’acquisition du Monte-Carlo Palace (principauté de Monaco) pour 400 Millions de FF en 1989, et de la résidence de Gustave Eiffel, place du Trocadéro, dont il fera son pied à terre parisien : Rien ne résiste à ce trio d’enfer. Cogedim et Dumez s’ associent dans la première Z.A.C privée de Paris -ZAC Paris Porte Maillot- (3) et le président de COGEDIM, Michel Mauer, précédera de trois ans André Kamel, directeur international de Dumez, en prison pour fausses factures.
Le total des investissements immobiliers du groupe Hariri en France en une décennie (1980-90) est estimé alors à près de 70 milliards de FF, soit le quart des exportations civiles françaises annuelles vers le royaume saoudien, hors contrats militaires.Tandis que leurs anciens alliés communs irakiens pliaient bagages, M. Hariri y installait son PC de campagne en prévision de sa conquête du pouvoir deux ans plus tard en 1992. Un centre de documentation est aménagé à proximité des Champs Elysées pour son équipe de conseillers, à quelques pas d’une ambassade du Liban restaurée à grand frais sur ses deniers personnels pour son nouvel occupant, Johnny Abdo, ancien chef du 2me bureau de l’armée libanaise, ambassadeur en titre mais officieux chargé de mission de Rafic Hariri auprès des milices chrétiennes libanaises.
Pour cet ancien comptable de Saida, qui dû payer son tribut à la famille royale saoudienne, cette consécration est la justification de tous ses sacrifices. Elle sera vécue comme un sacre et marquera le début d’une lévitation politique qui se prolongera pendant près d’une décennie.
Planche de salut pour la politique arabe de la France, ballon d’oxygène pour les néo-gaullistes et les entreprises françaises dans le Golfe, Rafic Hariri sera l’objet d’égards particuliers. Comme par anticipation d’un désir, il se verra gratifier d’un cadeau royal : Radio Orient, la plus ancienne et la plus importante radio arabophone d’Europe continentale, installée à la fréquence de son choix, avec un émetteur au sommet de la Tour Eiffel à la puissance de son choix (1.000W), avec des relais (500W) dans des villes-charnières, Annemasse pour la Suisse, Lyon pour la jonction méditerranéenne et Bordeaux pour la façade atlantique, pour des émissions en continu (24H/24) sur un rayon d’action couvrant l’espace français jusqu’aux parages de la ville hautement symbolique de Poitiers.
Cas unique dans les annales des grandes démocraties, Rafic Hariri sera d’ailleurs le seul chef du gouvernement étranger à disposer d’une radio privée dans une métropole occidentale. Ce privilège qui traduit l’importance primordiale que revêt désormais le milliardaire libano saoudien aux yeux de la France, est apparu d’autant plus exorbitant qu’il ne s’est accompagné d’aucune mesure de réciprocité pour une radio française à Beyrouth. Il sera néanmoins maintenu en dépit des protestations répétées des auditeurs déplorant le rôle de relais de cette radio de sensibilité saoudienne dans la retransmission des sermons rigoristes du conservatisme wahhabite vers une population en butte à l’intégrisme islamique.
Comme emportée par un tourbillon, la classe politique française sera atteinte, à son tour, de « Hariromania » au point que les pouvoirs publics caresseront même l’idée de lui céder partiellement ou totalement RMC Moyen-orient, principal vecteur français vers le monde arabo-musulman, sans se préoccuper de priver la France d’un instrument d’accompagnement diplomatique dans la sphère méditerranéenne, sans songer à se remémorer par complaisance ou par ignorance le rôle restrictif de M. Hariri dans le domaine de la liberté de la presse au Liban.
Au diapason de la classe politique, des grands commis de l’Etat participeront de cet engouement généralisé. Il était alors de bon chic de graviter dans les parages de Rafic Hariri au point que tel responsable du pôle radiophonique n’hésitera pas à se livrer à une laborieuse acrobatie juridico-financière pour faire acte de présence à Beyrouth, allant même jusqu’à solliciter le concours du groupe Hariri, l’adversaire le plus direct des ondes françaises au Moyen-Orient, pour la réalisation de son objectif. L’autorité de tutelle aura toutes les peines du monde à le faire renoncer son projet, jugeant « embarrassant » ce « curieux montage » et « strictement dangereux » ce « micmac libanais » (4).
Qu’un rappel à l’ordre se soit imposé pour inviter à la retenue un fonctionnaire d’autorité donne la mesure de la déperdition de la traditionnelle rigueur au sein du corps des grands serviteurs de l’état. Sauf à y voir la marque d’une ductilité, tant de prosternation devant le nouveau « Mamamouchi libanais », au delà d’ailleurs de l’attente de l’intéressé lui-même, donne la mesure de l’érosion du sens de l’état au sein de la haute administration française. Sauf à y voir la marque d’une serviabilité extrême, tant de révérence au mépris des intérêts primordiaux du pavillon français débouchera immanquablement sur un naufrage. Le fleuron de la présence française dans le monde arabe, le module RMC-MO-RFI, sera supplanté par Radio Hariri et la concurrence anglo-saxonne dans les principaux points d’articulation de la politique française au Moyen-Orient : Le Caire, Beyrouth et Damas où Radio Orient compte sept fois plus d’auditeurs que sa rivale française (21% pour Radio Orient, contre 3% pour RMC MO) (5). Le verdict est sans appel, le camouflet absolu.
Exaltante, la perspective d’appartenir au cercle ultra restreint des « heureux élus » primait alors toute autre considération quand bien même ce sentiment illusoire est par essence éphémère. Rafic Hariri succombera à son tour à cette griserie, songeant, semble-t-il, à un destin de médiateur régional, entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, la Syrie et la France, l’Egypte et les financiers internationaux. Négligeant les effets corrosifs de la déconfiture électorale de son partenaire français et le règne crépusculaire de son parrain saoudien, faisant fi du ressentiment de la population libanaise, Rafic Hariri mû par un sentiment de prépotence défiera sur leur chasse gardée les vieux caciques de la politique régionale qui observaient avec une pointe d’amusement ce vizir libanais se cherchant un rôle de grand vizir. Tant d’insolence finira par agacer. Un couperet finira par sanctionner ce péché d’orgueil, mettant brutalement un terme à la période de lévitation politique de M.Hariri, provoquant par voie de conséquence un collapsus de la politique française au Levant. L’erreur de casting était manifeste.
L’implosion :
L’implosion politique de Rafic Hariri pose en filigrane le problème des rapports entre la France et le Liban sous la présidence de Jacques Chirac tant était manifeste la connivence entre le chef de l’Etat français et l’ancien premier ministre libanais, tant était démonstrative la manifestation de leur amitié. En six ans de pouvoir (1992-1998) Rafic Hariri aura fait 18 visites de travail à Paris dont 14 sous la présidence Chirac et le président français quatre voyages au Liban (6), record mondial absolu de tous les temps. La fréquence des retrouvailles, la chronicité des accolades incitera un jour le journal « Le Figaro » à qualifier non sans témérité et un zeste de désobligeance M. Chirac de « l’homme de Hariri ».
Un tel commentaire à l’adresse du dépositaire d’un prestigieux héritage, de la part d’un journal conservateur nullement suspecté d’irrévérence à l’égard de la hiérarchie gaulliste, laisse songeur. Il donne en tout cas la mesure de la corrosion de la politique arabe de la France. Il donne aussi la mesure de l’érosion de la crédibilité de ses acteurs.
Bon nombre d’observateurs garderont à l’esprit l’entrée triomphale des deux hommes à Beyrouth, en avril 1996, où, comme emporté par l’éclat de leur réussite respective et la magnificence de leur nouveau et immense pouvoir, le président français et le premier ministre libanais bouteront hors du tapis rouge, M. Elias Hraoui, le président sans relief du Liban, ainsi lestement propulsé hors du champ de la caméra dans une démarche si peu protocolaire où la prééminence a paru se confondre avec la proéminence. Cas rarissime dans les annales diplomatiques contemporaines, l’équation personnelle de deux hommes dérivera par effet de substitution vers une privatisation, voire une patrimonialisation des rapports d’état, de sorte que si l’élection de M. Chirac a été saluée comme une victoire personnelle de M.Hariri, sa déroute législative en 1997 deux ans après son élection présidentielle sera ressentie par contrecoup comme un revers pour le premier ministre libanais et l’éviction du poulain libanais en 1998 comme un camouflet supplémentaire du président français alors que le nouvel échec de M.Chirac aux élections européennes, en 1999, retentira comme un désastre à Beyrouth dans l’entourage du milliardaire, obérant quelque peu son retour .
Dans l’exaltation de l’euphorie, bon nombre d’initiatives diplomatiques de la France en direction du Moyen-Orient seront ainsi créditées au compte de M.Hariri sans la moindre retenue et à la grande consternation des observateurs internationaux. Il en a été ainsi de la participation de la France au comité quadripartite chargé de la surveillance de la trêve libano israélienne après le raid de Cana, en avril 1996. Il en a été de même de la visite d’état à Paris, en juillet 1998, du président Hafez al-Assad.
L’entourage du premier ministre libanais tirera gloire de ces deux événements avec la mansuétude française, alors que la participation française au comité quadripartite ne pouvait se faire sans l’aval de la Syrie et d’Israël, les deux puissances régionales, et que le premier déplacement en Occident depuis 20 ans du chef de l’état syrien, un homme avare de démonstration tapageuse, s’apparentait davantage à un passage de témoin de l’ancienne puissance mandataire, en perte de vitesse, à un nouveau chef de file régional.
Tant d’autocélébration au mépris des règles élémentaires de prudence politique, tant d’autosatisfaction mutuelle au mépris du véritable rapport des forces régionales, déboucheront inévitablement sur de cruelles désillusions. La France se rendra d’ailleurs compte de sa méprise huit mois plus tard à l’occasion des obsèques du Roi Hussein de Jordanie, en Mars 1999, lorsque le président Asad, promu « doyen des chefs d’état du Moyen-Orient » dans la foulée de la disparition du monarque hachémite, battra froid le président Chirac limitant ses conciliabules post-funéraires au président américain Bill Clinton et aux autres dirigeants arabes sans la moindre attention à son tout récent hôte français. Une méprise confirmée d’ailleurs d’une manière symptomatique par l’incapacité du tandem franco-libanais à localiser la sépulture du chercheur arabisant Michel Seurat, encore moins à obtenir la restitution de sa dépouille douze ans après l’annonce de son décès en captivité, malgré tout l’imposant pouvoir, malgré toute l’imposante richesse du premier ministre libanais de l’époque et la concomitance de son passage au pouvoir avec son ami français. Pour avoir baigné dans la confusion du public et du privé, le pouvoir français passera, avec son poulain libanais, comme l’un des grands perdants de la bataille présidentielle libanaise de 1998, avec ses inévitables conséquences politiques.
Beaucoup de Libanais qui en garderont de l’amertume seront frappés d’incrédulité à l’idée de savoir que l’élection de leur nouveau président, le général Emile Lahoud, aura été accueillie sans enthousiasme à Paris alors que cet homme du terroir d’extraction authentiquement libanaise, fils d’un ancien saint-cyrien, se proposait de mettre un terme, sans délai, à une longue période de gabegie et de corruption et que la présence à la tête de l’état de cet homme d’autorité était de nature à conforter une communauté chrétienne libanaise encore sous le choc de l’auto décapitation de ses dirigeants charismatiques.
Pour un pouvoir français qui plaide pour « l’exemplarité de l’état », ces deux objectifs auraient dû théoriquement répondre pleinement à ses préoccupations. Mais dans le cas d’espèce, Paris a semblé percevoir l’éviction de M. Hariri comme la marque d’un manquement libanais à son égard. Par mouvement symétrique, les réticences parisiennes à l’élection du président Lahoud seront alors interprétées à Beyrouth comme le signe d’un alignement français sur le protégé libanais, le signe d’un aveuglement.
Beaucoup de Libanais qui en nourriront de la colère contre le pouvoir français seront tout aussi affligés de la rebuffade infligée gratuitement au nouveau représentant libanais à Paris en gage de solidarité avec l’ancien maître des céans. Retarder de près d’un semestre l’accréditation du nouvel ambassadeur du Liban à Paris au motif des insuffisances linguistiques du postulant a paru tout aussi grotesque que dérisoire, un prétexte fallacieux, en tout cas inutilement désobligeant de la part d’une grande puissance qui s’est longtemps targuée d’être le défenseur attitré du petit Liban, son enfant chéri. Diplomate chevronné, en poste dans des pays difficiles, tels la Libye et la Corée, Raymond Baaklini (7), parfaitement francophone, n’était nullement inconnu de l’administration française ne serait-ce que par son séjour tripolitain (1986-1988), à une époque où la France était fortement impliquée dans le conflit tchado libyen.
Il fut un temps, pas si lointain, où le Liban résistant au flux débordant du nationalisme arabe nassérien, au lendemain de Suez, en 1956, maintiendra ses relations diplomatiques avec la France, pourtant partenaire d’Israël dans cette équipée militaire, au nom d’une certaine fidélité à son histoire. Dans le XX me siècle finissant, la contre-performance du poulain libanais sera vécue à l’épicentre du pouvoir politique en France, l’Elysée, comme une calamité nationale, allant même jusqu’à hypothéquer les relations entre les deux pays (8), alors qu’elle aurait dû constituer tout au plus un épiphénomène dans l’histoire séculaire des relations franco-libanaises.
Devant une telle dérive, beaucoup de libanais se gausseront des déboires et des démêlés judiciaires des responsables politiques et des dirigeants d’entreprises françaises, non pas tant par francophobie, mais par lassitude, par dépit devant cet engouement qu’ils jugeront aussi excessif qu’injustifié. Un fâcheux concours de circonstances leur en donnera l’occasion, alors que les entreprises françaises postulaient sur le marché libanais sur fond de scandale financier de leur firme en France. Certains à Beyrouth y verront la marque d’une certaine analogie de comportement au niveau de la hiérarchie politico industrielle des deux pays dans son aspect le moins valorisant. Tant d’inversion des valeurs laisse pantois. Tant de personnalisation des rapports étatiques nuit à la bonne lisibilité d’une politique.
Un journal libanais, « Al-Kifah Al-Arabi », à grande diffusion au Liban et en Syrie, s’en inquiétera le 20 avril 1999 en ces termes : « Pour la première fois, l’ensemble des relations politiques et culturelles entre la France et le Liban, tissées à travers l’histoire, sont circonscrites à deux personnes : le milliardaire libano saoudien, futur premier ministre du Liban, Rafic Hariri, et le maire de Paris, futur Président de la République française Jacques Chirac. « Deux personnes liées par une amitié entourée de beaucoup de secrets et de mystères, dans une confusion sans précédent où la sphère privée se mêle au domaine public », dont la relation est caractérisée par « l’enchevêtrement des réseaux et des dossiers en France et au Liban (…) dans le cadre de ce système global Paris Beyrouth où l’Afrique occidentale a constitué une étape importante », ajoute le journal évoquant notamment le financement occulte du parti gaulliste RPR.
« Al-Kifah » (9), à l’origine des révélations de certains des grands scandales de l’ère Hariri, brosse alors un tableau qui se veut complet de l’interactivité des relations d’affaires franco-libanaises, évoquant notamment l’éventuelle implication de l’Arab Bank dans le scandale de l’office des HLM de la ville de Paris, ainsi que l’affaire de la Compagnie générale maritime, version moderne de la guerre des Horaces et des Curiaces, mettant aux prises sur fond d’accusations d’évasion fiscale et de dissimulation financière, Jacques et Johnny Saadé, véritables frères ennemis d’un duel cornélien.
Le clientélisme africain et l’exclusivisme libano-haririen ne sauraient tenir lieu de politique, de même qu’une culture de l’indécision et du contentement facile. Sauf à s’exposer à de sérieux revers diplomatiques, comparables à la déconfiture de son dispositif audiovisuel dans la sphère arabo-musulmane, la France ne saurait faire l’économie d’une sérieuse remise en cause de la méthodologie de son approche des dossiers internationaux.
L’exercice est d’autant plus impératif que dix ans après la perte de l’Irak, trois ans après la perte du Zaïre et la contestation par l’Amérique de la prééminence française dans le pré carré afro maghrébin, la déconvenue libanaise de 1998 a retenti comme une alarme. La contraction de la présence française au Liban, un pays qui constitue le point d’ancrage traditionnel de sa présence dans la zone, apparaît à bien des égards comme prémonitoire.
Si la tendance se confirmait, elle confinerait la France dans un rôle d’appendice diplomatique régional tant au Moyen-Orient qu’en Afrique et le discours d’Alexandrie, en novembre 1996, apparaîtrait alors rétrospectivement comme un exercice de ressassement incantatoire et non comme le point d’impulsion d’une nouvelle dynamique diplomatique dans la sphère arabo-islamique.
Sur fond de recomposition géopolitique régionale marquée par la montée en puissance des élites dirigeantes anglophones, notamment en Syrie et au Liban, le bilan de la France dans l’espace arabe au cours de la dernière décennie du XX me siècle s’apparente à une Bérézina diplomatique, reflet du désarroi moral de sa classe politico intellectuelle. Au terme d’un parcours erratique illustré depuis la guerre du Golfe (1990) par son ralliement irréversible à la vision transatlantique au mépris de sa dimension euro méditerranéenne, illustré aussi comme dans le conflit du Kosovo (1999) par l’alignement de sa diplomatie sur l’hyper puissance américaine, la France se retrouve sans points d’appui stables.
A n’y prendre garde, le Sommet de la Francophonie, tenu en l’an 2002 à Beyrouth, qui devait signer la renaissance de la Francophilie en terre d’Orient au seuil du XX1 me siècle, pourrait sonner le glas d’une certaine forme de politique française. Il pourrait aussi signer l’acte de décès d’une certaine forme de présence française dans le monde arabe.
Epilogue à ce texte écrit en octobre 2002 :
Apres une cure d’opposition de deux ans, Rafic Hariri est revenu au pouvoir en l’an 2000, deux ans avant la réélection de Jacques Chirac, en 2002, au terme d’une longue cohabitation paralysante de cinq ans avec le premier ministre socialiste Lionel Jospin (1997-2002).
Chirac connaîtra son heure de gloire, la dernière, en 2003, avec son opposition à l’invasion américaine contre l’Irak, au point de se voir proposer la candidature au prix Nobel de la Paix.
Puis, progressivement, cédant aux sollicitations de son protégé libanais qui pensait mettre au pas la Syrie au profit de son protégé sunnite le vice président syrien Abdel Halim Khaddam, Jacques Chirac va opérer un infléchissement de sa politique dans un sens atlantiste, parrainant une résolution du Conseil de sécurité (N°1509, 2 septembre 2004)..
Cette résolution qui préconisait le retrait militaire syrien du Liban sera fatale à Rafic Hariri, La Syrie se retirera effectivement du Liban, mais l’ancien partenaire en affaires des dirigeants syriens et nouveau chef de file de l’opposition anti-syrienne sera assassiné le 15 février 2005, six mois après l’adoption de ce document, de même que certains principaux vecteurs de la francophilie eau Moyen Orient, les deux journalistes du quotidien prooccidental « An-Nahar » (Gibrane Tuéni et Samir Kassir), alors que le président français était caramélisé à son tour, trois mois plus tard, par sa déroute au réferendum européen le 29 mai 2005.
Le roi Fahd d’Arabie, le principal bailleur de fonds des équipées occidentales dans le monde arabo-musulman et protecteur de l’ancien premier ministre libanais, décédait, lui, six mois après l’assassinat de Hariri, en Août 2005, au moment même où l’Iran, le grand rival chiite et pétrolier de l’Arabie saoudite, se dotait d’un nouveau président en la personne de Mohamad Ahmadinijad, un dur parmi les durs, un ancien des gardiens de la révolution.
Au terme d’un double mandat de douze ans de pouvoir pollué par les scandales politico-financiers, Jacques Chirac s’apprête, sauf rebondissement, à quitter le pouvoir en mai 2007, sans avoir réussi à faire évincer le président libanais Emile Lahoud, rival de Hariri, ni à faire comparaître en justice les assassins de son ami libanais, alors que, parallèlement, la France, en ce mois de février qui marque la commémoration du 2me anniversaire de l’assassinat de Hariri, a cédé à l’Italie le commandement de la FINUL, (les casques bleus de l’ONU) ,au Liban, un pays qui fut longtemps une chasse gardée française, le principal point d’ancrage de la France au Moyen-orient.
Fin de séquence. Sic transit gloria mundi….ainsi passent les gloires de ce monde.
Notes
1)-Les dettes irakiennes à la France : De 1975-1989, la France a vendu à l’Irak pour cent milliards de dollars de fournitures civiles et militaires, soit au taux moyen de 7 FF le dollar, sept cent milliards de FF en quinze ans, soit 46 milliards de FF par an. Au 1er janvier 1990, soit à la veille de l’invasion du Koweït, la dette irakienne à l’égard de la France s’élevait à six milliards de dollars dont deux milliards à l’égard des banques et quatre milliards à l’égard des opérateurs cofacés (prêts garantis). Durant la guerre irako iranienne, l’Irak a remboursé des dettes de l’ordre 12 milliards de FF à la France, selon une note du trésor français citée par Claude Angeli et Stéphanie Mesnier « Notre allié Saddam » Olivier Orban-1992.
2)-Pierre Péan « L’argent noir » Editions Fayard 1988, in « Les circuits de la corruption l’Argent noir de la France », L’EVÉNEMENT du jeudi 29 septembre-5 octobre 1988.
3)-Z.A.C. : Zone d’aménagement concertée : Considérées comme zones d’utilité publique, les Z.A.C. sont normalement gérées par les communes ou les sociétés d’économie mixte. Le fait de confier la maîtrise d’ oeuvre d’une Z.A.C. à un opérateur privé comme cela a été le cas pour la Z.A.C-Porte-Maillot (Cogedim Dumez) revient à donner le label intérêt public à une opération purement privée, parfois de pure spéculation immobilière. Michel Mauer, président de la Cogedim a été condamné, en 1993, à deux ans de prison avec sursis pour fausses factures.
4)-« Le micmac libanais du président de RFI », Jean Paul Cluzel, in l’hebdomadaire l’Express livraison du 12 juin 1997.
5)-Rapport d’activité de Christian Charpy, Directeur général de RFI-RMC-MO, devant le comité d’entreprise de la Somera du 23 juin 1998 page 29 et 30.
6)-Les visites du premier ministre Hariri en France :
1992 : 11 décembre 1992, soit deux mois après la prise de fonction de M. Hariri, prise de contact officiel avec le gouvernement socialiste de Pierre Bérégovoy.
1993 : deux visites : la première le 23-24 avril, un mois après le triomphe des néo-gaullistes aux élections législatives et la formation du gouvernement Balladur, la seconde, le 18 octobre, où pour le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir, M. Hariri procède avec le maire de Paris à la plantation d’un cèdre du Liban dans un Square de l’île Saint-Louis.
1994 : le premier ministre Edouard Balladur est au Zénith. Le premier ministre libanais Rafic Hariri se fait discret et effectue une seule visite de travail en France, le 26 mars 1994, dans une année qui coïncide au Liban avec l’attribution des grands marchés (Aéroport, autoroute maritime etc.) et en France avec les premiers scandales en rapport avec les financements politiques occultes, ce qui entraîne la démission de trois membres du gouvernement français (Gérard Longuet, Postes et télécommunications, Alain Carignon, communication, et Michel Roussin, Coopération).
1995 : Année de l’élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République : six visites de travail en France, dont une juste avant les élections présidentielles (21 avril), une autre dans la foulée des élections (30 mai). Quatre visites au second semestre de l’année (27 août et 28 septembre) dont deux au moment de la grande grève générale en France (27 novembre et 19 décembre).
1996 : 21 décembre 1996, après les élections législatives libanaises, alors qu’une crise feutrée opposée la Syrie aux Etats-Unis et à Israël, dans la foulée des attentats anti-syriens de Beyrouth et de Damas.
1997 : Année de la dissolution anticipée de l’assemblée nationale par le président Chirac : quatre visites, dont trois avant la dissolution (3 janvier, 2 février et le 16 avril, juste avant le premier tour de la consultation), puis le 9 septembre.
1998 : Année de l’élection présidentielle libanaise : trois visites, la première le 30 mars, suivie un mois plus tard par le voyage de M. Chirac à Beyrouth. La deuxième visite de M.Hariri de France intervient le 28 septembre, soit dix jours avant l’ élection du général Lahoud, la troisième le 6 novembre avant la formation du nouveau gouvernement libanais qui marquera l’éviction de M. Hariri.
Les visites de M. Chirac au Liban :
16-17 juin 1993= Deux mois après la visite de M.Hariri dans la foulée de la formation du gouvernement Balladur, Jacques Chirac, Maire de Paris isolé politiquement par la montée en puissance de son ancien collaborateur et désormais rival, signe à Beyrouth avec le premier ministre libanais Rafic Hariri, grand ordonnateur du chantier de la reconstruction du Liban, un « pacte d’amitié Paris Beyrouth ».
1994 : Période préélectorale en France au paroxysme de la rivalité Chirac Balladur, aucun déplacement du présidentiable français au Liban n’a été programmé et le premier ministre libanais se rend une seule fois en visite de travail en France, en mars, au moment du lancement officiel de la campagne présidentielle du Maire de Paris.
1996 : deux visites, la première coïncidant avec la semaine sainte et les fêtes de Pâques au Liban, le 5 avril 1996, le président Chirac invite les chrétiens à renoncer à boycotter les élections législatives qui devaient marquer la consécration du premier ministre Hariri, quatre ans après sa venue au pouvoir. La seconde, le 25 octobre, s’inscrivait dans le cadre d’une tournée régionale commencée par Damas, marquée en outre par des altercations avec des policiers israéliens à Jérusalem et le discours d’Alexandrie sur la nouvelle politique arabe de la France.
1998 : 30 Mai 1998, Motif officiel de la visite est l’inauguration de la résidence de l’ambassadeur de France, restaurée après sa destruction durant la guerre. Mais ce déplacement intervient à deux mois de la visite du président syrien Assad en France et à quatre mois des élections présidentielles libanaises.
7)-Raymond Baaklini, nouvel ambassadeur du Liban en France, nommé en janvier 1999, n’a rejoint son poste qu’en Mai 1999, en raison du retard mis par la France à donner son agrément. Paris a voulu ainsi marquer sa mauvaise humeur à la suite de l’éviction de M. Hariri à son insu en pénalisant l’ambassadeur désigné par son successeur. Pour justifier ce retard, des milieux proches du pouvoir à Paris ont suscité des interrogations sur la francophonie du nouveau représentant libanais, voire même parfois sur son appartenance communautaire, alors que M. Baaklini, beau-frère de l’universitaire français Henri Laurens, auteur de « L’invention de la Terre Sainte » (Fayard) un spécialiste du Moyen-Orient à l’ INALCO (Institut de Langues et de Civilisations Orientales) est un diplomate parfaitement francophone comme ont pu le constater les divers ambassadeurs de France en Libye au moment du conflit tchado libyen (1984-88), où son bilinguisme franco-arabe était bien apprécié des observateurs occidentaux, tant diplomates que journalistes. En revanche, La France ne paraît pas s’appliquer les critères qu’elle applique aux autres. En poste à Beyrouth au moment du siège de la capitale libanaise en tant que jeune diplomate, en 1982, l’ambassadeur américain David Sutterfield est un homme de terrain parfaitement arabophone, contrairement au représentant français, M. Daniel Jouanneau, un ancien du protocole qui ne passe pas pour être un bilingue accompli. En visite au CREA (Centre de Recherches et d’ Etudes Arabes) de l’Université Saint-Joseph, le diplomate français s’est livré à un aveu par défaut en déclarant qu’il était du « devoir d’un diplomate d’essayer d’apprendre la langue du pays où il travaille » (L’Orient-le jour du 24 juillet 1999 page 4). Sous le gouvernement Hariri, les relations franco-libanaises étaient certes monopolisées au plus haut niveau de l’Etat et la mission française était en parfait synchronisme avec le cabinet Hariri. Cette trop grande proximité a pu fausser la lisibilité de la politique libanaise, expliquant sans le justifier le revers diplomatique français.
8)-Dans le souci de limiter les dégâts, « pour rattraper le coup » en quelque sorte, le gouvernement français dépêchera un émissaire à Beyrouth pour inviter le président Emile Lahoud avant le « printemps 1999 en France ». L’échéance est intervenue sans que la visite n’ait lieu. Le choix du messager s’est porté sur Gérard Bapt, député socialiste de Haute Garonne, président du groupe d’amitié France Liban à l’Assemblée nationale, qui fut sous la présidence Mitterrand à l’époque de la « guerre des chefs » du camp chrétien (1988-90), un des interlocuteurs habituels du publicitaire libanais Antoine Choueiry, un des principaux bailleurs de fonds des médias libanais mais aussi l’ un des plus fermes partisans du général Michel Aoun, l’ancien chef militaire chrétien en exil à Paris et prédécesseur controversé du général Lahoud à la tête de l’armée libanaise. La cérémonie de présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur libanais à Paris, fixée au départ au 8 juillet a été reportée au mois de septembre 1999. Le Président Jacques Chirac a voulu, semble-t-il, mettre à profit le sommet de la Francophonie de Moncton au Canada (6-8 septembre) pour rencontrer son homologue libanais, le président Emile Lahoud, préalablement à l’accréditation de son ambassadeur.
9)-A propos du financement du parti RPR, « Al-Kifah » écrit notamment : « Dans le cadre de ce système global Paris Beyrouth, l’Afrique occidentale a constitué une étape importante dans le financement des campagnes électorales du parti gaulliste, dans le giron duquel a gravité André Kamel. Certains en France poussent la justice française à se pencher sur les relations de cet homme d’affaires avec l’entourage de M.Hariri, notamment avec son conseiller juridique, M.Basile Yared, en charge des contacts avec l’Elysée ». Arab Bank et l’affaire des HLM de Paris : « Le scandale de l’office des HLM de la ville de Paris a mis sur la sellette l’Arab Bank et certains de ses principaux dirigeants, MM.Georges Tannous et Nasri Malhamé, responsable de la Banque en Suisse, l’avocat Abdallah Hachem, ainsi que Pierre et Arlette Dubecq, proches de André Kamel. Arlette Dubecq, pendant vingt ans chargée des comptes spéciaux de la Banque, a été contrainte de quitter son travail en 1996 car elle était au courant de nombreux montages financiers irréguliers.
« Le nom de M. Hariri a été cité dans toutes ses affaires sans que personne n’ait pu établir avec certitude son implication et le réseau financier gaulliste pourrait être impliqué dans une phase judiciaire, si la possibilité était donnée à la justice française de venir chercher les preuves au Liban. Ceci était impossible il y a quelques mois. Des interventions de poids sur plusieurs dossiers ont entravé la progression de ces affaires les neutralisant sous l’effet des pressions et des procédés dilatoires », conclut « Al-Kifah ».